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Archives de la catégorie ‘Les textes du sens du bien commun’

Individus et sociétés

12 Juil

Individus et sociétés sont les deux termes dont l’articulation est l’enjeu de toutes les positions et toutes les confusions dans le domaine du politique et de l’économique et aussi du « vivre ensemble ». La plupart des analyses ou des propositions présupposent une conception de l’homme et de la société laissées dans l’ombre au jeu des sentiments et des affirmations péremptoires sur la malignité des autres et les bienfaits assurés. L’individualisme dénoncé cache souvent l’individualisme dénonciateur, la société un espace d’aliénation vendu à nos crédulités.

1 – Les impasses de l’individualisme

L’individualité est une modalité d’existence de la personne humaine. L’individualisme est la réduction de l’homme à cette modalité comme si c’en était l’alpha et l’oméga. Il est souvent assimilé à un égoïsme indifférent aux autres au nom de quoi il s’agirait de le dénoncer et le combattre. Mais au nom de quoi, au nom de qui? Un anti-individualisme en cache quelques fois un autre.

Après tout il s’agit d’une conception de l’homme et de nous-mêmes sur lesquels nous portons jugement humain. C’est avec les moyens élaborés par l’Humanisme Méthodologique que nous allons explorer différentes figures de l’individualisme tel que nous en avons posé le principe. Se conjuguant avec différentes positions d’être, différents Sens et conceptions de l’homme, l’individualisme prend différentes figures, autant de logiques dont la multiplicité permet de brouiller les cartes et de dénoncer facilement l’individualisme de l’autre.

L’individualisme matérialiste.
Élément indivis, on retrouve l’étymologie qui est curieusement la même que celle du terme atome qui veut dire aussi non sécable, indivisible. C’était du moins la vision avant de découvrir que l’atome stable était composé de particules élémentaires et qu’il s’en trouvait instable quelques fois. Ce qui est curieux c’est cet individualisme qui identifie l’individu comme l’élément d’une masse. Cet individualisme ne trouve pas en lui-même les sources d’une quelconque initiative. A l’instar de l’atome qui répond aux lois de la chimie et de la physique, l’individu ici répond aux lois déterministes qui le prennent en masse ceux dune société ou de forces sociales que l’on a voulu décrire. Rien de plus isolé que cet individu rien de plus dépendant. Un individualisme de l’exonération de soi soumis aux forces de la nature. Il n’y est pour rien.

L’individualisme normatif.
C’est un exemplaire d’un modèle établi par la science des modèles et par les lois normatives de ses comportements. Cet individualisme est particulièrement compatible avec un étatisme producteur de normes et qui veille à éviter toute anomalie. La raison explicative s’impose à tous et chacun est justifié par sa conformité aux raisons d’Etat. L’individu est dument identifié, enregistré, numérisé, et il lui incombe de se conformer au même fuyant toute originalité, toute créativité transgressive. Il y va de son confort et de son désintéressement de ses pairs dont il n’est pas responsable, soumis aux mêmes raisons supérieures, tous égaux en droit.

L’individualisme souverain.
Il vise à ne dépendre de rien ni personne et son indépendance est gage de son individualité, de son identité, de sa singularité. C’est à une certaine conception de la liberté qu’il réfère sa souveraineté entièrement vouée à se vérifier par le dégagement de toute responsabilité ou l’engagement des autres à son profit. Il porte la promesse séduisante d’indépendance souveraine qui n’a d’autre fins que de se prouver.
Pouvoir d’emprise ou de séduction sont aussi les trophées de sa réussite mais aussi la source de toutes les jalousies dans ce jeu de miroirs inverses.

L’individualisme idéaliste.
Il vise à atteindre un idéal humain, idéal de conscience et de progrès. L’individualisme idéaliste est occupé à se perfectionner, éducation, formation, sont destinées à établir les compétences selon ses capacités. A ce titre il participe aux projets de civilisation dont le critère et le vecteur sont le perfectionnement humain, c’est-à-dire celui des individus. Pour l’individualisme idéaliste c’est même un devoir que d’édifier l’homme individu. C’est ce qu’on appelle souvent humanisme. Il est vrai que comme cela il échappe aux déterminismes purement matériels et marque sa différence d’avec tout autres choses ou vivant.

Il y a d’autres variantes et conjugaisons mais déjà, quel individualisme dénoncez-vous? depuis quelle position?

L’individualisme souverain abhorre l’individualisme normatif qui le lui rend bien. Libéralisme, social étatisme en sont des caricatures. Opposant liberté et égalité chacun dans un Sens étroit, le sien.

L’individualisme matérialiste et l’individualisme idéaliste ne s’aiment pas comme le collectivisme se moque de l’humanisme. Le premier qui se veut réaliste exige des solidarités nécessaires alors que l’autre postule des vertus à éduquer.

Mais y a-t-il d’autre destin que l’individualisme? Y-a-t-il d’autres visions de l’homme par l’homme ou l’individualité participe à l’existence commune sans y réduire la personne?

Comment l’individu participe-t-il alors à l’existence commune? Différentes positions restent à discerner pour choisir celle où le Sens du bien commun articule développement et accomplissement humains.

2 – L’individu et le lien social

Nous allons passer en revue quatre modèles type centrés sur une conception du lien et de ses deux termes, le groupe et l’individu.

Le modèle de possession.
D’abord la puissance collective celle du peuple, du clan de la tribu, de cette figure que l’on appelle communautarisme à laquelle les individus appartiennent. La puissance qui vient du collectif, légitime le pouvoir qui tiens l’unité du collectif. Au fond il n’y a qu’un individu le collectif et son double le pouvoir. Alors qu’en est-il des hommes? des individus en nombre? Des pions ou des militants, voués ou dévoués au collectif auquel ils appartiennent et dont ils partagent le sort, dit-on.

Le modèle de la cité.
L’organisation rationnelle de la vie collective engagée dans le développement du progrès humain, la civilisation, est édifiée par les citoyens selon les modèles idéaux normatifs. La participation à la cité est définie par des fonctions, des rôles, inscrits dans les scénarios règlementaires. Le salut de l’individu est confié à la cité qui est le chantier du progrès humain. Au citoyen de s’y conformer.

Le modèle de la nature
Le système de la nature est le tout d’où émane chaque chose, chaque vivant, chaque homme parmi eux. Les lois de la Nature sont déterminantes et de ces déterminismes l’évasion apparait comme contre nature. Les individus totalement dépendants transgressent ces lois dès qu’ils prétendent à une transcendance du jugement humain, de la maîtrise humaine, du destin de l’humanité. Il ne leur reste alors qu’à en profiter ou en être victimes et s’en plaindre, hédonisme victimaire.

Le modèle communautaire
Les communautés humaines sont de nature humaine. Elles sont rassemblées chacune, par la mise en commun d’une part humanité des hommes qui les forment, part d’humanité qui les transcende. Les communautés forment pour ceux qui y participent un monde commun habité par les individualités de chacun. Les individus y sont dépendants à la fois du monde commun auquel ils concourent mais aussi membres les uns des autres. C’est dans ce monde commun que se joue simultanément le développement commun et en commun et l’accomplissement des personnes au-delà même et au travers de leur existence commune. Tout cela suppose que les communautés et les hommes soient engagés dans le Sens du bien commun qui est le leur. Encore faut-il le discerner et le cultiver au travers de toutes les affaires communes. Et puis il y a les ensembles communautaires et toute la complexité et la diversité des hommes. C’est là que la fraternité trouve son Sens spécifiquement humain.

 

L’identité française

13 Jan

Chaque communauté nationale est unique, singulière, originale. Humainement parlant elle est porteuse cependant d’une part d’humanité spécifique. Les français peuvent se retrouver dans la leur, inconsciemment le plus souvent, pour s’y identifier (j’en suis). Les autres humains aussi, même si cela ne leur est pas aussi familier. Certains viendront s’intégrer à cette familiarité parce qu’elle leur correspond, d’autres parce qu’ils s’y sont trouvés projetés. Inversement des français peuvent se retrouver dans d’autres cultures. Cela n’empêche pas que les français soient aussi selon le cas bretons, anglophones, musulmans, antillais, francs maçons, européens, fonctionnaires, jeunes et participent à de multiples autres communautés. S’identifier n’est pas se confondre.

Les deux premières difficultés sont d’une part la polysémie des racines culturelles de la nation française qui font que l’identification peut se faire en plusieurs Sens selon les moments, les groupes, les caractères et, d’autre part qu’ils se traduiront différemment selon les contextes et les conditions du passé, de l’actualité ou des mises en perspectives.

Il est donc important de repérer des grandes tendances qui traversent l’histoire et les questions d’ordre national françaises et ensuite de les décliner selon les domaines de référence que l’on veut envisager. En effet les termes dans lesquels s’exprime l’identité appartiennent au langage de chaque domaine, par exemple sportif, politique, historique, caractériel, imaginaire etc. Il y a donc des repères généraux qui s’attachent à identifier les tendances ou Sens profond de la culture française et des repères d’identité toujours circonstanciels ou contextuels. (Jamais figés). Il faudra choisir dans quels domaines on veut qualifier ce que peut être l’identité française, être français; l’universalisme est à ce titre  une clôture handicapante. En outre il n’y a pas de projet sans intention et c’est en tant que français que la question se pose du projet de qualification de l’identité nationale. Quel Sens de la culture française veut-on privilégier? Il faut le dire tout de suite toute culture a ses tares et ses vertus. Pour repérer et exercer ces dernières il faut choisir volontairement le Sens du bien commun de la culture française. C’est ce par quoi elle exerce ses vertus, cultive ses valeurs propres et progresse dans son accomplissement et son rayonnement.

Les conclusions présentées ici résultent d’une étude fondamentale, l’analyse de cohérences culturelles, une innovation conceptuelle et méthodologique de l’humanisme méthodologique que l’on pourra approfondir ici.

Ce qui est singulier dans la culture française c’est son « rapport à l’ordre« , sans doute inscrit dès les fondations et refondations de la France en tant que telle. Les rapports à cette problématique posent les différents Sens de cette culture et se traduisent en positions ou tendances qui portent le pire ou le meilleur. On commencera par considérer les deux défauts majeurs et les deux vertus inverses que révèlent l’analyse. Le schéma ci-dessous montre comment se distribuent ces tendances et ce qu’elles suggèrent comme principes culturels français.

Le Sens de la bonne foi ou de la mauvaise foi en rapport avec l’ordre des choses, la réalité, les structures, les hommes, posent une vertu et une des « tares » de la culture française.

D’un côté la considération des choses, le souci de vérité, d’authenticité, de reconnaissance de la nature des choses, s’oppose à une attitude de cynisme, de falsification, une substitution du discours, de formules, d’idéologies, d’une raison opportuniste à la réalité . Dans ce cas, la défiance systématique, l’artifice, l’abstraction du réel, le détournement du sujet prédominent. On y considère comme naïveté cette confiance dans l’ordre du réel, naturel et on en craint le risque de dévoilement. La vérité est déclarée mensonge et la perversion vertu d’habileté. Toute ressemblance…

Sur l’axe vertical figurent deux autres tendances qui structurent le champ culturel. D’un côté la « bonne volonté » qui consiste à rechercher le bien commun (de bonne ou mauvaise foi). Elle se traduit par une détermination à contribuer  au progrès des choses, à faire progresser l’ordre existant, à participer (démocratie participative?). A l’opposé le ressentiment est une attitude de critique systématique de l’ordre établi, de l’ordre des choses comme l’ordre public. il ne s’agit pas de contribuer à un nouvel ordre mais de s’opposer à tout ordre. Le côté révolutionnaire permanent s’exonérant de construire, ce qui est le fait de la vertu inverse.

Il est aisé alors de reconnaître quatre « postures » de français. Bonne volonté et mauvaise foi et c’est tout l’élitisme à la française qui y déploie ses « valeurs » et ses habiletés, l’élitisme intellectuelle aussi et ses formes de rationalisme notamment.

A l’inverse la vertu de bonne foi, associée au ressentiment et toute une militance critique qui ne cherche pas à construire se déploie. Réalisme mais pas de réelle bonne volonté.

Le pire est sans doute dans cette conjugaison des deux travers de mauvaise foi et de mauvaise volonté. Faut-il l’illustrer comme par exemple dans ces situations particulièrement ambigües de l’histoire. Elle servent à ériger en vertu ce qui en est quelque fois l’inverse. La vérité dite n’est pas la bonne et la critique sert plus à dénoncer qu’à construire. C’est une attitude très présente dans l’espace politique y compris à propos de l’identité nationale (cette analyse de cohérences culturelles date de trente ans et pas seulement de trente jours).

Le meilleur est la conjugaison des vertus de bonne foi et de bonne volonté. C’est ce qui détermine le Sens du bien commun et les valeurs propres à la culture française et aux français. Contribuer à l’éclairage de l’identité française sous son meilleur jour en rapport avec la réalité des français dans toute leur complexité est autre chose que de dénoncer le projet en déclarant que la question est réglée par des formules toutes faites. De même feindre de contribuer au projet en évitant le sujet réel (détournement, inversions de vérité, déni de réalité) ne vaut guère mieux. Le soupçon plutôt que la collaboration face à une réalité complexe n’est pas non plus recommandable. Ce sont là des traits de la culture française mais l’identité française que l’on peut désirer renouveler  pour rassembler et remobiliser le meilleur des français est plutôt dans la conjugaison des vertus françaises.

L’ordre juste, poursuivi et recherché a été il y a peu une expression dans laquelle les français peuvent se reconnaître. Des candidats à la présidence de la république s’y sont référé dans leur meilleur élan. Postures artificielles ou ressentiment récurent sont aussi un trait de la culture française mais peu constructif. L’article en lien rappelle ce qu’il en a été.

Fier et franc, en écho (les deux auraient même racine), fierté de participation à une oeuvre de valeur pour la communauté – la bonne volonté; franchise d’un rapport direct au choses au monde. à l’inverse le ressentiment baigne dans la disqualification permanente, la mauvaise foi se nourrit de leurres et de substituts artificiels, de faux semblants.

Alors où sont les valeurs républicaines liberté, égalité, fraternité? Leur universalité en fait des valeurs anthropologiques générales et non spécialement culturelles. Il est particulièrement arrogant de se les approprier pour identifier la France d’autant plus qu’elle n’en possède ni l’origine ni l’exemplarité. Mais il y a sans doute une ambition cachée derrière cette prétention (non pas de s’y référer mais de s’y identifier). C’est ce qu’il ne faudrait pas risquer de dévoiler par un débat public sur l’identité.

Reconnaitre la complexité et la difficulté de l’identification commune des français dans le mouvement du monde actuel et les échos de l’histoire est sans doute pour les français un enjeu de progrès  important. Comme pour tout enjeu de cet ordre les différents traits sont exprimés comme autant de manifestations d’identité possibles. Mais l’identité des français à privilégier est celle qui exprime le Sens du bien commun en reliant les réalités historiques, l’actualité commune et aussi une ambition, un désir, une aspiration partagée de bonne foi et de bonne volonté. C’est valable pour tous les français de toutes origines et de toutes conditions. il y en a certainement de multiples illustrations auxquelles s’identifier ensemble. Voilà l’intérêt d’une concertation publique sur la question.

A titre indicatif, tous les grandes références historiques peuvent être lues selon chacun des Sens de la culture française pour en identifier les tendances en jeu et repérer l’issue et ce que pouvait être le Sens du bien commun et ses références pour une identification renouvelée.

 

L’identité nationale : la crise

10 Jan

Le débat sur l’identité nationale est symptomatique de la problématique identitaire de la France. Les uns constatent qu’il y a un problème les autres crient au fascisme et sortent leur joker : La République et ses valeurs universelles. Au lieu de débattre du sujet lui-même il y a détournement du sujet. Le débat devient objet du débat.

Cette situation révèle une sorte de pathologie nationale dont le traumatisme originaire est ancien. Il a conduit à établir un système de défense socio-psychique fondé sur « l’évacuation du sujet » humain, personnes et communautés. A la place un individu conçu comme entité juridique en dépendance totale d’une incarnation du collectif : l’Etat qui établi le lien social, au nom d’un principe sacré, la République et ses valeurs universelles. Il y a, depuis la Révolution française une pathologie identitaire dans ce pays et la crise qui se manifeste peut être un signe de guérison si une parole se dit publiquement. La question reste encore dans le non dit. Certains voudraient bien le maintenir en cultivant un goût du secret pour des choses essentielles et de l’invective si cela venait à se savoir. Il y en a à gauche et il y en a à droite.

A titre d’exemple de l’ambiguïté entretenue, ceux qui sacralisent la République n’ont pas réputation à être très accueillants à l’Islam et ils soupçonnent en même temps les autres qui donne la parole aux musulmans comme les autres, de vouloir le stigmatiser. Autre contradiction on nous affirme que l’identité française est bien connue (circulez il n’y a rien à voir) identifiée aux valeurs universelles de la République. En réalité cette conception fantasmatique de la République, inadéquate, est incompatible avec la notion même d’identité nationale, par anti-communautarisme sans doute. Le niveau d’abréaction émotionnelle, la contradiction patente, l’incapacité à voir l’incohérence du discours, associé à la violence de l’insulte, c’est évidemment symptomatique.

La pathologie mentale n’exclue pas une résolution skyzoïde alliant un discours négateur avec une expérience de vie plus consistante. Si la voie d’une anamnèse pour discerner la diversité des logiques en jeu au moment de la « crise de liberté » historique serait salutaire, une autre voie, plus directe, apporterait une confortation identitaire nationale bien utile au moment où il faut partager l’aventure d’une mutation de civilisation avec les autres nations, d’autres cultures et d’autres identités. C’est là que l’Humanisme méthodologique apporte des réponses nouvelles susceptibles de favoriser un progrès de conscience et de pratiques.

 

La crise qui vient, la crise du politique.

24 Mai

Les signes du temps

Devant les soubresauts du système économique et financier les politiques tentent de montrer qu’ils peuvent encore, au nom du politique, instaurer quelque régulation salutaire. Mais les jeunes espagnols ne les croient plus. Ils sont indignés comme on nous invite à exprimer émotionnellement nos désaccords, pris comme des atteintes à la dignité. Le promoteur prend l’exemple du sort fait aux palestiniens par Israel et cite comme référence idéale le Conseil National de la Résistance, au moment où les dispositifs établis alors atteignent leur obsolescence. Les fameuses générations futures en ont marre de la solidarité intergénérationnelle à leur détriment.

Il est tentant surtout en France de faire appel aux mannes révolutionnaires, pour désigner le mal et mobiliser l’agressivité populaire. Seulement une des lumières salvatrice vient de s’éteindre avec fracas. Il s’agissait de mobiliser cette vindicte pour prendre le pouvoir permettant de maîtriser, au niveau qu’il fallait et avec l’intelligence requise, les équilibres et rapports de force de cette grande mécanique systémique de l’économie mondiale. L’intelligence à chuté, il ne reste que la vindicte. Ah si les indignés espagnols franchissaient la frontière pour emporter le président tyran ! Voyez d’ailleurs comment des populations ont réussi à faire chuter leurs tyrans dans ces pays arabes dirigés par des clans qui captaient la richesse à leur profit ! Tunisie, Egypte, bientôt la Libye (zut! notre tyran y serait pour quelque chose?) et d’autres encore. Les jeunes avec tweeter et facebook, ces accessoires si décriés d’internet, ont réussi, sans référence aux pères révolutionnaires et aux slogans congelés. Les uns et les autres mettent en question leurs dirigeants « socialistes » mais on voit bien que cela importe peu. C’est la démocratie en vigueur qui n’est plus crédible, plus réelle disent-ils en Espagne. Pourquoi? Parce que les explications fournies pour justifier les difficultés et les plans de redressement relèvent de systèmes de représentations obsolètes qui ne prennent pas en compte les gens réels et leur vie réelle. Qu’ils soient d’un camp ou celui d’en face c’est pareil, leurs représentations du politique sont obsolètes. Les efforts d’efficacité des uns, les efforts de dénonciation des autres n’y répondent plus. Les diversions du salut planétaire ou celles du salut dans l’entre soi défensif non plus. Ils témoignent de sentiments individualistes banalisés depuis la nuit de la généralisation des privilèges (dans les esprits). Pourtant c’est bien une rupture que voulait notre président (le tyran pour ses adversaires) mais cette rupture voulait surtout réparer des maux structurels de notre pays, maux cachés, non dits, indicibles, la main mise d’un système philosophico-technocratique sur la nation et sur le politique. Ses tenants ont, bien sur, trouvé chez les dénonciateurs du tyran l’alliance opportune pour les défendre de celui qui les tyrannise.

Et pendant ce temps là, des milliards d’hommes voués par les intelligences occidentales au sous développement, se sont permis de réussir, de mobiliser leurs intelligences, leurs motivations, leurs jeunesses pour cette grande aventure qui les voit non seulement espérer dans l’avenir mais le construire à grands pas de croissance. Là bas dans les vieilles consciences acariâtres en quête de décroissance, on les dits exploiteurs vu les salaires versés, pollueurs vu leurs désirs de bouger et de réaliser, épuiseurs de la nature que nous avions si bien su conserver pour les générations futures. Pire ils sont présents sur internet par centaines de millions qui partagent aussi, tout en restant dans leur culture, l’aventure humaine avec tous les autres.

Mais alors si les politiques ne savent plus où est le réel des hommes, si leurs modèles usés et sacralisés sont si impuissants alors on peut s’attendre à une crise plus grande que celle des « subprimes », la crise du politique. Ce n’est pas une crise seulement française mais une de celles où la France a le plus de handicap, ayant remplacé la pensée créatrice par des raisons toujours indiscutables. Alors la réponse serait la démocratie mais, si on écoute les jeunesses en effervescence, une démocratie réelle. Les anarchistes suggèreraient de supprimer les politiques, d’autres de supprimer les riches affameurs. Il y en a qui revendiquent des emplois, mais à quels distributeurs d’emplois? des droits, à quels distributeurs de droits? Faudra-t-il rétablir les politiques et les riches pour qu’ils donnent des réponses? A moins que, comme d’habitude, des avant-gardes éclairées ne prennent la place vu leurs lumières et leurs vertus. Justement qu’en est-il des vertus morales dans les affaires d’intelligence systémique planétaire. Qu’en est-il de la dignité humaine dans les équations mathématiques et biologiques de la nature? N’y aurait-il pas là de quoi s’indigner? Mais s’indigner ce n’est pas revendiquer sa dignité mais l’assumer, ensemble. Voilà donc les nouvelles racines du politique; non pas distribuer de la dignité avec de la soupe populaire ou l’abondance de biens matériels ou intellectuels mais organiser les modes communs de devenir ensemble selon l’expression et la culture de la dignité humaine. La crise du politique doit nous mener à la refondation du politique, une fois déconstruites les certitudes enkystées de nos combattants cacochymes.

 

La participation démocratique

16 Fév

Participation des habitants et démocratie communautaire.

Un contexte en pleine mutation

En résonance avec la mutation de civilisation et les troubles qui l’accompagnent, le « modèle républicain » de notre pays se trouve aux prises avec trois forces qui se combattent et à une émergence qui est la réponse de la « société civile » avec la participation des habitants aux affaires communes.

L’universalisme formel considère que l’égalité formelle est sa traduction impérative. Il a besoin d’un Etat central de type jacobin pour normaliser et encadrer de ses normes et contrôles toute la société civile. Celle-ci peut s’étendre à toutes populations et territoires dans la mesure où ils rentrent dans ses normes de conformité. C’est comme cela qu’est conçu l’assimilation de ceux dont les différences sont ignorées.

Le nationalisme considère que la Nation est la propriété de ses membres et leur confère privilèges et protection. Il est ainsi inquiété par les emprises extérieures et les immigrations étrangères qui ne peuvent être tolérées que si elles respectent ces prérogatives. Sinon, leur marginalisation est impérative dans les ghetto que l’on connait.

Ces deux modèles conflictuels sont historiquement imbriqués dans des formes politiques multiples où le rapport aux étrangers n’est pas si différent et où le colonialisme en d’autres temps faisait quasi unanimité.

Avec l’évolution des esprits, et l’ouverture au monde un autre modèle est envisagé, une sorte de multi-culturalisme à la française où l’égalité devient droit de cité des différences, reconnues comme identités équivalentes dès lors qu’elles peuvent se réclamer d’une origine victimaire. Ce sont « les minorités«  qui constituent des communautés citoyennes en droit de « pouvoir d’agir », c’est-à-dire capacité à revendiquer leurs droits dans un rapport de force avec toutes les autres et en particulier ce qui faisait communauté nationale. Ce modèle ne peut que susciter des réactions défensives des précédents qui sont déjà à l’oeuvre. (Contrôle de l’Etat central, protectionnisme).

En même temps la société civile à la croisée de ses multiples racines culturelles et de son ouverture au monde commence à revendiquer une implication dans la participation active aux affaires communes. Le thème de la démocratie participative y a contribué même si son immaturité en a été sanctionné par l’échec à peu près systématique lorsque ce n’était pas simple simulacre. Cependant l’aspiration à une plus grande autonomisation et à la participation aux affaires communes font émerger un autre modèle de société. Combattu par les trois autres il lui faut trouver ses voies et moyens pour acquérir un maturité indispensable.

La démocratie communautaire est autant nationale qu’internationale ou locale lorsqu’elle est territoriale. C’est cependant aussi un modèle pour des communautés non territoriales, organisations, activités, projets, enjeux communs. Elle repose sur un principe : la recherche du bien commun à toutes les échelles communautaires.

Démocratie communautaire et participation des habitants.

La participation des habitants se doit d’être située dans une communauté de référence dont ils peuvent s’approprier la recherche du bien commun. Ce seront des quartiers, des projets d’intérêt commun, des villes et au-delà, à toutes les échelles. Habiter ensemble est alors aussi un engagement de l’avenir, d’un devenir commun comme aussi tout projet qui ne s’achève pas dans sa réalisation mais dans les visées communes qu’il poursuit.

La participation des habitants aux affaires communes ne peut se faire que par une approche d’appropriation active (ni simple adhésion, ni appropriation passive, ni revendication conflictuelle).

Dans le domaine territorial il s’agira de développer des communautés territoriales majeures et des projets d’intérêt public. Il faut insister sur le fait que cette maturité des communautés impliquées vise aussi leur participation à des communautés plus larges comme la considération de toutes les communautés transversales ou locales.

Le développement communautaire de territoires ou de projets réclame trois conditions impératives qui sont souvent négligées.

– L’instauration ou la restauration d’un identité commune mobilisatrice. Elle doit pour cela avoir des racines rétrospectives, une identification introspective de qualités et de valeurs communes singulières, une projection dans le futur désirable ou identité prospective. C’est comme cela que s’exprime le Sens du bien commun tel qu’il a pu être élucidé au préalable (méthodes d’analyse de cohérence culturelle).
– La création d‘une dynamique humaine d’implication et d‘apprentissages progressifs qui se traduise par une intelligence collective des affaires communes, une créativité et des compétences associées. La démarche présente un caractère d’apprentissage qui ne peut être seulement ponctuel mais vise à franchir différentes étapes de maturité, ce qui caractérise la poursuite d’un bien commun d’autonomisation responsable.
– Le développement d’une gouvernance démocratique appropriée à la communauté. Cette gouvernance démocratique ne peut qu’être le fruit d’une expérience et d’un apprentissage progressifs. Une communauté majeure doit se gouverner y compris dans ses rapports avec d’autres communautés mais sa gouvernance dépend du niveau de maturité communautaire.

La gouvernance communautaire des communautés majeures.

Elle comporte trois dimensions articulées.

Une démocratie élective pour la désignation d’une personnalité incarnant le Sens du bien commun pour en constituer le repère, oeuvrer au consensus et indiquer la direction. Le mode de choix ou de désignation (élection) dépend de chaque communauté, sa culture et de son niveau de maturité.

Une démocratie représentative qui représente les différentes populations, groupes et acteurs de la communauté afin de constituer (concevoir et établir) les références communes en termes de règles, de projets, de cadres institués, de stratégies, en cohérence aussi avec la participation à d’autres communautés plus vastes.

Une démocratie participative qui n’est autre que la participation des habitants, groupes et acteurs aux actions et activités communes, depuis leur définition, leurs réalisation, et leur évaluation. Cette participation active s’appuie sur les références communautaires et sur tous les concours ou services qu’elle peut solliciter (publics ou privés). Sans les références communautaires et sans les concours sollicités la démocratie participative reste un leurre entre naïveté immature et déviances opportunistes.

Dans une communauté en cours de développement les différents niveaux de démocratie doivent faire l’objet d’assistances ou de substituts temporaires selon leur niveau d’évolution (Chefs de projets, comités de participation…).

Les conditions de mise en oeuvre

Elles dépendent du niveau de maturité de la communauté initiatrice (ex : la ville pour le quartier ou les projets publics) et se traduisent par un mode de gouvernance des projets participatifs.

Ignorance des processus de participation communautaire

Les actions sont alors ponctuelles et semi-clandestines. C’est le cas le plus fréquent actuellement, ce qui pose des problèmes de pérennité.

Orientation vers un participation communautaire

Ce sont des projets ponctuels de concertation ou de développement communautaire de quartier qui réclament une volonté politique suffisante pour en assurer la pérennité dans un milieu fondé sur d‘autres logiques.

Mise en oeuvre d’un management par projets communautaires

Comme le management par projet il consiste à confier à un pôle de compétence la conduite des projets et des actions publiques. Il s’appuie sur les services qui sont soit des services supports soit qui assurent le fonctionnement administratif et technique quotidien. Ici le pôle de compétence est constitué principalement de chefs de projets généralistes particulièrement formés au développement communautaire et à la conduite des dynamiques humaines d’appropriation active.

Choix d’un nouveau mode de gouvernance pour la communauté initiatrice (ville etc.)

C’est toute la gouvernance de la cité qui est alors à revoir avec les trois niveaux : de démocratie élective (ex : le maire), de démocratie représentative (les élus et d‘autres représentants de la cité), de démocratie participative pour toute l’activité et l’action communautaire. Un tel mode de gouvernance, adapté à chaque communauté, ne peut résulter que d’un processus de développement communautaire à ce niveau.

Roger Nifle 14 Février 2014

 

La révolution du bien commun

25 Mai

La référence au bien commun est aujourd’hui une révolution sur différents plans notamment pour ce qui concerne le politique, l’économie et toutes les affaires humaines.

Sur le fond, il n’y a de bien que bien de l’homme. C’est la première question si on veut penser le bien commun. La seconde est que l’on ne peut définir le bien de l’homme sans le rapporter à une conception de l’homme et donc de son bien. La troisième est qu’il n’y a pas de bien commun sans communauté qui définisse le « commun ». L’Humanisme Méthodologique montre que le propre de l’homme est le Sens et que le bien est relatif au Sens selon lequel l’homme peut s’accomplir. Par ailleurs, ce sont des conSensus ou Sens partagés qui font les communautés humaines. De ce fait le bien commun est une incarnation du Sens de l’accomplissement humain partagé au sein d’une communauté donnée. Le bien commun est donc une expression, une représentation du Sens du bien commun propre à une communauté. Chaque communauté humaine de part le conSensus qui l’a vu naître et se développer est porteuse de son propre Sens du bien commun s’exprimant selon des formes culturelles spécifiques et en fonction de multiples circonstances. Toutes les affaires humaines sont inscrites dans les communautés de Sens et peuvent être envisagées dans le Sens du bien commun définissant ainsi le bien commun qui leur est approprié. Ainsi on ne peut, en-dehors d’un contexte communautaire spécifique définir à priori ce qu’est le bien commun. Le faire c’est imposer aux autres ses propres vues en les prétendant universelles. C’est le cas aussi des valeurs qui sont des indicateurs culturels du Sens du bien commun propre à une communauté.

Dans la pratique, le politique est la façon dont chaque communauté oriente son développement selon le Sens du bien commun avec les appuis de la démocratie élective, de la démocratie représentative et de la démocratie participative. Les trois sont indispensables pour que la culture du Sens du bien commun soit l’affaire de la communauté. Il est vrai que le Sens du bien commun et celui par lequel se cultive un chemin de développement et d’autonomisation et non pas d’assistance et de dépendance qui ne sont que des conditions provisoires. L’économie est toujours communautaire et concerne la production et l’échange de biens et services, selon le Sens du bien commun de préférence. C’est à la communauté d’assumer son économie, ce qu’elle ne peut faire si on en fait une abstraction universelle (systémique) uniquement régie par des puissances incontrôlées. L’éducation est une affaire communautaire justifiée par le Sens du bien commun qui est celui du développement des personnes engagées dans la vie communautaire. Là aussi les abstractions universalistes dépossèdent les communautés et les personnes du contrôle de leur devenir. La justice et aussi toutes les affaires relevant du bien commun sont des affaires communautaires.

Il y a deux postures souvent complices qui sont remises en question : la position individualiste privilégiant le libre arbitraire et l’exonération du bien commun et la position universaliste qui donne à une élite le pouvoir de dire le vrai et le juste en toutes choses, tout en dépossédant les hommes et leurs communautés d’existence de toute maîtrise de leur devenir.

Alors il y a toute une science des communautés humaines et des ensembles communautaires à développer pour articuler les communautés de proximité, les communautés culturelles et les communautés monde. Il faut aussi comprendre qu’une communauté humaine est une communauté de personnes radicalement autres, différentes les unes des autres mais partageant une part de leur existence en référence au bien commun dans un développement partagé. L’Humanisme Méthodologique en jette les bases théoriques et pratiques.

 

Laïcité et signes religieux

16 Jan

Mon ami Jamel Gharbi, universitaire, m’a demandé d’apporter un éclairage sur ces questions de minarets, de burka, de voile, si actuelles et récurrentes, bref des manifestations publiques de signes (ou d’actes) religieux. Un pays aussi intelligent que le notre devrait manifester sa clairvoyance, fort de ses valeurs de laïcité. Ce n’est pas cela qui se manifeste le plus avec des débordements émotionnels et des déclarations définitives, menaçantes mêmes, qui tiennent lieu de réflexion. En fait il y a plusieurs Sens à la notion de laïcité qui mériteraient débat pour y voir clair dans les positions à tenir et les pro-positions à faire aux membres de la communauté nationale. Là aussi il y a un non dit qui craint d’être dévoilé, qui craint l’effort de discernement que le thème de laïcité positive a sollicité il y a peu. Une expression du promoteur de cette formule est de distinguer une laïcité qui s’oppose à toute religion et une laïcité qui accepte toutes les religions dès lors qu’elles respectent un pacte démocratique.

De fait comme tout concept il a plusieurs Sens (humains) qui varient selon les usages, les milieux, les intentions. Je souligne ici que l’Humanisme méthodologique est une anthropologie du Sens comme propre de l’homme et qu’ont été développées des méthodes d’élucidation des Sens, applicables aux concepts et leurs usages. C’est une telle analyse, réalisée il y a plus de 20 ans, que je vais utiliser ici. Un texte plus récent datant de l’affaire du voile en donne des indications plus approfondies avec l’exploration de la notion de spiritualité humaine : les Sens de la laïcité .

Comme pour l’identité nationale il y a un déni de réalité associée à une posture combative dénonciatrice. Le fait est que des gens comme Vincent Peillon sont caractéristiques du problème. Il a d’ailleurs piqué une crise (d’absentéïsme) Jeudi soir à la télévision (14 01 2010). Notons que c’est un spécialiste de la philosophie républicaine et fin connaisseur de Ferdinand Buisson qui aurait créé le substantif de laïcité. Il a d’ailleurs publié au Seuil il y a huit jours un livre intitulé « Une religion pour la République » et en 2008 « La Révolution française n’est pas terminée ».

La problématique passionnelle du 19 éme siècle et du début du 20 ème a mis le problème sous le tapis. Un de ses aspects est le projet toujours en vigueur d’éradication du christianisme et de toute religion quitte à y puiser ostensiblement ou discrètement des valeurs. Une laïcité de combat est aussi porteuse de l’ambition plus qu’ambigüe de créer une nouvelle religion rationaliste. Cela n’a jamais été un projet démocratique, ni explicite pour le grand public. C’est cela qu’il ne faudrait pas dévoiler avec le fait que l’identité nationale est radicalement incompatible et que tout signe religieux est par définition à bannir sauf ceux de la nouvelle religion. Pour ses tenants il n’y a pas de débat possible sauf à risquer le dévoilement, du fait aussi que cette conception de la république n’a rien à voir avec la démocratie.

Il faut dire cependant que sauf à être manichéen, cette critique ne sanctifie pas automatiquement ceux qui ne sont pas d’accord. Les combats de mauvaise foi n’ont pas manqué à l’époque ni aujourd’hui. Pour différentes raisons dont le mouvement du monde et l’émergence d’un nouveau discernement cette position est en crise, ce qui explique des symptômes de sociopathie ou encore l’adoption des pires positions culturelles (Cf  l’article : l’identité française).

Pour en revenir à la laïcité quatre Sens se dégagent schématiquement avec chacun un rapport aux signes religieux.

La laïcité libertaire : chacun fait ce qui lui plait sans contrainte spirituelle, tous les signes religieux sont permis. La liberté individuelle prime sur toute autre considération et notamment exclue le religieux de la vie communautaire pour préserver une neutralité du collectif afin de préserver la liberté individuelle. Les signes religieux sont disqualifiés de leur valeur symbolique, neutralisés en quelque sorte.

La laïcité sectaire : Il s’agit de l’imposition d’une norme antireligieuse, les signes religieux sont interdits. La conscience individuelle propre est disqualifiée lorsqu’elle ne se confond pas avec l’exercice d’une norme intellectuelle formelle de nature juridique, scientifique, administrative. Le rationalisme en a fourni largement les arguments.

La laïcité intégriste : Il s’agit de l’imposition d’une nouvelle religion sans Dieu. Les signes de cette religion laïque s’imposent dans un but d’emprise sur les esprits. En général des rituels et des signes religieux sont repris au nom d’un symbolisme des apparences conservant la lettre et en réïfiant l’esprit (confusion du symbolique et du magique).

La laïcité communautaire : Le Sens du bien commun est aussi le Sens de l’existence individuelle qui n’a d’autre lieu que la cité des hommes que chaque communauté de vie et d’engagement représente. Les signes y sont langage commun de co existence. Sous réserve de référence au Sens du bien commun, la libre expression individuelle s’exprime dans ce langage collectif. Ainsi les signes religieux doivent être « traduits », interprétés dans le langage communautaire, un langage des signes mais aussi des actes.

Dès lors, il est du ressort de chaque communauté (locale, institutionnelle, régionale, nationale etc.) de réguler les formes d’expressions, religieuses ou non, de ses membres. Si le Sens en est spirituel la forme en est culturelle. Peut-être conviendrait-il d’élucider le Sens spirituel des signes en débat avant de les traduire dans les formes culturelles appropriées et d’éviter de prendre la forme pour le Sens et tout Sens spirituel pour celui du bien commun.

Pour la laïcité communautaire l’espace public n’est rien d’autre que l’espace communautaire exigeant d’ailleurs d’intégrer la complexité des ensembles communautaires. L’Humanisme méthodologique propose avec le paradigme communautaire une nouvelle approche des questions de démocratie communautaire par exemple, fondée sur une théorie des communautés humaines.

De ces quatre versions de la laïcité les deux premières s’opposent comme les deux suivantes. La première et la dernière invoqueront la démocratie mais pas la même conception ni la même vision de l’homme. Les deux autres sont de logiques totalitaires. Elles n’ont pas intérêt à se dévoiler dans le contexte actuel et donc à accepter un débat public ou l’expression d’une libre conscience respectueuse des autres.

Est-ce au nom de la liberté de conscience, de l’égalité des droits, et de la fraternité nationale que Mr Peillon a agit et parlé jeudi soir?

Reste encore, pour les religions à savoir ce qu’est leur Sens du bien commun à toutes les échelles c’est-à-dire chaque communauté et distinguer ce qui est expression culturelle de ce qui veut être exprimé. La mutation du monde actuel repose d’une façon plus cruciale la question du statut des représentations. Cesser de leur donner un caractère sacré en soi autrement que par le Sens qu’elles expriment et dans la mesure où ce Sens est Sens du bien commun, d’un accomplissement communautaire des personnes humaines.

 

Le libéralisme communautaire

05 Jan

Les stades de maturité politique des communautés humaines.

L’émergence du libéralisme communautaire

Roger Nifle 5 Janvier 2016

Nous sommes dans une période de mutation, mutation de civilisation donc de niveau de maturité des sociétés humaines. Toute mutation connait une période de crises, crise de passage avec ses régressions et ses apprentissages de nouveaux mondes, de nouvelles conditions de l’existence humaine. Le passage dans lequel nous sommes engagés laisse apparaitre partout des crises dont on craint l’issue ou dont on espère de nouvelles émergences de civilisation. Des printemps s’annoncent et aussi des violences que l’on croyait derrière nous. Des conditions qui ressemblent à l’arrivée de l’imprimerie ont  déjà bouleversé les relations entre les hommes, même dans les pays les plus démunis, en moins de 20 ans. Seulement les modèles de pensée et de fonctionnement habituels semblent incapables de comprendre ce qui se passe et particulièrement dans notre pays où la Raison semblait souveraine. Alors là où nous plaçons le centre de notre identité collective et de notre devenir commun, le Politique, semble au bord de l’implosion. A ce jour la communauté nationale et ses intellectuels médiatiques et politiques semblent en passe de divorcer. Les attentes de la communauté nationale et les offres du monde politico médiatique semblent incompatibles. Mais n’est ce pas cette communauté là qui est éprouvée par cette mutation, le politique n’en étant qu’un symptôme? Telle se conçoit la communauté et son devenir, tel se conçoivent le politique et ses enjeux. Les modèles de l’un et de l’autre sont obsolètes, le nouveau n’est pas encore mûr.

C’est à ce travail de maturation que nous voulons contribuer, tant pour en comprendre les différents stades que pour en dessiner des perspectives et des projets. Avec L’Humanisme Méthodologique ont été approfondis les phénomènes humains communautaires et les stades de maturation de l’humanité. C’est le phénomène communautaire le plus commun semble-il qui est le lieu d’une mutation radicale et donc de tous les malentendus et de toutes les émergences décisives. La civilisation qui s’annonce est celle des communautés humaines, d’une humanité dont la condition est d’abord communautaire, une « hominescence » dirait Michel Serres qui correspond à un stade de  « maturescence » de l’humanité. Mais franchir un seuil de progrès ne met pas à l’abri des régressions et surtout des troubles que les crises manifestent. Comment nos sociétés et particulièrement la nôtre peuvent se saisir de cet enjeu avant tout politique ? L’Humanisme Méthodologique propose pour cela un paradigme nouveau, le paradigme communautaire qui articule à la fois la compréhension des phénomènes en jeu, la visée de toute maturation communautaire, les processus d’évolution qui permettent de telles transformations.

Ici ce sont les stades de maturité politique qui vont permettre d’éclairer les problèmes et l’orientation souhaitable. La connaissance des quatre stades de maturité politique des communautés humaines va éclairer la situation et dessiner une perspective qu’il faudra ensuite développer par ailleurs.

1 – Le communautarisme tribal

C’est le stade le plus archaïque du politique et des communautés humaines. Y règnent les sentiments et les passions, les promesses fusionnelles et les combats inexpugnables contre les autres, ceux d’autres tribus, d’autres communautés. Le politique c’est le domaine du pouvoir, pouvoir d’emprise qui sait manier séductions, promesses et menaces. Sans ennemis, difficile d’entrer en fusion et la fusion c’est le lien que le pouvoir soutien par l’entretien des passions. Les sciences politiques se sont vautrées dans ces mystères dont le spectacle médiatique réjoui l’arène. Le domaine des tribus communautaristes est vaste. Là ou les enjeux de pouvoir et de possession matérielle ou morale sont actifs, là ou des religions s’abiment dans l’intégrisme, là où les empires se bâtissent et se détruisent, là où les jeux du cirque d’antan passent pour le divertissement culturel indispensable.

Notre pays caractérisé par une culture de l’ordre où la Raison s’est voulue reine, est assailli par le ressentiment contre l’ordre établi, celui des autres, jugé injuste. On s’y abîme dans la doxa révolutionnaire, lieu de toutes les vertus qui, au lieu de construire, dénonce l’adversaire. D’un côté la plainte victimaire multiplie les communautés fortes de leurs défaites et donc de leurs tyrans et exploiteurs en tous genre sans lesquels elles n’existeraient pas semblet-il. D’un autre côté la passion paranoïaque rêve d’anéantir les pouvoirs qui lui échappent, si bien que les extrêmes se retrouvent régulièrement sur le champ de bataille où les fantassins passent d’une armée à l’autre. Toute ressemblance avec l’actualité n’est pas fortuite. Le communautarisme tribal prend donc ainsi des formes nationalistes ou anti-nationalistes, internationalistes ou anti-mondialistes. L’européisme, conception dégradée de l’Europe y ajoute sa place de punching-ball. La France a un rapport abusif avec la Révolution comme un trauma dont ne vient que pathos en attendant la résilience. Epreuve de liberté elle touche à l’humanité de l’homme   tant par sa transcendance au sein des communautés de co-existence et de co-dépendance, que de sa peur de la liberté de l’autre et donc de la sienne propre. Elle devrait aussi se souvenir de la façon dont l’idéalisation de la Raison a permis au 20 ème siècle les hécatombes les plus terribles. Elle devrait se souvenir que les héritiers de ces horreurs sont équipés intellectuellement et techniquement pour commettre le pire et il ne suffira pas de brandir des valeurs idéales pour avoir raison. L’universalisme rationaliste constitue une ligne « Maginot » imaginaire parfaitement vaine surtout quand elle veut s’imposer et prendre le pouvoir sur le monde. Conquérir le pouvoir est le degré le plus bas de la maturité politique des communautés humaines. Nous en avons eu notre saoul ces derniers temps.

2 – Le socialisme égalitaire.

C’est là le stade primaire des communautés humaines et du politique. Primaire n’est pas ici péjoratif sauf s’il y a régression ou infantilisation de la société civile comme dans un maintien sous tutelle. Le politique c’est le domaine de la gestion, de l’administration, de l’organisation collectives. Subsistance, sécurité, confort sont les préoccupations principales des collectivités et de la société. Le politique gère et administre, établissant les modalités qui sont sensées subvenir aux besoins de la collectivité et donc de ceux qui y sont inscrits. L’économie y a une grande place et évidemment le chômage est un dysfonctionnement dont il faut trouver des compensations de même que toutes les défaillances dans le fonctionnements collectif et les redistribuions. Il s’agit bien de fonctionner. Salariés comme fonctionnaires occupent le statut optimal qu’il serait bon de généraliser. Cependant il y a de nombreuses collectivités constituant autant de milieux où ces questions de subsistance, de sécurité et de confort sont aux prises avec les tendances régressives des pouvoirs d’emprises. L’idéal serait de constituer une seule collectivité mondiale qui uniformise les modes de fonctionnement. C’est l’horizon normatif des idéologues politiques mais aussi la règle pragmatique de l’administration des intérêts généraux.

En France où l’ordre est si prisé, l’organisation du fonctionnement égalitaire de la société est une habitude seulement contestée par les jeux de pouvoirs et de contre pouvoirs. Une société bien organisée pour « vivre ensemble «  tel est le régime politique souhaité dans une société immature et dépendante. La République est comprise comme cela, la gestion et l’organisation des affaires collectives. Elle se veut aussi universelle que les principes d’organisation impersonnels qui la régissent. C’est pour cela que les arrangements collectifs ont vocation à être coordonnés entre Etats, c’est-à-dire administrations, comme l’Europe en est un exemple. De ce fait on n’aime pas les communautés dotées d’une personnalité, d’une identité, d’une ambition, d’une originalité, d’une créativité, d’une dynamique différenciée, d’une culture singulière ou pire d’une spiritualité propre. Elles sont assimilées au communautarisme. A l’inverse il faut bien une doctrine pour s’y opposer et cette doctrine c’est le socialisme égalitaire c’est-à-dire indifférencié. Ici l’égalité est un terme de l’équation arithmétique nécessaire à l’équilibre des fonctionnements où les réactions sont prévisibles et le jeu social bien contrôlé sous le régime comptable qui convient. Subsistance, sécurité, confort sont à la charge des  organisations politiques et de la myriade d’associations, de services administratifs et de structures intermédiaires qui sont là pour organiser la société, son fonctionnement et ses règles d’organisation mais aussi ses règles morales, d’une morale fonctionnelle administrative. Pour cela le recours à l’Etat est indispensable, un Etat chargé du service public, de l’action publique, c’est-à-dire de cette administration socialiste égalitaire du collectif. Mais l’Etat lui-même est une organisation administrative à laquelle est voué le politique. Nous sommes là dans une démocratie administrative et comptable où l’idéal statistique et même le tirage au sort sont parmi les procédures espérées par une société irresponsable puisque impersonnelle.

3 – L’élitisme Etatiste.

Il s’agit maintenant d’un âge de maturité plus avancé, l’âge secondaire celui d’une maitrise intellectuelle des affaires humaines et du monde qui nous entoure grâce aux vertus lumineuses de la Raison. Les représentations du monde, des sociétés, de la cité et ses structures, des idéaux vecteurs de progrès s’accumulent en sciences, philosophies, Culture et même Civilisation. Il va de soi que le politique se fonde sur une rationalisation idéale de la cité. Chacun y a sa place selon le titre auquel il peut prétendre dans l’édifice social. De là une forme d’individualisme différencié selon ses mérites, ses études, ses titres, ses diplômes, sa carrière. Chacun a droit de cité dans le développement général auquel il est invité à participer selon les règles établies. L’exaltation de l’individu, de la cité, du progrès individuel et collectif prépare un élitisme où l’échelle de valeur humaniste est en fait l’échelle de maitrise intellectuelle des préoccupations selon les lois de la Raison. La Raison fait loi et le politique est évidemment corrélé à la Raison supérieure tant pour connaître, comprendre ou concevoir les perspectives et les modalités du développement ou progrès collectif.

Ce privilège de la Raison est le viatique que procurent les grandes écoles ou les aristocraties qui en jouissent directement ou indirectement. L’Etat tel que Hegel l’a bien exposé est à la fois détenteur de la Raison supérieure par les élites qui le constituent et donc de la maîtrise de son exercice dans la gestion et d’administration de la société civile. Juge et partie, justifié par son excellence rationnelle il est détenteur de l’Intérêt Général, sa définition et sa réalisation. On voit là qu’il a besoin d‘une société civile à encadrer et d’un politique qui lui octroie ses droits constitutionnellement et  légalement. C’est bien là le rôle qui est assigné au politique.  Quant aux politiques, localement, comme dans toutes les administrations coloniales ils constituent ces chefferies indigènes que l’on aime penser corrompues. Le dilemme entre la représentation locale et la représentation nationale y trouve ses racines. Bien sûr une oligarchie des « maîtres de la Raison » régit les affaires selon ses catégories, ses excellences intellectuelles et maintenant systémiques. Affaires de la société primaire, affaires de l’édifice de sélection des élites, affaires d’accumulation et transmission des savoirs, affaires d’intérêt universel, forcément, comme l’est la Raison.

La France, maîtresse de la Raison et des Lumières, c’est le tableau qui convient aux élites, et oligarchies dont le sommet a été atteint avec cette école nationale d’administration des affaires du monde, ou du moins c’est sa vocation. La démocratie représentative qui légitime cette oligarchie Etatique est l’élection des représentations intellectuelles comme supérieures, à toute réalité humaine particulière. Il n’y a que les chefferies locales qui pourraient avoir d’autres critères d’élection mais elles sont tenues en respect par les faiseurs de lois et de territoires. Nous sommes d’ailleurs les plus productifs en matière de lois et règles qui ordonnent le bon fonctionnement de la société et l’édification de la cité (menacée ont le sait par tous les avides de pouvoir qui remettent en cause l’hégémonie de l’Etat).

Le problème c’est que la mondialisation peine à croire dans l’omniscience de l’Etat français et sa légitimité universelle, malgré son adoption des thèmes planétaires du développement durable et des lois financières de l’économie systémique. Les crises rebattent les cartes et les régressions archaïques comme les solutions primaires sont à l’ordre du jour d’un Etat orgueilleux devenu bien malade.

4 – Le libéralisme communautaire

La liberté est le propre de l’homme et l’axe de son devenir. Aucune chose déterminée par les lois de la nature des choses, actions ou réactions, ou par le hasard n’est véritablement libre. La condition humaine ne se réalise pourtant que dans ce champ des dépendances, simples ou complexes. Mais c’est parce qu’il peut, non pas s’en affranchir mais en révéler la source humaine que sa liberté se découvre comme une conscience d’être co-auteur de son existence, co-réalisateur de son monde, co-constructeur de son avenir. Il y a corrélation entre l’émergence, l’éducation d’une conscience  existentielle qui aboutit à cette révélation de son être de Sens et l’exercice possible d’une liberté de Sens et ainsi de Sens partagés en conSensus, qui sont co-création et co-responsabilité des affaires communes.

A un nouveau stade de civilisation, faut-il s’attendre à des idées simplistes ou à des idées banalisées depuis des siècles ? Ce serait en revenir aux âges de maturation précédents ceux que les crises proposent à nouveau. Et pourtant ce sont les affaires des personnes humaines et des communautés humaines qui sont toujours en jeu mais ce sont les phénomènes humains eux-mêmes qui se comprennent s’engagent et se réalisent autrement.

Le libéralisme communautaire vise le développement d‘une liberté responsable liberté des personnes dans le champ des communautés de co-existence. On aurait pu l’appeler communisme libéral mais les connotations du premier terme sont trop chargées pour un usage dépassionné. Espérons que le libéralisme, si combattu politiquement dans la patrie des libertés, ne contaminera pas trop l’idée de responsabilité communautaire indissociable. Un des termes significatif qui s’est répandu est celui d’empowerment, empowerment des personnes et des communautés humaines. La traduction officielle (commission de néologie) est autonomisation. L’autonomisation est un but et une trajectoire qui n’est pas indépendance mais plutôt une maîtrise des dépendances, exercice d’une liberté responsable. La traduction par « pouvoir d’agir » préférée par certain idéologues français est évidemment régressive.

A ce stade de maturation, les affaires humaines sont engagées dans une trajectoire de plus grande autonomisation de la communauté et des personnes. Le Sens du bien commun propre à la communauté, est l’axe de son développement. C’est là l’enjeu du politique, donner l’orientation et les perspectives du développement communautaire. Dans une communauté majeure la démocratie prend sa vrai dimension celle de la participation des personnes, non seulement aux décisions mais aussi aux réalisations communautaires. Cependant un telle communauté est évidemment concernée par tous les âges de maturation humaine. Ainsi sentiments et passions ne sont plus seulement à assouvir mais à investir dans l’action et la gestion des besoins. Ceux-ci ne sont pas une fin en soi mais l’occasion d’un développement intellectuel, lui-même investi dans la vocation propre de la communauté. L’implication des personnes dans la communauté et son devenir est l’exercice même des responsabilités. La démocratie devient un engagement actif et différencié selon les personnes et leurs capacités. Cependant, il faut distinguer trois stades de la démocratie communautaire mais aussi d’implication dans le devenir commun.

Le démocratie élective qui choisi en général une personne repère chargée ensuite de dire le Sens du bien commun et de l’incarner. C’est aussi un champ de responsabilités majeures dans la communauté tenues par ceux qui en ont la possibilité.

La démocratie représentative qui est constituée de représentants chargés de décliner l’orientation de la communauté en projets, règles, institutions, stratégies. C’est un champ de participation à une intelligence collective et une compétence dans la conception de solutions et de leur mise en oeuvre.

La démocratie participative est focalisée sur des actions et des activités dont la préparation est encadrée par les représentations précédentes. Les membres d’une communauté sont ici acteurs des affaires communes et non pas seulement agents sous tutelle.

Le libéralisme communautaire vise à l’accomplissement simultané des personnes et des communautés humaines et ce au travers de l’existence commune et ses différents stades de maturité. Les enjeux sont économiques avec l’économie communautaire, éducatifs avec l’éducation communautaire, et plus généralement le développement communautaire. On concevra aisément que la liberté responsable de la communauté ne l’empêche pas d’avoir recours à des institutions comme la justice, la police ou l’administration mais ce sont là des services à la communauté et donc sous sa responsabilité et son contrôle. Le service de la communauté ne lui dicte pas sa loi, ne la met pas en dépendance, ne décrète pas son intérêt général et au contraire est évalué selon sa contribution au Sens du bien commun dont le politique est responsable. On voit là les renversements par rapport à certaines déviances nationales.

Les grands axes du libéralisme communautaire comme mutation du politique.

De quelles communautés s’agit-il ? Des communautés territoriales d’abord, comme traditionnellement le sont les communautés politiques. On y retrouve des ensembles communautaires comme les nations ou l’Europe, mais aussi des régions ou inter-régions, communes ou inter-communalités. Les ensembles communautaires ne nécessitent pas forcément une territorialisation. Contrairement aux schémas anciens, des nations majeures peuvent ne pas avoir de territoire ou du moins ne pas être définies par un territoire et des frontières. Ainsi telle ville voit les membres de sa communauté vivant partout dans le monde et cette communauté a une certaine autonomie tout en participant à d’autres communautés régionales, nationales, internationales. Le critère d’indépendance n’est plus un gage de souveraineté c’est-à-dire d’autonomie responsable. Des communes peuvent avoir un territoire sans être des communautés majeures. Dès lors elles sont parties prenantes de communautés plus larges politiquement majeures. Bien d‘autres communautés anciennes ou récentes peuvent constituer des ensembles communautaires et même devenir politiquement majeures. C’est un caractère essentiel de la mutation de civilisation en cours. En effet l’explosion des possibilités de communication et de relation fait naitre des communautés de tous ordres et transforme les communautés traditionnelles. Ainsi le paysage communautaire est en voie de transformation majeure à toutes les échelles.

Parallèlement on voit émerger la question des multi-culturalismes, des mobilités et des phénomènes d’immigration majeurs, celle de quartiers ou de territoires multiculturels et même celle de l’hétérogénéité des communautés locales, nationales ou internationales. Les mouvements culturels ou religieux complexifient le processus.  C’est là que la question des niveaux de maturité du politique est d’une importance capitale.

Pour le communautarisme tribal on devine l’explosion des conflits et des alliances combatives. Nous y sommes. Pour le socialisme égalitaire ces différences désorganisent les modes de gestion et d’administration sociaux économiques. Nous en sommes de plus en plus témoins là où il prédomine. Pour l’élitisme étatiste sa tentative d’intégrer la diversité vise à maintenir ses normes à de plus larges échelles en déniant les différences. Il semble que la tentative ne soit pas un succès comme l’Europe et la crise de l’Etat français l’annoncent. Le libéralisme communautaire propose une relecture des phénomènes communautaires mais surtout de nouvelles pratiques participatives et d‘identité prospective.

Il importe maintenant d’embrasser le champ des communautés majeures avant de considérer les méthodes de développement du libéralisme communautaire.

La considération des communautés de co-existence.

Au plus large la communauté monde n’est pas d’évidence une communauté majeure susceptible immédiatement d’une gouvernance démocratique. Pour cela il faudrait éclairer le Sens du bien commun dont le discernement n’est pas de première évidence comme le montre l’histoire. Mais peut-être faudrait-il privilégier le discernement plutôt que les déclarations formelles. Le cas de la déclaration universelle des droits de l’homme mériterait un tel approfondissement pour en venir à une déclaration des devoirs de l’homme vis-à-vis de l’humanité, de soi et des autres en personnes et en communautés. Un exercice difficile mais qui peut convoquer toutes les sources de discernement spirituel, évitant de se réfugier dans des idéaux incantatoires ou des objectifs seulement pragmatiques. Comme toute communauté, la communauté monde est une communauté de personnes et de nations toutes différentes et que les tentatives de normalisation méconnaissent.

La communauté monde est la communauté des nations ou des grandes régions mais aussi d’autres communautés monde. Chacune doit être prise en considération comme communauté libérale c’est-à-dire appelée à une autonomie responsable. Pas de souveraineté sans responsabilité communautaire. La reconnaissance réciproque des potentiels, richesses humaines, et vocations originales viendrait à identifier chacune sous son meilleur jour sans nier ses faiblesses pour autant. On en verra les méthodes. la confortation de chaque nation, pour elle-même et pour les autres est le seul chemin de paix possible. Ce serait le rôle des communautés mondes d’y travailler et l’accompagner.

Les nations sont des communauté singulières et leur identification à un territoire clos, non seulement est et sera de plus en plus démentie par les faits, déplacements et réseaux mondiaux, mais aussi par le droit toujours communautaire à toutes les échelles. De nombreux conflits sont dus à la négation, au mépris ou à la faiblesse des identités nationales mais aussi à leur réduction territoriale. Le dedans dehors territorial détruit le jeu des altérités communautaires et nationales.

Il est possible que des nations forment des ensembles communautaires multiples auxquels elles prenne part. La seule raison d’être de ces communautés de nations est soit l’entraide notamment pour la maturation des plus faibles mais aussi pour la maturation commune dont le libéralisme politique devrait être dorénavant la visée. Bien des questions sur la gouvernance démocratique et déjà participative des communautés de nations enrichirait ces dernières pour leur propre gouvernance mais aussi leur permettrait de mieux intégrer les communautés régionales dont on voit bien que la question reste insoluble partout où le libéralisme communautaire n’est pas envisagé. Pensons à l’Ecosse, la Catalogne, la Corse, ou le pays Basque, l’Italie, la Belgique pour citer les plus criants. Penser des régions comme communautés majeures autonomes et responsables de leurs engagement communautaires nationaux notamment et bien au-delà selon les cas. Le modèle normatif est à sa fin et les plus anciens obsolètes. Cependant la France connait ou veut méconnaitre deux exemples qui montrent une autre voie. La Réunion dont le rassemblement multiculturel est constitutif, Les Caraïbes où la « créolisation » qu’Edouard Glissant présentait comme pensée archipélique, archipel constitué par toutes ces communautés que l’on appelle là-bas nations. Il est vrai que les modèles que la France y impose en sont plutôt dénégateurs.

La nation française est en crise, crise d’identité surtout lorsqu’on a voulu dénier le fait communautaire et sa nécessaire identification à un « nous », à une âme à laquelle s’identifier. Il faut d’urgence remplacer la norme formelle par la reconnaissance des identités régionales sous réserve que ce soit aussi des identités prospectives tournées vers le devenir commun, identités de projet sans oublier les identités originelles mêmes symboliques et les identités qualifiantes et gratifiantes de valeurs propres (communautaires et non pas des abstractions idéalistes). Les tendances régressives avec leur cohorte de ressentiments et de passions favorisent les communautés victimaires identifiées souvent plus au pire qu’au meilleur et le nationalisme comme forteresse assiégée et vindicative. Il importera de considérer dorénavant non pas les tares identitaires françaises mais la vocation singulière qui en fait la richesse sinon les talents.

Les régions françaises sont prises dans le tourbillon de l’actualité. Comment faire signe aux communautés provinciales tout en les enfermant dans des carcans territoriaux. C’est l’oeuvre de l’élitisme étatique mais aussi des pulsions uniformisatrices sur lesquelles s’assoient beaucoup de pouvoirs au nom de leur « République » (pas celle de la communauté des français). La caricature de fiefs régionaux renvoie aux allégeances nécessaires à la souveraineté des nationaux. Or sont à l’ordre du jour la dénomination de régions, leur siège, leur président (démocratie élective ?). La reconnaissance des communautés régionales selon le libéralisme communautaire devait leur permettre d’intégrer culturellement leur héritage, de développer une gouvernance participative et aboutir à une gouvernance démocratique majeure. Elles auront alors à traiter de leurs contours, leurs départements, et leurs rapports avec d’autres communautés qu’elles rassemblent, sans perdre de vue leur participation à la communauté nationale, la communauté européenne, des communautés de voisinage et mêmes des communautés mondes.

Les régions sont habitées, formées par villes et pays. On y remplace le terme de communautés par agglomérations et à la pointe du progrès on baptise des ensembles de communes « territoires » auxquels on affecte un numéro dans le nouveau découpage du Grand Paris. c’est dire le mépris communautaire des architectes des raisons territoriales ou déraisons communautaires. Métropoles, ou communautés d’agglomérations sont des édifices administratifs justifiés par des arguments de gestion mais le plus souvent une malveillance de la Raison supérieure. Les villes sont des communautés qui ont une personnalité qui rayonne bien souvent sur le monde entier. Elles devraient être parmi les premières à adopter le libéralisme communautaire comme c’est le cas dans le monde entier. Cela n’enlève pas leur responsabilité régionale, nationale et autres comme l’Europe par exemple. Le concert des nations peut faire écho au concert des villes du monde, toutes régionalement implantées. Alors fusionner des villes ou territoires arbitrairement vise plus à les amputer de leur âme qu’à les inviter à une nouvelle maturité, une des pratiques de l’administration coloniale depuis les romains.

Dans les régions sont identifiés des pays malgré des découpages arbitraires qui réunissent des communautés de proximité formant une culture locale porteuse de valeurs et potentiels propres. Y sont rassemblées aussi des communes ou communautés de communes dont on a voulu oublier, au pays d l’humanisme, qu’il s’agissait de communautés humaines. On entend régulièrement cette antienne : il y a trop de communes en France. C’est comme dire il y a trop d’arbres dans la forêt. S’il s’agit de communautés alors le propos est stupide. S’il s’agit d’entités administratives sous la tutelle normative de l’administration d’Etat alors il est sûr que c’est un modèle d’organisation obsolète à l’heure des méthodes de gestion rationnelles et du nécessaire renforcement des tutelles au temps des velléités individualistes de décentralisation.

Il est vrai cependant que toutes les communes ou communautés de pays ne sont pas des communautés majeures appelées à une autonomie de gouvernance démocratique. Mais c’est bien là le critère. L’autonomie communautaire comme autonomie des personnes cela se construit avec les maturations progressives, avec l’aide des communautés englobantes.

On en viendra à ces communautés d’existence que sont les quartiers des villes ou ces unités de vie que sont bourgs, cités, hameaux, villages et autres rassemblements de co-existence. Partout la maturation d’une conscience communautaire est la condition d’un développement humain de leurs membres plutôt qu’un agglomérat de logements où les personnalités et les cultures ne comptent pas. Nous sommes, avec les quartiers notamment, au noeud des symptômes et contradictions radicales de notre pays qui a su transformer des milieux de vie en lieux de relégation et ce grâce aux principes et aux méthodes persévérantes des administrateurs de la cité et leur pouvoir d’Etat qui leur donne toujours raison. Nous sommes devant la démonstration de l’incurie de la Raison rationalisante et arraisonnante, même supérieure, lorsqu’elle ignore le Sens des communautés humaines et leur vocation d’autonomisation.

Il reste maintenant à évoquer des éléments de méthodes qu’il faudra approfondir et s’approprier, avec la même exigence qu’un changement de paradigme réclame comme mutation des esprits et de pratiques.

Eléments de méthode du libéralisme communautaire

La première chose à faire est de considérer, prendre en considération, chaque communauté où on veut agir. Considérer c’est écouter et entendre leur singularité que des témoins peuvent transmettre. Pour l’entendre à un niveau d’entendement suffisant c’est le Sens du bien commun qui leur est propre qu’il s‘agit de discerner. On sait déjà que la Raison y est impuissante et il faut avoir recours au processus d’intelligence symbolique avec, par exemple, les pratiques d’analyse des cohérences culturelles. Reconnaitre comme cela toutes ces communautés dont il a été question et aussi les ensembles communautaires, change déjà le paysage de l’humanité et du politique. Le repérage de ce « meilleur » de chaque communauté en éclaire les valeurs propres, les talents, les usages, la culture mais aussi les failles et les tares. L’analyse de cohérences culturelles de la communauté nationale française a montré l’importance du rapport à l’ordre, son édification et son souci d’authenticité que le ressentiment et l’abstraction idéologique ne cessent de combattre. La construction d‘un ordre juste, dénué de ressentiment et d’idéalités opportunistes en serait la meilleure voie de développement, reconnue par d’autres pays dans de multiples domaines au lieu des héritages délétères si souvent entretenus.

L’identité communautaire, identification de ceux qui y participent, personnes et communautés et identification par ceux qui la considèrent, forme le coeur de la reconnaissance, au travers des signes, usages et sensibilités qui en constituent la culture. Si chaque communauté participante a aussi son identité et ses signes d’identification, elle partage les modes d’exister communs dans l’espace commun. Ainsi telle personne selon les milieux qu’elle fréquente peut avoir des identités variées mais dans tout espace commun elle partage les usages, représentations et sensibilités. Nous sommes là au coeur d’un problématique que la raison universelle ou la différentiation radicale échouent à traiter. Ainsi, si une communauté de français cultive des héritages qui leur sont propres dans leur champ de coexistence ceux qui veulent y habiter sont conviés à partager le mode de vie et de coexistence de la communauté française. On voit bien que cela vaut pour des communautés régionales, ou d’origine étrangère ou même de croyances et d’affinités multiples. Ainsi les modes d’existence d’une communauté nationale sont ils communs sans pour cela uniformiser les modes d’existence propre à d’autres communautés dans leur champ propre de coexistence, mais qui participent aux règles de la communauté nationale dans son champ propre. On imagine bien un groupe culturel invité à se présenter dans ses modes habituels alors que ses membres partagent par ailleurs le mode de vie commun à la nation (mais c’est aussi valable à tous les niveaux communautaires). Ainsi en France on vit selon les modes de vie français déjà très variés et évolutifs mais entre soi de telle ou telle communauté on peut en exprimer les modes d’exister spécifiques sans déranger le monde commun. C’est une expérience très courante mais tellement difficile à penser pour les rationalistes et les porteurs de ressentiments systémiques.

L’identité communautaire qui doit être à la fois rétrospective, introspective et prospective, est la

considération d’une singularité avec son Sens du bien commun qui est en même temps le ciment et le moteur du développement communautaire. Cette considération identitaire contribue à mobiliser et motiver les membres de la communauté et donc la source des dynamiques communautaires dont celles de maturation et d’autonomisation. C’est donc le levier de tout projet « politique » et de transformation. Considérons que tout travail communautaire ou d’ensemble communautaire puisse être précédé par cette reconnaissance et on peut comprendre alors comment les situations les plus inextricables peuvent être résolues. Chaque progrès encourage les investissements et la spirale de développement peut donner des résultats surprenants même en rapidité. On sait avec Gustave Le Bon que la manipulation des affects peut avoir des effets dévastateurs et rapide. La reconnaissance des modes d’exister communautaire dont les affects ne sont pas exclus, mais pas les mêmes, peut aussi déboucher sur des changements rapides. il y a là un effet de pertinence de l’action communautaire.

Il y faut aussi des vecteurs, médiateurs de Sens dont l’effet de redondance permettra l’engagement d’une dynamique auto-portée. N’oublions pas les sollicitions parasites habituelles mais elles sont aussi susceptible de se trouver engagées dans le meilleur Sens. Ainsi de nos élites pourraient dépasser la simple raison formelle pour la mettre intelligemment au service du Sens du bien commun. Il faut qu’elles se’y reconnaissent dans l’identité communautaire. Ainsi de nos compatissants bénévoles par exemple pourraient mettre leur « bonne volonté » ou « volonté bonne » au service du Sens du bien commun dans les situations réelles. Leurs exigences ne tiennent en rien aux slogans républicains ou du marketing caritatif, ou aux des plaintes victimaires.

Les vecteurs de mobilisation et d’engagement sont des « opérateurs symboliquement structurants ». C’est par la pertinence du Sens qu’ils véhiculent, la redondance qui leur donne leur intensité qu’ils sont agissants, à condition d’utiliser des modalités et des représentations culturellement significatives. Les moyens de communication du type story-telling mais aussi toutes les évocations qui rappellent le Sens du bien commun peuvent être sollicitées dans des stratégies de mobilisation cohérentes et pertinentes. Les techniques de créativité de l’intelligence symbolique sont utiles pour ne pas tomber dans la reproduction de stéréotypes, par définition erronés pour de tels changements.

Vient ensuite la concrétisation des implications du libéralisme communautaire. Elles sont souvent déjà en émergence dans des innovations majeures qui bouleversent les conceptions classiques. L‘économie en est un terrain privilégié, l’éducation aussi. De nouvelles questions communautaires implicites ou explicites sont posées.

L’économie communautaire (à toutes les échelles) dispose d’une échelle de valeurs indicatrices du Sens du bien commun qui lui est propre et par suite d’une possibilité d’évaluer et mesurer en commun la valeur de toutes choses. En particulier elle peut se doter d’une monnaie propre qui a cette fonction de mesure dans les échanges de « biens » et « services », les rémunérations, et les régulations des revenus et toutes les capitalisations ou investissements.  L’économie retrouve son sens communautaire. Bien sûr une communauté n’est pas un monde  clos et s’inscrit dans d’autre communautés avec d’autres économies et elle-même constituée de communautés avec leur économie propre comme des organisations, entreprises ou associations. Il y a des expériences dites d’économie collaborative qui trouveront à la fois leurs régulations locales et leurs régulations plus élargies simultanément. Les « blockchains » permettront d‘édifier techniquement des systèmes communautaires d’échanges fiables. Ils font partie de toutes ces innovations qui vont bouleverser le monde socio-économique non pas dans la pente de la puissance capitaliste mondialisée mais celle du libéralisme communautaire et ce à toutes les échelles. Il est vrai que l’élitisme étatique est désarçonné par ces perspectives et est tenté tant par le verrouillage de ses systèmes que par l’emprise sur ceux qui semblent dominer le monde et notamment sur le plan financier.

On retrouvera cette crispation en ce qui concerne l’éducation où le libéralisme communautaire est vu comme ultra-libéralisme au service du (grand) capital et déstructurant les « humanités » qui ont construit la machine sélective des élites. Sont aussi combattus le pragmatisme utilitaire du socialisme égalitaire  et bien sur très bientôt les initiatives des puissances économiques dominantes. L’éducation communautaire trace la trajectoire du grandir humain d’étapes en étapes mais aussi tout au long de la vie. Si l’éducation populaire s’était pensée communautaire elle ne serait pas en train de vouloir renaitre pour un peuple qui n’est plus seulement primaire mais une société en voie d’empowerment, émergeant au libéralisme communautaire.

Ainsi c’est sur cette trajectoire que le développement des personnes, des organisations ou associations et celui des communautés se déploie d’âges en âges. A l’âge du libéralisme communautaire qui émerge, le discernement du Sens du bien commun propre à chacune, leur permet de déployer une intelligence collective qui n’est pas un exercice élitaire de la Raison sans pour autant en négliger l’usage. C’est plus une activité de l’esprit (Sens et consensus) que l’on peut traiter de créative en même temps qu’inspirée. Elle fait appel à des lumières autres que celles de la seule raison et qu’on a pu appeler « génie propre » au temps où l’interdit rationaliste sur les communautés n’était pas aussi dominant. il est d’ailleurs notable que cette intelligence collective, communautaire donc, est constitutive d’une culture propre qui ne prétend à aucune universalité formelle tout en témoignant de l’universalité de la part d’humanité qui la constitue. L’intelligence collective est associée à une compétence collective qui fait que le développement communautaire est un agir qui mobilise aussi cette même culture y compris dans ses modèles, ses règles et ses modalités d’administration et de structuration de ses affaires. Nous sommes tellement habitués ici à l’universalité formelle qu’il est difficile de comprendre l’universalité symbolique de toute singularité communautaire et donc la singularité de toutes les solutions et pratiques de chaque communauté et ensemble communautaire.

En particulier le libéralisme communautaire réclame un mode de gouvernance participative qui fait que, aux différents âges de maturation, chacun contribue à l’existence et au développement commun selon une hiérarchie et une organisation culturellement pertinente.

Enfin vient la question de la gouvernance démocratique celle du politique dont les prémisses ont été présentée plus haut. Il n’y pas de gouvernance démocratique, c’est-à-dire de démocratie communautaire sans que cette « autonomie » de maturité soit suffisante. Ainsi l’infantilisme participatif est une régression par rapport à un élitisme étatique et peut être aussi être tenté par une régression plus grande ou le pouvoir (d’agir ou de manifester) est à reprendre, animé par quelque ressentiment. La maturité démocratique qui émerge avec le libéralisme communautaire n’exclue pour autant aucune communauté de son champ. Seulement il y a des communautés politiquement majeures et d‘autres qui le deviendront. Entre temps ces dernières sont intégrées dans des ensembles communautaires majeurs.

Ainsi si des nations sont majeures leurs régions le sont, ou non, leurs villes, pays, communes et quartiers aussi. Inversement on peut trouver des ensembles communautaire qui ne sont pas encore majeurs politiquement mais dont des communautés membres qui en portent le projet le sont. Ainsi le niveau de maturité politique n’est pas corrélé à la taille ni souvent à l’ancienneté des communautés surtout lorsqu’elles sont en crise et qu’elles préfèrent les régressions au dépassement. C’est le cas de la France, pays avancé qui n’est pas sur de le rester mais dont des régions ou autres communautés à toutes les échelles peuvent franchir un nouveau stade de démocratie avec le libéralisme communautaire.

Et maintenant que peut-on faire?

Se focalisant sur les communautés de co-existence c’est à dire la société civile de chacune il reste à ce que le « nous «  se construisent. On commencera selon le cas par les réparations et confortation d’identité puis par l’engagement d’une gouvernance participative et enfin, le moment venu, par une gouvernante démocratique. L’inverse est une illusion comme on le voit avec des « démocraties participatives » sans assise communautaire. Mais pensant ce temps là, il y a le régime des partis entièrement voué à la conquête du pouvoir et le communautarisme tribal que constituent ces partis avec leur « peuple » et leurs bateleurs qui organisent le spectacle. Bien sur on n’oubliera pas qu’il faut organiser la gestion du pays et son économie pour égaliser les modes de vie et obtenir un mode de fonctionnement dont le « vivre ensemble » est un enjeu primaire. On s’étonne que le socialisme égalitaire y prolifère. Ensuite, l’élitisme étatique en crise détiens encore la Raison des choses complexes aux mains des technocrates oligarques qui verrouillent le pays et ne cessent d‘aménager et défendre leur emprise, ce qui les ramène à des régimes ou il ne manque plus que le tyran pour imposer leur loi. Les Bonaparte sont toujours espérés. Enfin le réveil d’une société civile sous tutelle depuis des siècles, grâce aux ouvertures au monde et aux autres que favorisent les nouvelles relations et communications, laisse entrevoir un nouvel horizon.

Le libéralisme communautaire, sans rapport avec l’individualisme, ni le socialisme, ni l’étatisme, ouvre la voie et les horizons de l’empowerment communautaire à toutes les échelles. C’est évidemment là que les chantiers de la démocratie donc du libéralisme communautaire sont à entreprendre. Quartiers, villes et villages, pays et communautés territoriales, régions, nation, Europe sont nos chantiers de proximité. ils sont aussi impliqués dans ce qui se passe dans le monde où le libéralisme communautaire a des réponse à offrir. Elles commencent par la considération due aux autres, qui constituent des communautés de personnes et des ensembles communautaires où nous co-existons pour grandir ensemble. Tel est l’enjeu de la mutation de civilisation déjà engagée.

Alors dans cette carte des paradigmes ce n’est pas le Sens d’un super Etat français avec ses hauts fonctionnaire mondialisés qu’il faut rechercher. Ce chapitre est en train de se clore dans une amertume que bien des intellectuels expriment. Ce n’est pas non plus celui de la constitution de super puissances avec de super pouvoirs auxquels des précédents veulent se réfugier trouvant devant eux bien pire encore.

Il serait tentant de se vouer alors aux macro-systèmes planétaires dont nous deviendrions les agents neuro-biologiques, libres de les subir pour en profiter. A la mode, tellement y croient, déçus par les deux autres.

C’est à l’inverse le libéralisme communautaire qui est la voie de l’empowement et de l’accomplissement humain avec le paradigme communautaire et sa compréhension du monde et des communautés comme phénomène humain, son éthique du « commun bien » que la république porte pour chaque communauté avec l’universalité humaine des valeurs singulières et la singularité culturelle de leurs expressions et enfin ses pratiques qui sont toutes, comme le suggérait Hannah Arendt, action humaine donc communautaire.

 

le multiculturalisme républicain

29 Mar

Les banlieues comme laboratoire du nouveau modèle français.

La France est habitée depuis toujours et plus que jamais par une multitude de communautés culturelles, régionales, locales, professionnelles, religieuses,  associatives, idéologiques, de multiples origines.

Or le modèle français se pose comme négateur de ces cultures pour préserver « l’unité républicaine » qui est conçue comme une uniformité culturelle inscrite sur une échelle de civilisation ou de Culture c’est-à-dire de mérite. Ce modèle est intériorisé par beaucoup qui s’y assimilent, notamment grâce à l’oeuvre volontaire et séculaire de l’éducation nationale. L’Etat central en est le garant avec le concours des structures intermédiaires qui en défendent les principes normatif.

Les banlieues sont des espaces où cette uniformité n’est pas de mise. On pourrait dire que le processus de normalisation est insuffisant et la multi-culturalité éclate au grand jour. Le modèle se défend alors soit par le déni des cultures soit par une imposition renforcée du modèle normatif,  en sacrifiant les marges qui résistent.

La situation est telle qu’il faut avoir recours à quelque bouc émissaire pour justifier cette carence du modèle. Les inégalités économiques, les ostracismes répertoriés comme racismes ou encore les croyances religieuses sont les épouvantails favoris de l’Etatisme à la française qui se sert d’une laïcité comprise comme refus des différences, essentielles et même accessoires.

Mais, sans doute par utilités électorales, les populations multi-culturelles doivent être ramenées au bercail de la citoyenneté républicaine dont l’essentiel est de mettre le bon bulletin dans l’urne. Ca ne marche pas bien et ce modèle de citoyenneté ne touche guère ceux qui n’y sont pas conditionnés.

Alors vient un deuxième modèle celui du multi-culturalisme défensif ou victimaire. Sont légitimes les communautés culturelles qui on été ou sont victimes de cette communauté nationale, celle que vénèrent les nationalistes. Si le communautarisme est cette déviance des communautés humaines régressives, défensives et même agressives alors le nationalisme et le multi-culturalisme victimaire sont des communautarismes. D’ailleurs le modèle précédent considère toute communauté majeure comme relevant d’un communautarisme.

L’alternative multi-culturaliste habillée des oripeaux anglo saxons interprétés de façon opportuniste, passe alors pour anti républicaine pour les uns, nouvelle expression avancée de la démocratie pour les autres avec l’émergence de minorités combatives. Mais peut-on concilier le dogme de l’universalisme républicain avec l’alliance pour le pouvoir avec des communautés mobilisables pour la bonne cause ? Oui si le modèle précédent a basculé dans un communautarisme clanique se servant des principes étatiques républicanistes et de la laïcité comme idéologie de combat de tous contre tous. Nous y sommes. Les banlieues sont alors l’arène de tous les combats

Mais il y a un troisième modèle qui gagne du terrain à bas bruit. C’est le modèle naturaliste de la diversité. La bio-diversité des cultures et des croyances serait facteur de synergie et d’homogénéisation sur l’essentiel. L’essentiel est a-culturel, inscrit dans les lois de la nature et régi par quelque sélection naturelle. La diversité des cultures, prises dans leur folklore, est interprétée comme une variété de rapports avec la nature et même un gage d’authenticité. Ce modèle qui manipule les sentiments, les bénéfices hédonistes et festifs, laisse penser que les lois de la nature ont leurs exigences imparables. La démagogie se nourrit de comportements et de pensées politiquement corrects dont la versatilité favorise les homogénéisations. Oui aux différences à condition qu’elles soient accessoires. Les banlieues sont ici le lieu de comportements « naturels » des habitants comme on le disait des indigènes au temps des sciences naturalistes du 19 ème siècle.

Ces trois conceptions obnubilent la pensée et l’action politique avec des modèles anciens y compris ceux qui se disent modernes. Le quatrième modèle a donc à se construire dans les ruines d’un terrain miné par ces constructions classiques dont les banlieues sont les signes de l’échec et par conséquent le lieu d’une renaissance possible, d’un laboratoire du « multiculturalisme républicain »

Le multiculturalisme républicain, un modèle français alternatif et exemplaire.

Les hommes vivent en communautés, c’est là que se réalise leur existence et chaque communauté porte une part d’humanité qui fait sa singularité et sa culture. Cette culture est la façon de cultiver ses propres potentiels dans des circonstances très variables. De ce fait cette culture évolue selon trois facteurs :

  • l’orientation vers le meilleur ou non de ses potentiels qui lui permet de régresser ou de progresser, de manifester ses faiblesses ou ses qualités et valeurs essentielles
  • elle évolue en progressant selon une échelle de maturation humaine, c’est son développement par lequel sa culture progresse dans sa conscience, ses compétences, ses talents et sa vocation singulière.
  • Enfin selon les circonstances locales et historiques elle cultive les réponses adaptées qui sont les siennes et dépendent de sa culture, chaque communauté réagissant à sa manière.

Il y a donc dans chaque communauté un potentiel d’humanité qui se traduit dans sa culture et qui témoigne ainsi de l’Humanité à sa manière. Elle doit pour cela trouver à s’orienter selon le Sens du bien commun qui est le sien, Sens de son développement et de celui de ceux qui y participent. Pas de bien commun sans communauté.

Mais chaque communauté est composée d’autres communautés qui y participent. En même temps elle s’inscrit aussi dans d’autres communautés si bien que toutes les communautés sont intriquées les unes dans les autres, intégrées les unes dans les autres. Il en va de même pour les personnes qui les composent toutes et y sont intégrées. Ainsi une communauté est porteuse d’une culture propre mais participe en plus aux cultures de ses communautés d’appartenance. Mais alors sa participation se fait aussi à sa manière propre. Ainsi se constituent des communautés culturelles qui rassemblent plusieurs communautés culturelles. L’unité de la première est constituée de la diversité des autres (mais pas de leur simple addition). Mais c’est vrai à de multiples niveaux, ce qui fait la complexité des situations multi-culturelles. C’est une expression du fait que toute communauté humaine est faite de personnes uniques et différentes et donc aussi de communautés culturelles différentes.

On s’aperçoit que les conceptions précédentes sont simplistes et réductrices. L’universalisme étatiste élimine les différences (et la profondeur de l’humanité). Le communautarisme ne connais que des rapports de force, de pouvoirs et de suprématie. Le naturalisme de la bio-diversité fait des différences un artifice accessoire.

Si on passe à la pratique de cette analyse alors on verra que les communes sont des communautés inscrites dans d’autres communautés locales, régionales, nationales. Qu’elles sont composées de quartiers donc de communautés de quartier. Chaque quartier est composé de plusieurs communautés culturelles selon différents critères mais surtout selon la façon dont se rapprochent ceux de chaque communautés. Mais les personnes participent aussi à plusieurs communautés et de ce fait, la communauté de quartier par exemple n’est pas simplement l’addition de plusieurs communautés mais leur conjugaison dans un ensemble, un rassemblement unique et original. Bien sûr on peut, sans difficulté, passer des communautés nationales à des communautés internationales européennes par exemple. Mais aussi des communautés intégrées dans une communauté de quartier participent aussi de communautés nationales et internationales. En plus avec internet vivent de multiples communautés à distance qui complexifient encore le tableau. Il est important de prendre conscience de cette complexité, de la complexité multiculturelle pour éviter de tomber dans les simplistes précédents.

Ainsi on ne va pas chercher à additionner ou soustraire  les cultures mais considérer chacune pour elle même, pour sa participation à d’autres communautés et pour la participation d’autres communautés à son devenir.

Une communauté de quartier a une culture propre et, si elle est engagée dans la culture de son bien commun, alors elle saura intégrer d’autres communautés dans sa gouvernance et les faire progresser dans leur propre culture et dans la culture commune.

Ainsi la recherche du bien commun d’une communauté de quartier contribue à la reconnaissance de l’existence de communautés culturelles singulières qui la composent et de leur participation à ce bien commun. La maturation de la communauté de quartier est la voie de la reconnaissance multi-culturelle et de la contribution de chacune à la culture commune.

Si à l’échelle d‘un quartier, d’une commune ou d‘un territoire on va trouver là les principes d’une démocratie communautaire, à l’échelle nationale la recherche du bien commun de la communauté est le principe même de la République débarrassée de ses interprétations réductrices. Alors la république devient le principe d’une communauté nationale multi-culturelle et ce à tous les niveaux.

Mais comment engager ce processus de multi-culturalisme républicain.

L’idée de le faire par le biais d’un engagement des structures politiques nationales ou leur réforme se heurte au fait que les élites qui en ont la charge sont entièrement construites sur les modèles classiques et que beaucoup parmi les milieux intellectuels sont aussi tentés par la logique naturaliste. C’est comme cela que les banlieues restent en déshérence de par leur incompétence pour penser et agir dans ces situations.

Le deuxième point est la nécessité de travailler au niveau de communautés politiques c’est-à-dire, dans le contexte national, au niveau de communautés territoriales. Théoriquement le niveau régional ou intercommunal serait propice si leurs responsables administratifs et politiques en étaient capables étant engagés dans un mono culturalisme institutionnel prédominant.

On peut alors penser que le mouvement doit être engagé au plus près du terrain multi-culturel c’est-à-dire les quartiers. Ils constituent des communautés politiques en gestation, dénuées de gouvernance et disposant de la diversité culturelle dont les potentiels sont encore souvent à révéler. C’est donc la défaillance des modèles actuellement en crise qui désigne les banlieues comme laboratoire d’une nouvelle démocratie, la démocratie communautaire qui se trouve être un multiculturalisme républicain.

Une question méthodologique se pose alors. Faut-il d’abord travailler avec la communauté territoriale (dite communauté politique) ou avec les multiples communautés qui y participent ?

La réponse est claire. Le multiculturalisme n’est pas un projet mais un fait. En outre il est localement d’une très grande complexité et par lui même peut être engagé dans n’importe quel Sens. Or un multi-culturalisme républicain est orienté dans la recherche du bien commun celui de la communauté de quartier. De ce fait c’est à l’émergence et au développement de cette communauté de quartier qu’il faut travailler avec comme visée l’existence d’une communauté politique donc majeure, multiculturelle de fait et capable de se rassembler avec d‘autres communautés, communales par exemple.

La trajectoire de maturation communautaire passe par quatre phases : se sentir bien ensemble, cet ensemble là; faire ensemble pour s’identifier à des qualités et compétences collectives, un « nous valons » ensemble; concevoir et s’organiser ensemble dans les affaires communes en cultivant une intelligence collective et enfin, assumer un dispositif de gouvernance communautaire local et ses responsabilités d’avenir.

Cependant il faut noter le caractère unique de chaque communauté et donc d’un développement culturel unique dont il faut identifier les voies et critères dès le départ. Cela suppose donc un accompagnement éclairé et compétent employant des méthodes ad-hoc et non pas des recettes passe partout.

On peut alors se demander quelle initiative peut engager un tel processus. Il y a plusieurs réponses possibles. L’initiative d’un maire éclairé qui en fera un prototype pour le reste de sa commune, l’initiative d’une ou plusieurs personnes des services municipaux, l’initiative d’une association qui a accès au territoire et à la communauté locale, l’initiative d’un groupe professionnel de ces démarches relayée par la communauté, l’initiative d’un collectif du quartier qui en assume l’enjeu et la démarche. Il est capital de comprendre qu’il y faut des compétences dont le professionnalisme est encore aussi rare que cette démarche elle-même et qu’il faut donc démultiplier.

Pour soutenir ce projet au niveau national il faut rassembler plusieurs forces.

Un support « politique » pour faire exister le concept et l’illustrer dans le monde politique et son environnement (national et local)

Un support intellectuel pour faire exister le projet dans l’intellectualité publique avec un groupe qui interpelle des intellectuels sur les articulations théoriques et pratiques du projet.

Un support opérationnel avec un groupe d’accompagnateurs formés sur le terrain (formation action)

Un support de communication capable de porter un projet de type storytelling, empruntant tous les vecteurs pertinents.

Un support philosophique et méthodologique avec un cercle dédié à la démocratie communautaire avec l’Humanisme Méthodologique.

Une petite équipe stratégique doit piloter le tout.

Roger Nifle 29 mars 2015

 

Le Sens de la spéculation

20 Jan

Le Sens de la spéculation est celui d’un individualisme qui vise à capter les signes de valeur pour nourrir sa propre valeur. Le spéculateur n’a de cesse d’alimenter le puits sans fond d’une identité qui réclame de profiter toujours plus de ce qui l’environne, du monde et des autres. On sait que ce jeu entraine une addiction. Plus le spéculateur se rempli, gagne ou perd, plus il est à côté du sujet, plus il est vide et avide. En économie la spéculation vise à capter des signes de valeur, la monnaie ou tout ce qui fait signe, signes extérieurs de richesse; extérieurs justement, pas intérieurs. Le travail, comme toute activité humaine, peut être spéculateur; il ne compte alors que par ce qu’il permet de gagner, de prendre sur autrui, sur le bien commun. Le jeu de hasard est spéculation, miser, tenter le sort comme par un appât, le séduire en espérant obtenir un gain qui sera pris sur le monde extérieur. On sait que si le succès vient du fait de gagner, il ne satisfait pas le vide d’être qu’il faut remplir sans cesse jusqu’à plus soif? Mais la soif est inextinguible. Le sens de la spéculation est celui de la séduction, étymologiquement : détourner de son Sens. Il s’agit de donner à voir pour avoir l’autre, de capter son attention, son désir, se remplir de ce désir pour n’être rien au bout du compte comme Don Juan après toutes ses conquêtes. Combien de conquêtes, de captations, de captures? Histoires captivantes de nos enfances que le cinéma, la télévision, les médias ne cessent de nous livrer en nous séduisant. Le règne du paraître, du donné à voir, des jeux de signes et d’images, nous y somment plongés.

Le Sens de la spéculation, celui de la séduction, captation des signes est celui d’une position d’être, celle aussi de l’individualisme qui essaie de construire une individualité sans fondements autre que la capacité de capter, de prendre sur les autres, de briller, d’obtenir. Dès lors nos banquiers spéculateurs ne font qu’accomplir à leur échelle mondialisée le dessein de chacun qui se trouve engagé dans cette posture là. Ils ne font que révéler un courant de société où « personne n’a vu venir » les conséquences de ce qui était au fond si naturel : agir pour gagner plus. La crise est le signe d’une rupture par rapport à cela une mise en question  de cette logique, de la prévalence de ce Sens, une mise en question de l’individualisme radical. Avant  d’aller y voir de plus près il faut comprendre quelle est la position d’être inverse (la théorie des positions de vie est un apport majeur de l’humanisme méthodologique).

A l’opposé la position d’être est la participation à une réalité, réalisée en commun. On sort du face à face de l’individualité avec le monde et avec les autres, pour un côte à côte, un engagement partagé. Ici chacun y « met du sien » pour une réalisation commune dans laquelle il se retrouve et se construit lui-même. L’individualité est alors l’expression de cette participation au monde au lieu d’une captation. Relations de concourance, générosité de l’implication, sont générateurs de richesses communes. Il est vrai qu’à l’opposé d’un monde individualiste c’est ici un monde communautaire qui se déploie et non un monde collectiviste composé lui de collections d’individualités à normaliser. Le Sens du bien commun est celui de l’engagement commun et les valeurs communes en sont les indicateurs, ceux d’une échelle de valeurs des engagements, des participations et des fruits générés.

Cela ne nous est pas étranger mais les « calculs » spéculatifs, ceux des univers où ils ont été développés, notamment sur le plan intellectuel, ont privilégié un tout autre Sens, inverse, dont nous voyons les aboutissements possibles et la crise d’alerte salutaire.

Sur le plan économique on examinera trois aspects. L’opposition de deux Sens de la notion d’investissement, spéculatif ou industrieux. Ensuite l’implication de chacun au travers du travail et de son Sens dans l’une ou l’autre des logiques. Enfin l’opposition entre une économie forcément anonyme et par exemple systémique et une économie appropriée, pensée comme communautaire avec l’inversion entre elles deux du Sens des valeurs. Pour terminer il faudra dire un mot rapide sur la méthode qui pourrait favoriser le changement amorcé, ses conditions et les obstacles à lever.

L’investissement spéculatif. Investir, spéculativement parlant, c’est miser, placer sa mise sur le tapis, l’espace de jeu en espérant un gain rapide. Une affaire de coups et de martingales. La logique impose de ne considérer que les signes de gain et pas les signes de réalisation, de construction du bien commun. Pire il faut le fuir et ce n’est pas un hasard si un licenciement important ou la cession d’actifs productifs sont là de bons signes. L’important c’est la non implication dans le processus industrieux, industriel aussi. L’opposition spéculation / réalisations est radicale. Les signes de signes que sont les « produits dérivés » ont cet avantage de pousser plus loin la désaffection d’avec ce que d’autres appellent l’économie. Pour celle-ci, l’économie industrieuse, l’investissement est la mobilisation de ressources pour réaliser un bien commun. Un argument entendu c’est qu’il y a aurait une richesse créée par la spéculation. C’est faux il s’agit d’un amoncellement de signes de captation. C’est la consistance de la bulle spéculative. La tricherie vient du fait que c’est apparemment la même monnaie qui ferait l’équivalence, qui donne le change. La « mise » est soustraite à l’investissement industrieux et le gain est mobilisé pour la spéculation uniquement. Pourquoi confondre les deux types de signes. Pourquoi confondre des signes du Sens du bien commun, ceux d’une communauté de valeurs et des signes de valeur supposée universelle qui en font totalement abstraction. Il est vrai que les fondements épistémologiques de certain courant scientifique, économique notamment, privilégient un arbitraire du signe, valant par lui-même dans ses apparences mêmes, intellectuellement abstraites. A contrario la réalité est un construit et il n’y a de signes que comme expression du Sens dans un système de valeurs communes, dont communautaire.

Travail et spéculation.

Sur le plan économique il ne faut pas s’en tenir aux spéculateurs professionnels dont les échelles de valeurs sont auto légitimées et sans commune mesure avec celles de l’économie communautaire. Bien des entreprises s’abstrayant du bien commun et en ayant perdu le Sens, en viennent à croire que les gains spéculatifs sont meilleurs que les gains industrieux qui eux consomment des investissements. C’est dans la même comptabilité que les signes arbitraires de valeur et les signes de valeurs communautaires sont confondus. On a aussi une caractéristique du spéculatif c’est la sophistication intellectuelle qui masque les rationalités productrices derrière des modèles qui relèvent de la magie. Ca marche. Aucun expert ne peut-dire pourquoi se fiant seulement aux apparences. En France on parle des entreprises du CAC 40, l’instrument spéculatif est prix pour signe d’identité c’est dire. Les entreprises de « service public à la française » n’y échappent pas. C’est d’ailleurs une autre exemple de spéculation, l’intérêt des agents de la fonction publique comme substitut au bien commun. Plus généralement cette attitude qui consiste à travailler le moins possible, y mettre du sien le moins possible et rechercher les configurations qui vont permettre d’obtenir un gain maximum correspondent à des attitudes fréquentes que les syndicats favorisent ainsi que d’autres idéologies individualistes. Il faut noter que les corporatismes ont la même attitude consistant à tirer un maximum des ressources de la communauté pour le minimum d’implication. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » s’y oppose dès lors que l’on entend par travailler y mettre du sien dans le service du bien commun pour partager les richesses produites en commun. Il est évident que le travail vu comme investissement spéculatif avec le minimum d’implication personnelle donne à cette formule un tout autre Sens.

Alors la spéculation économique? un miroir aux alouettes et les alouettes sont très nombreuses, les vedettes du CAC 40 et tous ceux qui communient dans la logique individualiste. A quand la redécouverte de l’économie communautaire?

L’économie communautaire. Lire

Le champ de la régulation des enjeux, des investissement, des valeurs est celui de la communauté, autour de son Sens du bien commun. On voit bien l’incohérence qu’il y a à vouloir traiter des problèmes spéculatifs apatrides tout en cherchant le Sens du bien commun et les moyens d’action et d’évaluation appropriés. Bien sûr, l’économie communautaire doit prendre en compte la complexité des ensembles communautaires, imposant de traiter les problèmes au bon niveau celui de la régulation communautaire. Le niveau familial en est un, celui des collectivités locales ou régionales un autre, celui du niveau national et des ensembles internationaux un autre encore. Il y a en a bien d’autres. Si on considère que l’économie est la production et l’échange de biens et services qui s’évaluent selon le Sens du bien commun, là où il n’y a pas de gouvernance communautaire il n’y a pas de possibilité d’évaluation commune. C’est le cas de communautés immatures comme de la communauté monde qui tente néanmoins de se constituer (G20) à l’occasion de cette crise. la crise de l’euro en est aussi un symptôme

La spéculation a besoin d’anonymat, de désimplication. Si elle est prise dans le colloque communautaire alors elle ne peut plus échapper à la question du bien commun et prétendre oeuvrer pour le bien de l’économie. Pour cela il faut que cette économie n’ait pas de voix communautaire. Cela tombe bien avec la pensée systémique. La croyance dans « le marché »  comme entité abstraite et au « système économique » comme entité « naturelle » met à l’abri de la responsabilité vis-à-vis du bien commun. La spéculation économique s’accommode particulièrement de l’élimination du champ communautaire de la pensée politique et économique, d’un espace où elle aurait des comptes à rendre. On voit bien l’intérêt d’un espace mondialisé pour échapper aux communautés nationales, surtout si elles mêmes évacuent les niveaux communautaires plus locaux. Alors faut-il en revenir au « protectionnisme ». C’est une vision régressive des communautés dont les caricatures permettent de défendre la science économique systémique facilement spéculative. Comme les communautés sont-elles mêmes prises dans des ensembles communautaires plus larges, il ne peut y avoir d’économie fermée mais il ne peut y avoir non plus d’économie extra-communautaire transparente aux biens communs. Donc pas de discussion économique en dehors d’une communauté de référence. Pas d’acteur économique qui ne se pose dans une communauté de référence, même multinationale. Dès lors chaque entreprise, chaque organisation économique a des comptes à rendre dans les espaces communautaires où elle agit selon les valeurs de chacun, différentes. Alors le politique retrouve son rôle de conduite du développement communautaire. Alors les valeurs communautaires donnent la mesure de toute activité économique qui n’a plus d’autre valeur d’échappement.

Comment renverser une tendance lourde qui malgré ses méfaits, bénéficie d’une « complicité » collective, de l’auto aveuglement associé et de la duplicité intellectuelle de bien des experts et des acteurs. Comme toujours le combat ne fait que conforter le problème. C’est le développement de l’économie communautaire qui est la bonne voie. Il y a de plus en plus d’intérêt pour la question du bien commun sans qu’on prenne garde que cela implique une communauté de bien. C’est là qu’il y a le plus gros travail conceptuel à réaliser pour refonder une vision des communautés humaines qui échappe aux spéculations intellectuelles où elle s’est enfermée quelques fois. Il y a ensuite à réviser la lecture des questions et des phénomènes économiques dans cette perspective. On verra comme cela comment la crise appelle ces analyses mais que l’offre conceptuelle est défaillante. Il suffirait bien souvent de se recentrer sur la ou les communautés concernées au lieu de discuter dans l’abstrait des systèmes de pensée actuels. Ensuite on en viendra à apprendre à se confronter avec l’élucidation du Sens du bien commun propre à chaque communauté selon sa culture, à ses valeurs et son échelle de valeurs et les critères qui lui sont propres. Enfin les modes de régulations communautaires viendront comme pratiques de gouvernance chacune selon la culture qui est la sienne.

Ainsi le paradigme communautaire, alternative au paradigme spéculatif individualiste, entraîne-t-il à réviser l’ensemble des affaires communes et leur gouvernance démocratique. Il ne s’agit pas de faire table rase de l’existant mais de le voir autrement pour agir autrement. Rien de plus difficile.