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Individus et sociétés

12 Juil

Individus et sociétés sont les deux termes dont l’articulation est l’enjeu de toutes les positions et toutes les confusions dans le domaine du politique et de l’économique et aussi du « vivre ensemble ». La plupart des analyses ou des propositions présupposent une conception de l’homme et de la société laissées dans l’ombre au jeu des sentiments et des affirmations péremptoires sur la malignité des autres et les bienfaits assurés. L’individualisme dénoncé cache souvent l’individualisme dénonciateur, la société un espace d’aliénation vendu à nos crédulités.

1 – Les impasses de l’individualisme

L’individualité est une modalité d’existence de la personne humaine. L’individualisme est la réduction de l’homme à cette modalité comme si c’en était l’alpha et l’oméga. Il est souvent assimilé à un égoïsme indifférent aux autres au nom de quoi il s’agirait de le dénoncer et le combattre. Mais au nom de quoi, au nom de qui? Un anti-individualisme en cache quelques fois un autre.

Après tout il s’agit d’une conception de l’homme et de nous-mêmes sur lesquels nous portons jugement humain. C’est avec les moyens élaborés par l’Humanisme Méthodologique que nous allons explorer différentes figures de l’individualisme tel que nous en avons posé le principe. Se conjuguant avec différentes positions d’être, différents Sens et conceptions de l’homme, l’individualisme prend différentes figures, autant de logiques dont la multiplicité permet de brouiller les cartes et de dénoncer facilement l’individualisme de l’autre.

L’individualisme matérialiste.
Élément indivis, on retrouve l’étymologie qui est curieusement la même que celle du terme atome qui veut dire aussi non sécable, indivisible. C’était du moins la vision avant de découvrir que l’atome stable était composé de particules élémentaires et qu’il s’en trouvait instable quelques fois. Ce qui est curieux c’est cet individualisme qui identifie l’individu comme l’élément d’une masse. Cet individualisme ne trouve pas en lui-même les sources d’une quelconque initiative. A l’instar de l’atome qui répond aux lois de la chimie et de la physique, l’individu ici répond aux lois déterministes qui le prennent en masse ceux dune société ou de forces sociales que l’on a voulu décrire. Rien de plus isolé que cet individu rien de plus dépendant. Un individualisme de l’exonération de soi soumis aux forces de la nature. Il n’y est pour rien.

L’individualisme normatif.
C’est un exemplaire d’un modèle établi par la science des modèles et par les lois normatives de ses comportements. Cet individualisme est particulièrement compatible avec un étatisme producteur de normes et qui veille à éviter toute anomalie. La raison explicative s’impose à tous et chacun est justifié par sa conformité aux raisons d’Etat. L’individu est dument identifié, enregistré, numérisé, et il lui incombe de se conformer au même fuyant toute originalité, toute créativité transgressive. Il y va de son confort et de son désintéressement de ses pairs dont il n’est pas responsable, soumis aux mêmes raisons supérieures, tous égaux en droit.

L’individualisme souverain.
Il vise à ne dépendre de rien ni personne et son indépendance est gage de son individualité, de son identité, de sa singularité. C’est à une certaine conception de la liberté qu’il réfère sa souveraineté entièrement vouée à se vérifier par le dégagement de toute responsabilité ou l’engagement des autres à son profit. Il porte la promesse séduisante d’indépendance souveraine qui n’a d’autre fins que de se prouver.
Pouvoir d’emprise ou de séduction sont aussi les trophées de sa réussite mais aussi la source de toutes les jalousies dans ce jeu de miroirs inverses.

L’individualisme idéaliste.
Il vise à atteindre un idéal humain, idéal de conscience et de progrès. L’individualisme idéaliste est occupé à se perfectionner, éducation, formation, sont destinées à établir les compétences selon ses capacités. A ce titre il participe aux projets de civilisation dont le critère et le vecteur sont le perfectionnement humain, c’est-à-dire celui des individus. Pour l’individualisme idéaliste c’est même un devoir que d’édifier l’homme individu. C’est ce qu’on appelle souvent humanisme. Il est vrai que comme cela il échappe aux déterminismes purement matériels et marque sa différence d’avec tout autres choses ou vivant.

Il y a d’autres variantes et conjugaisons mais déjà, quel individualisme dénoncez-vous? depuis quelle position?

L’individualisme souverain abhorre l’individualisme normatif qui le lui rend bien. Libéralisme, social étatisme en sont des caricatures. Opposant liberté et égalité chacun dans un Sens étroit, le sien.

L’individualisme matérialiste et l’individualisme idéaliste ne s’aiment pas comme le collectivisme se moque de l’humanisme. Le premier qui se veut réaliste exige des solidarités nécessaires alors que l’autre postule des vertus à éduquer.

Mais y a-t-il d’autre destin que l’individualisme? Y-a-t-il d’autres visions de l’homme par l’homme ou l’individualité participe à l’existence commune sans y réduire la personne?

Comment l’individu participe-t-il alors à l’existence commune? Différentes positions restent à discerner pour choisir celle où le Sens du bien commun articule développement et accomplissement humains.

2 – L’individu et le lien social

Nous allons passer en revue quatre modèles type centrés sur une conception du lien et de ses deux termes, le groupe et l’individu.

Le modèle de possession.
D’abord la puissance collective celle du peuple, du clan de la tribu, de cette figure que l’on appelle communautarisme à laquelle les individus appartiennent. La puissance qui vient du collectif, légitime le pouvoir qui tiens l’unité du collectif. Au fond il n’y a qu’un individu le collectif et son double le pouvoir. Alors qu’en est-il des hommes? des individus en nombre? Des pions ou des militants, voués ou dévoués au collectif auquel ils appartiennent et dont ils partagent le sort, dit-on.

Le modèle de la cité.
L’organisation rationnelle de la vie collective engagée dans le développement du progrès humain, la civilisation, est édifiée par les citoyens selon les modèles idéaux normatifs. La participation à la cité est définie par des fonctions, des rôles, inscrits dans les scénarios règlementaires. Le salut de l’individu est confié à la cité qui est le chantier du progrès humain. Au citoyen de s’y conformer.

Le modèle de la nature
Le système de la nature est le tout d’où émane chaque chose, chaque vivant, chaque homme parmi eux. Les lois de la Nature sont déterminantes et de ces déterminismes l’évasion apparait comme contre nature. Les individus totalement dépendants transgressent ces lois dès qu’ils prétendent à une transcendance du jugement humain, de la maîtrise humaine, du destin de l’humanité. Il ne leur reste alors qu’à en profiter ou en être victimes et s’en plaindre, hédonisme victimaire.

Le modèle communautaire
Les communautés humaines sont de nature humaine. Elles sont rassemblées chacune, par la mise en commun d’une part humanité des hommes qui les forment, part d’humanité qui les transcende. Les communautés forment pour ceux qui y participent un monde commun habité par les individualités de chacun. Les individus y sont dépendants à la fois du monde commun auquel ils concourent mais aussi membres les uns des autres. C’est dans ce monde commun que se joue simultanément le développement commun et en commun et l’accomplissement des personnes au-delà même et au travers de leur existence commune. Tout cela suppose que les communautés et les hommes soient engagés dans le Sens du bien commun qui est le leur. Encore faut-il le discerner et le cultiver au travers de toutes les affaires communes. Et puis il y a les ensembles communautaires et toute la complexité et la diversité des hommes. C’est là que la fraternité trouve son Sens spécifiquement humain.

 

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  1. Ngounou Lyonel

    25 juillet 2011 à 17 h 26 min

    Je pense que les philosophies de l’individu ne sont rien d’autre que les philosophies du collectif, si tant est que les concepts en question n’ont toute leur signification l’un que par rapport à l’autre, dont il est question de se distinguer. En effet, l’individu et la société constituent deux axes orthogonaux qui sont toujours liés par une médiane, sorte de trait d’union qui met l’individu et le groupe dans un rapport aussi serré qu’on ne puisse parler de l’un sans supposer l’autre. L’individualisme veut donc tailler le collectif sur mesure, de sorte à célébrer le « retour de l’individu », qui n’est autre chose que la substitution des potentialités du groupe par les atouts d’un seul qui serait alors plein de lui-même et caontent de son unicité, de sa totalité et de son unité internes. En même temps, la société veut forger des hommes peints sur papier de coupe. Tout se passe donc comme si un eugénisme se formule fatalement en toile de fond dans le processus du social, puisque l’individu amélioré implique une société améliorée, qui elle à son tour implique l’amélioration des individualités qui on en partage le cadre social.

     
    • Roger Nifle

      25 juillet 2011 à 19 h 49 min

      Cette symétrie entre les deux interroge sur son origine, son substrat anthropologique ou d’une autre nature. Pour explorer la dialectique individu société je vous suggère ce texte http://journal.coherences.com/article394.html Pour l’Humanisme Méthodologique il n’y a pas symétrie entre la personne et la communauté. Si la personne par son esprit (Instance de Sens) est première pour le conSensus communautaire il est vrai que l’individu apparait – existentiellement parlant – comme second par rapport au monde et la communauté culturelle. C’est un effet de conscience. La conscience des réalités en fait dépendre celle de l’individu, qui en appelle néanmoins, inconsciemment, à une « liberté » ontologique. C’est cet appel qui l’engage à une révélation de l’être en soi avec une conscience de Sens qui marque son accomplissement (dont le Sens du bien commun). Si bien que, par la médiation de sa contingence mondaine puis communautaire, l’homme en personne découvre qu’il en est co-créateur, appelé à y exercer une maîtrise de son humanité pour ce qui est du partage d’un monde, collectifs comme individualités. Ce chemin c’est celui que le Sens du bien commun propose dans chaque communauté pour chaque homme.

       
  2. Ngounou Lyonel

    5 octobre 2011 à 15 h 11 min

    Merci pour les remarques apportées par M. Nifle, qui contribuent autant que faire se peut à re-situer le débat en y apportant des précisions notables au sujet de l’humanisme méthodologique. Ma si une préoccupation demeure, c’est celle de savoir si l’assimilation de la dialectique individu-communauté à un effet de conscience ne l’encapsule pas par le fait même dans les filets de la fiction. Autrement dit, l’effort d’hiérarchisation chronologique fait qu’on ait l’impression qu’on peut logiquement poser l’individu sans supposer inéluctablement la collectivité, et vice versa. Pourtant, il s’agit d’un continuum. Ainsi, la révélation de soi ne peut avoir tout son sens si elle est pensée en dehors du tissu social. L’humanisme méthodologique ne devrait-il pas être renforcé par l’expérience d’hommes « en chair et en os », s’il faut emprunter une expression d’Edmund Husserl dans les Méditations cartésiennes, pour peser de toute son authenticité et son adéquation avec la réalité existentielle des humains ? En effet, si l’individu s’enferme dans le Sens, dont la conscience est gage de son épanouissement social, tout se passe comme si son rapport à l’altérité n’est qu’une construction. Or toute approche constructiviste a ceci de particulier qu’elle tend à faire du monde une production de sens, et amène du coup l’individu à tailler l’altérité sur mesure, et même sur juste mesure. Le hic c’est précisément que l’autre n’est pas une simple monade qu’on puisse sans ambages chosifier au même titre que les objets du mondains, mais une autre conscience donatrice de sens qui, en même temps que le Même, consolide son statut de pour-soi. Ainsi, la tentative de transcendance de l’Un sur le Monde a pour pendant la négation, voir l’embrigadement de l’altérité par une ipséité débordante de solitude et avide d’une hypertrophie de l’ego, généralement inconsciemment surdimensionné. Le Sens, s’il nous motive quand il vise la communautarisation des intérêts, laisse tout de même planer parce qu’il échappe à toute répression. Par conséquent, y fonder quelque espoir de consolidation d’un tissu social harmonieux serait prêter le flanc au hasard, à la contingence, et nous exposer par conséquent au risque de ployer l’échine à des jugements de valeur, et même à la prophétie. Pourtant, les relation/rapports interindividuels et interpersonnels sont si factuels que leur décryptage n’impose pas, en premier lieu tout au moins, un quelconque détour sans que son authenticité ne s’en trouve éraflée. C’est sans doute par une pareille médiation, prudente et totalisante, qu’à une liberté ontologique sera substituée une liberté ontique vécue.

    NGOUNOU Lyonel Faustin
    Université de Dschang-Cameroun

     
    • Roger Nifle

      5 octobre 2011 à 15 h 59 min

      J’espère que vous n’avez pas assimilé l’Humanisme Méthodologique à ces seuls textes, études circonstanciées qui n’en dévoilent pas immédiatement les fondements ni même la nature des instruments. Un point majeur est celui du Sens. Qu’est ce que vous appelez Sens. C’est un des concepts majeurs de l’HM qu’il faut regarder de près. Ensuite l’individu comme la communauté advient à la conscience- réalisation, à la réalité donc simultanément donc pas de hiérarchie temporelle dans leur avènement. D’autant plus que le temps comme l’espace leur sont co-extensifs et non pas englobants. L’autre n’est donc pas réductible à l’autre individu qui est un semblable comme je crois vous l’avez entendu. Je crois que s’il s’agit de dépasser le propos des textes que vous avez-lu il faut en faire appel à la théorie fondamentale de l’Humanisme Méthodologique avec la théorie du Sens et des cohérences humaines. Sinon la discussion s’enlise dans des malentendus sans issue. Je vous suggère ce texte synthétique Vous en trouverez d’autres sur le site indiqué dans cette rubrique notamment et aussi quelques applications « de terrain » qui ne sont pas du domaine des fictions intellectuelles.