RSS
 

Archives de la catégorie ‘Les textes du sens du bien commun’

L’Europe et la Grèce, l’heure de vérité.

15 Fév

L’Europe est un noeud de civilisation, de civilisations même pour être dans l’actualité. «L’Europe est une confédération d’Etats réunis par l’idée commune de civilisation» (Ernest Renan 1870). La Grèce y est pour quelque chose avec la démocratie, la philosophie de l’être que la pensée juive et chrétienne ont complété en leur temps. Mais sait-on que le terme d’Europe aurait été employé en Grèce pour désigner les terres du nord considérées comme barbares. Pour la Grèce l’Europe c’est le pays des barbares. «Était … barbare celui qui au lieu de parler grec — de posséder le logos — faisait du bruit avec sa bouche.» http://fr.wikipedia.org/wiki/Barbare . C’est bien ce que certains doivent penser de ceux qui viennent de Bruxelles ou d’ailleurs.

Une analyse des cohérences culturelles de l’Europe ( http://journal.coherences.com/article424.html ) a mis en évidence la diversité des logiques culturelles de l’Europe, autant de façons de la concevoir et d’agir. Comment L’Europe peut-elle traiter la Grèce? La question se pose pour la Turquie ( http://journal.coherences.com/article195.html )

On peut donc envisager quatre versions selon les conceptions de l’Europe. Ces quatre versions combinent les attitudes essentielles de rapport à l’autre à l’autre nation notamment. Ouverture ou défiance, confrontation ou défense.

L’Europe des puissances et des affaires. Elle est constituée comme une coalition d’intérêts qui se font aussi la guerre comme cela a été le cas dans l’histoire. Confrontation et défiance tels sont les principes de cette Europe entre ses parties prenantes et le reste du monde. C’est bien un des jeux du moment où le souverainisme et l’anti-mondialisation conduiraient à ce que chacun reprenne la défense de ses intérêts, vaque à ses affaires. La Grèce d’aujourd’hui n’intéresse guère cette Europe

L’Europe des normes et de la monnaie unique. Son idéal c’est un Etat unique qui règlemente et administre. Ses principes sont l’ouverture aux autres (sans limites?) mais dans une attitude défensive qui enferme les différences dans le corset de la normalisation. Inutile de la décrire on la connait bien. La Grèce y a été intégrée comme tout le monde sans plus de respect de ses différences mais avec le jeu des apparences qui s’est effondré. Alors faut-il continuer à sauver les apparences de cette Europe? A quel prix pour la Grèce et pour l’Europe. L’important pour l’Europe c’est que la Grèce revienne dans les normes, de verrouiller un peu plus ses disciplines normatives. Pour l’instant pour les grecs c’est monnaie unique, monnaie inique.

L’Europe impérialiste forteresse assiégée. L’empire romain en passant par la chrétienté, jusqu’à Napoléon et Hitler, ont alimenté le rêve fantasmé d’une Europe dominatrice du monde. Cette Europe conjugue la défiance et la défense. Elle existe contre les menaces extérieures et intérieures. Aujourd’hui les ambitions prêtées à la Chine, l’Amérique, les pays émergents, les pays arabes, justifient la construction de cette forteresse sans laquelle nous serions évidemment écrasé. Le protectionnisme européen y trouve ses bases ainsi que la construction de barrières contre toutes les menaces y compris celles de l’immigration, de l’invasion par des produits étrangers et des religions. La Grèce constitue une brèche qu’il faut vite colmater parce qu’elle menace tout l’édifice.

L’Europe communauté de communautés. Ouverture et confrontation à l’altérité, conjugaison des différences, reconnaissance réciproques, projets communs, mosaïque de cultures, monnaies communes, tel serait le modèle multiculturel, multi-communautaire que l’Europe peut construire. Dans ce cas on pourrait aussi parler de fraternité européenne, fraternité des nations et des communautés qui ont choisi un destin commun. Cela permet à l’Europe de devenir un modèle dont l’intérêt est universel mais sans hégémonie, sans uniformité. Seulement il faudrait se mettre à penser une démocratie communautaire et multi-communautaire, une économie communautaire et multi-communautaire, une gouvernance communautaire et multi communautaire. ( http://journal.coherences.com/article406.html ) Nous sommes là dans la mouvance d’une mutation de civilisation qui inquiète tant les autres Europes. Nous sommes là dans une logique de refondations qu’appelle ce moment de l’histoire du monde. Restaurer la souveraineté communautaire, souveraineté responsable des enjeux communs, entre communautés qui s’engagent ensemble voilà de quoi intéresser et mobiliser les européens.

Alors pour la Grèce, d’abord la reconnaissance du meilleur de ses valeurs culturelles, de ses qualités, de ses talents, de ses potentiels. On pourrait le faire aussi pour tous les autres, une autre considération réciproque. Ensuite rechercher comment la Grèce peut remobiliser ses ressources et, retrouvant une nouvelle estime de soi, amorcer une nouvelle dynamique de développement. Le regard des autres et toutes les aides pour accompagner ce mouvement seront fructueuses tant pour la Grèce que pour l’Europe et chacune des communautés qui la constituent. Mais pour cela il faut une méthode, une philosophie, un Sens du bien commun un humanisme méthodologique.

Voir aussi «Le Sens du bien commun» éditions Temps Présent juin 2011.

 

Post-démocratie?

25 Jan

Selon Colin Crouch un sociologue anglais, la démocratie ne serait pas applicable au-delà des espaces nationaux. Du coup c’est à une régression de la démocratie que l’on assisterait, une dé-démocratisation. Le pouvoir d’entreprises multinationales se substituerait aux pouvoirs démocratiques. Il y a là « un plafond de verre » de la conscience des intellectuels. Dans l’évolution des niveaux de conscience humaine et des niveaux de civilisation ( théorie de l’évolution humaine de l’humanisme méthodologique) on peut envisager quatre conceptions de la démocratie.

Le niveau archaïque dominé et régi par les affects. La démocratie serait l’imposition de la volonté du peuple à l’encontre de pouvoirs oppresseurs. Un pathos pour répondre à un pathos dans l’affrontement des volontés de puissance. On sait que la démocratie ainsi définie l’est par quelque « avant garde » quelque peu ventriloque qui fait parler le peuple jusqu’à s’approprier sa voix et sa volonté. On a appelé cela démocraties populaires.

Le niveau primaire l’univers des faits et des interactions. La démocratie est l’organisation collective, la cogestion opérationnelle, la co-opération qui fait l’objet de bien des expériences participatives. Limitée au champ des enjeux et des occupations collectives elle se traduit par une co-ordination qui réclame une cohérence vite confiée aux experts à tel point que les simulacres ne sont pas rares. Une véritable démocratie supposerait une capacité de compréhension mutuelle qui dépasse le niveau factuel.

Le niveau secondaire, celui des représentations idéelles. La démocratie est la caractéristique d’un système politique basé sur une représentation de l’Etat et de la citoyenneté. C’est une notion de type juridique qui se traduit par un système formel que les élections représentent le plus souvent avec les délibérations sensées permettre à chaque citoyen de forger son opinion en conscience. Le problème est ici que, à l’âge des représentations (mentales), celles-ci semblent constituer le champ indépassable de la conscience. L’identification des Etats nations et de leur territoire matérialisent ce qu’une carte de géographie représente. Un découpage de l’espace devenu espace politique, dessine les champs de la loi démocratique qui s’y fonde totalement, exclusivement. Déjà dans un pays comme la France qui a poussé très loin le formalisme des idées, il est difficile d’intégrer l’existence de régions comme espace démocratique. On voit bien comment le niveau national s’impose sans cesse. Il lui est difficile aussi d’intégrer un niveau supérieur comme l’Europe sans tomber dans l’idéalisme généralisé de l’espace universel régit par les idéaux français. Du coup ce qui « dépasse l’entendement » et ses frontières matérialisées est vécu comme un trouble régressif. C’est effectivement le cas dans les espaces moins verrouillés que les Etats nations, et pour cause.

Le niveau tertiaire, celui des communautés de Sens. C’est le niveau de conscience qu’aborde la mutation de civilisation à l’âge de maturescence ( hominescence dit Michel Serres ), l’âge du Sens. Les affaires humaines, seuls enjeux démocratiques évidemment, n’existent que dans l’espace des communautés humaines. Or ces espaces ne répondent pas à la topologie cartographique et ses frontières d’exclusion inclusion. A l’heure d’Internet c’est de plus en plus évident mais cela a toujours été comme ça. La démocratie ne peut se définir par un système formel (même si elle en emprunte la médiation de façon contingente). Elle se fonde dans les enjeux et les modalités existentielles donc culturelles d’une communauté humaine (de nature humaine). C’est la question de la gouvernance communautaire qui est posée. La réponse démocratique suppose une prise de position axiologique c’est-à-dire en référence au bien. L’humanisme méthodologique montre comment le Sens du bien commun vient parmi d’autres Sens poser l’axe du bien dans les enjeux et les modalités communautaires. La gouvernance communautaire tout comme l’économie communautaire et toutes les affaires communautaires ressortissent d’une démocratie propre qui dépend et de la spécificité culturelle et des niveaux d’évolution et de conscience individuels et collectifs. La démocratie communautaire a été repensée tant comme conception que comme pratique ( le temps des démocraties majeures ). On y distingue démocratie élective autour du repérage du Sens du bien commun, démocratie représentative autour de la construction des représentations collectives, la démocratie participative autour de la gestion des affaires communes.

Alors où est la post-démocratie? Elle est dans le dépassement impossible d’un niveau de conscience, le plafond de verre qui empêche de voir l’avenir de la démocratie en train d’émerger. La conscience communautaire, la complexité aussi des ensembles communautaires, le Sens du bien commun, la gouvernance communautaire et l’économie communautaire font partie des déploiements d’un paradigme communautaire émergent. L’au-delà du plafond de verre.

Il est vrai que les défauts de conscience laissent le champ à toutes les immaturités possibles et aux régressions constatées. Tant qu’on pense la démocratie mondiale comme celle d’un super Etat nation il ne peut en être autrement. Penser une communauté mondiale qui comme toute communauté est une communauté d’altérités (diversité, différences) et non pas une communauté de « mêmes » juridiquement  constitués, est la base d’une possible démocratie mondiale qui ne se substitue pas aux autres communautés. C’est ce que le « multilatéralisme » des Etats n’arrive pas à instaurer.

C’est donc ce plafond  de verre des consciences intellectuelles qui est le principal obstacle à la maturation de la démocratie plus que les seigneurs de la guerre économique qui occupent un terrain laissé vierge.

 

Prospective de l’Entreprise Numérique

24 Août

Un article publié sur le site du CIGREF,réseau de grandes entreprises.
Il donne des repères pour la mutation engagée. La mutation des esprits est plus importante que celle des technologies qui n’en sont qu’un support. Comprendre les phénomènes de changement à l’oeuvre, évoluer du traitement de l’information au traitement des situations, le modèle de l’entreprise communautaire et ses enjeux qu’il s’agit de bâtir et enfin le virtuel comme vecteur d’une transformation du monde des affaires humaines et des entreprises, tels sont les quatre parties de ce document publié progressivement.

Nous sommes dans une période de grands progrès, de grands bouleversements, de grands troubles. L’éruption incessante des crises est comme celle des boutons qui marquent le fait qu’une réaction est en train de se produire, ce qui est bon signe, du moins si on en comprend le Sens pour agir. L’Entreprise Numérique nous est promise comme une révolution technologique, structurelle, culturelle, majeure en tout cas. Mais qu’en est-il vraiment de ce qui est en train d’advenir et qui se trame, à grande échelle, mondiale ? En d’autres temps on consultait l’oracle (toute ressemblance…) mais les viscères de nos oiseaux technologiques ne parlent pas de l’avenir. Peut-être alors quelque pythie qui, elle, ne dit pas mais signifie ? En effet tout est affaire d’interprétation, d’imagination et mieux, de discernement et de créativité, un problème de Sens et de projection dans le Sens indiqué..;
la suite sur le site du CiGREF

 

Psychologie d’une élection présidentielle

11 Juin

Ce terme de psychologie rappelle celui de Gustave Le Bon auteur d’une « psychologie des foules » 1895 ( voir ses ouvrages : ). L’auteur considère les processus psychologiques qui animent les foules et ce qu’il appelle les meneurs. La foule c’est plutôt ce que l’on appellerait aujourd’hui un mouvement qui se constitue et se défait dans une période donnée. Si l’auteur prend notamment les révolutions comme exemple, le moment de l’élection présidentielle dans le contexte actuel y trouve quelques similitudes. Gustave Le Bon observe que les phénomènes de foules sont sous-tendus par une sorte d’inconscient collectif qu’il appelle une race. Ce terme utilisé en son temps par d’autres auteurs comme Renan ou le psychologue Taine, n’a rien à voir avec le concept biologique et héréditaire qui en a été fait par la suite, jetant une confusion entre le génétique et le psychologique. Il correspond avec la notion de cohérences culturelles, structures fondatrices des communautés humaines, inconscient collectif communautaire mis en évidence par l’Humanisme Méthodologique. Ici, la communauté qui nous intéresse c’est la nation française et ce qui s’exprime dans une élection présidentielle.

L’Humanisme Méthodologique apporte des fondements théoriques dont ne disposait pas Le Bon en son temps. Il apporte aussi des méthodes d’élucidation qui permettent l’analyse des cohérences culturelles des communautés, communautés nationales notamment. Ce type d’analyse met en évidence une problématique humaine et tous les Sens selon lesquels elle peut être vécue. C’est parmi ces Sens, les pires et les meilleurs, que se repère un  » Sens du bien commun », celui qui porte la voie d’un accomplissement et d’un développement culturel singulier. Ce sont ces Sens et les cohérences culturelles associées qui supportent les dynamiques collectives et les  » mouvements de foules « . A l’occasion d’une élection présidentielle, c’est tel ou tel Sens qui est proposé par chaque candidature et leurs promoteurs tentent de provoquer un mouvement en leur faveur, en faveur du Sens qu’ils veulent favoriser.

L’analyse des cohérences culturelles de la France a été réalisée il y a plus de trente ans ( voir : ). Si les circonstances changent les Sens sont toujours les mêmes. Leur expression doit être adaptée à l’actualité. C’est ce que fait cet article. Nous allons examiner 8 logiques, liées entre elles par oppositions, par combinaisons de voisinage et constituant une sorte de rose des vents ou des courants ou aussi une boussole pour aider à s’orienter. Une typologie des « passions » françaises se dessine alors où prennent Sens les élections présidentielles. On terminera par ce qui semble être le Sens du bien commun conjuguant les vertus voisines.

Avant de commencer il faut comprendre que toutes ces positions sont autant de rapports à l’ordre, l’ordre des choses, l’ordre établi aussi et, en l’occurrence, l’élection présidentielle s’inscrit non seulement dans un ordre politique, celui d’une constitution de la cinquième république, mais y participe selon les règles édictées par elle. Au pays de la révolution, idéalisée en révolution permanente c’est un paradoxe que de respecter un tel ordre préétabli. L’ordre napoléonien au contraire se satisfait de la pérennité d’un tel ordre avec une démocratie formelle bien ordonnée. Nous verrons donc comment l’ordre électoral et l’ordre présidentiel sont aperçus, à quelles positions cela donne lieu et quelles en seraient les conséquences si telle ou telle prédomine dans l’élection de celui qui l’incarne.

L’authenticité. Il s’agit d’élire celui qui représente le mieux le pays c’est-à-dire la nation, les français, la communauté des électeurs. Pour que les français se retrouvent en lui il faut qu’ils le reconnaissent et pour cela qu’il s’exprime, qu’il exprime ce qu’il est, ce qu’il pense, et comment il voit le pays et les situations qu’il traverse. C’est un jeu d’identification réciproque entre un pays et un homme, une personne qui l’incarne. Pour cela il doit être authentique, parler vrai, dire la réalité telle qu’il la voit, en toute bonne foi, de façon juste. Il doit dire le juste, pour que les français se reconnaissent et reconnaissent leur propre expérience avec toute sa diversité. Le « je » et le « nous » doivent s’identifier et par suite chacun dans la nation. L’élection du President c’est aussi l’élection de chacun comme renouvelant le lien communautaire.

Le cynisme. Il s’agit d’élire une doctrine, une certaine idée que l’on veut voir s’imposer. La vérité importe peu ou plutôt elle s’impose aux faits et aux hommes indépendamment de ce qu’Ils sont dont on fait volontiers table rase. La vérité d’en face est disqualifiée elle est dite mensonge parce que le critère de vérité c’est la conformité au dogme, pas à l’expérience. C’est d’ailleurs pour cela que les gens simples ne s’y retrouvent pas. La mauvaise foi est justifiée par la conformité, l’hypocrisie qui sépare la vie intérieure, le comportement privé et le discours public, les postures et les formules consacrées. L’élection est partisane et l’élu celui qui est le porteur du dogme, délégué pour cela. Ce n’est pas la vérité de sa personne qui compte mais sa fidélité théorique au dogme. Il est vrai que la position de mauvaise foi créé un climat de suspicion et de simulacre. Le déni de la réalité par tous les moyens de l’habileté, sophistique par exemple, emprunte volontiers les artifices de la raison, de l’argumentation, qui s’auto-justifie par ses références idéologiques en négation de l’expérience commune. Comment un président peut-il être élu? par défaut sans doute, c’est-à-dire par la mobilisation de quelque défaut.

Le ressentiment. Une des passions française les plus constante. Rien n’est bon dans l’ordre établi. S’agit-t-il d’édifier un ordre alternatif? Peut-être dans le discours à l’occasion, comme on se dit qu’il va bien falloir se doter d’un projet, d’une « culture de gouvernement ». Le ressentiment c’est la justification de l’empêchement, celle de la contestation, de l’opposition de principe, de la revendication impérieuse. L’élection se fait contre plus que pour. L’élu est le champion de l’intolérance à l’ordre ancien, l’animateur du ressentiment. Son programme c’est de déboulonner l’ordre en place et sauf à devenir dictateur, il lui faudra préparer sa propre défaite au prochain tour. Il en est toujours surpris et se croit trahi. La révolution française dans ses moments les plus radicaux en a montré jusqu’à la caricature.

L’enthousiasme. Voyant la possibilité d’un progrès dans l’ordre des choses alors la France peut se mobiliser avec enthousiasme. L’implication, dans le fait électoral lui-même, la participation aux enjeux commun, l’engagement dans un projet, la contribution par le vote à l’intérêt général trouvent les français disponibles, mobilisables. L’élu c’est celui qui sait montrer le chemin, le programme, le plan de ce à quoi les bonnes volontés sont invitées. Un visionnaire certes mais aussi concret, méthodique, capable de mener a bien ce qu’il entreprend, de réussir ce qui lui serait confié. L’élection du Président est un moment de l’action. Il ne s’agit pas tant de liquider l’ordre ancien que de le transformer, le faire progresser ou même de le dépasser. C’est à la bonne volonté et aux compétences qu’il est fait appel tant de l’élu que des français.

La défense. Ça ne va pas et il faut que ça change. La réalité ce sont les problèmes dont il faut se débarrasser, les maux contre lesquels il faut lutter. L’élu est celui qui rassemble un assentiment critique et militant, c’est-à-dire prêt à manifester, manifester son désaccord son désaveu de ce qui existe, de ce qui ne va pas. Il s’agit donc de combattre et de vaincre les maux qui accablent, les menaces qui planent, les carences qui sont manifestes, les insuffisances. La défense et la protection contre les dangers et les menaces dues à l’ordre établi est une bonne argumentation pour mobiliser. L’ordre mondial, le système, le pouvoir en place sont autant de cibles de la critique sans qu’il soit nécessaire de proposer des solutions alternatives et un projet constructif. Inutile de dire que si des émotions sont soulevés il ne s’agit pas d’enthousiasme et elles ne tiennent qu’autant que les maux sont mis au premier plan. L’indignation a besoin d’être alimentée en permanence.

L’ambition. L’enthousiasme doit être alimenté par une perspective valorisante du moins dans les apparences. Un projet de conquête, une utopie bien identifiée, une vision prometteuse sont à proposer. Il s’agit bien de promesses qui doivent flatter les électeurs qui s’en imaginent grandis. Bien sûr les promesses n’engagent que ceux qui y croient. C’est dire que la bonne foi, le réalisme ne sont pas de mise sauf dans l’excellence du tableau proposé, de la scène imaginée. Il y faut de l’habileté et s’adresser aux électeurs comme à une élite. Les élites s’en trouvent d’autant plus valorisées et gratifiées qu’elles trouvent un place éminente dans la perspective. Le Président élu est porteur d’un charisme qui doit beaucoup à la séduction et se présente comme compétence d’exception. Il porte l’ambition du pays qu’il a su lui faire partager. C’est forcément un bon communicant…

La destruction. Renverser l’ordre établi par tous les moyens, tel est l’enjeu. L’élection présidentielle n’en est qu’un moyen plus ou moins opportun. Le Président fait figure de vainqueur potentiel, celui qui saura détruire l’ordre et les pouvoirs existants. On sait ce qu’il en advient ensuite. On comprend que l’élection fait appel plutôt à des forts en gueule qu’a des personnalités discrètes et subtiles. La calomnie, la dénonciation, le procès d’intention, la démagogie, la disqualification de l’adversaire, tout est bon pour entretenir l’animosité et exacerber les haines et les passions destructrices. Le cynisme et le ressentiment se posent en vertus et les tièdes en traitres potentiels. Ça finit toujours mal pour les français et pour les dénégateurs du pouvoir qui l’auraient pris par inadvertance.

La construction. Édifier c’est a la fois faire grandir en vertus et construire. Le rôle d’édification d’un Président repose sur l’appel a des engagement vertueux au service de la communauté et aussi, au-delà, au service d’autres communautés et du monde. Édifier un ordre des choses renouvelé en fonction des évolutions du monde telle est la vocation de la France dans tous les domaines où elle peut exceller. Pour cela l’élu doit en manifester la volonté et la perspective et en faire appel au français, leur demander leur engagement sur des enjeux communs, ceux de communautés qui participent à la communauté nationale et son devenir, ceux aussi de communautés élargies comme l’Europe ou au-delà. C’est en communiquant sa conviction, sa bonne volonté et l’authenticité de son engagement qu’il peut solliciter valablement une élection c’est-à-dire un choix personnel des français celui du Sens du bien commun.

 

Que se passe-t-il? Pourquoi tant de haine?

12 Fév

Claude Guéant dit « Toutes les civilisations ne se valent pas »
François Bayrou dit « 2012 un choix de civilisation »

Comment pourrait-on choisir une civilisation si elles se valent toutes?

Tout cela reste dans la confusion morale et mentale si on ne cherche pas à approfondir une question qui est si cruciale au moment où la fin de l’hégémonie occidentale nous confronte à la multiplicité des cultures dans le monde et dans chacun de nos pays? Elle se trouve évidemment au coeur de la question européenne et partout dans le monde.

Pour les uns la différence est liée à la suprématie de la civilisation occidentale et ses origines identifiée à « La Civilisation » et le réflexe de défense est de type nationaliste. Pour les autres la différence tiens à l’universalisme intellectuel, moral et opérationnel de notre civilisation et singulièrement de la France et son Modèle Républicain qui rabaisse tout ce qui n’y sacrifie pas ou le conteste.

Paradoxalement pour ces derniers la question de la diversité des civilisations est insupportable puisqu’il n’y en a qu’une de véritable, la notre.

Mais alors comment expliquer cette dénonciation violente des propos de Claude Guéant par la gauche. C’est parce qu’elle est prise dans un noeud de contradictions radical et qu’il ne faut pas en soulever le couvercle. François Hollande nous dit « La France n’est pas le problème mais la solution ». C’est bien du modèle français identifié au Modèle Républicain qu’il s’agit. En réalité il ne s’agit que d’une certaine conception de la république française dont les valeurs ne sont pas liberté, égalité, fraternité mais leur interprétation opportuniste selon les trois principes: individualisme, rationalisme, matérialisme qui en sont les véritables fondements.

La liberté c’est ici l’individualisme du libéralisme moral, de la revendication d’un libre arbitraire, d’un relativisme pour qui tout se vaut et où la diversité d’apparence va avec une indifférenciation de fond. La revendication des mêmes droits pour tous quelques soient les différences, réduites aux apparences va avec la libre affirmation des égos et des comportements dans la mesure où il n’y a pas d’altérité véritable. Le jeu des apparences et donc des masques et des semblants est là essentiel.

L’égalité c’est ici l’identification à une même norme et cette norme c’est celle, universelle, de la raison du rationalisme. Que l’on parle de normes idéales ou de normes naturelles ou structurelles c’est le magistère moral, organique et systémique d’un Etat jacobin qui est censé établir de façon juridique et scientifique les termes de l’équation égalitaire. Il y faut, bien sûr, des raisons supérieures aux autres, les raisons d’Etat sans doute. L’altérité est ici forcément une source d’altération de l’égalité.

La fraternité c’est ici la solidarité matérialiste. Le matérialisme ne connait que des liaisons et des forces d’origine matérielles. On peut donc solidariser deux morceaux de bois avec de la colle mais aussi par toute autre force de liaison endogène ou exogène. Il est vrai que les attractions répulsions des affects ressemblent à ces phénomènes de liaisons, d’inclusion et d’exclusion, de clivage ou de solidarisation. Question d’atomes crochus sans doute. Il y a toute une dialectique « sociale », binaire et manichéenne qui s’y source. L’altérité est une menace contre la cohésion et la solidarité.

Ces trois logiques différentes trouvent à se conjuguer dans un processus de déni de l’altérité, d’anti-humanisme radical au nom des droits de l’homme dument réinterprétés. On voit bien les risques du dévoilement, risque d’explosion d’une convergence apparente, risque totalitaire de tentative de colmatage des fractures, risque de violence dénégatrice de l’altérité. Libéralisme moral, étatisme, lutte des classes trois « tendances » à marier? Tel est le challenge de grands équilibristes en campagne. Le ciment pourrait être le déni d’altérité et les dénonciations associées. Mais il y a aussi cette synthèse, ce syncrétisme de l’accusation de l’homme, de l’antihumanisme radical et son déni d’humanité, cette réduction de l’homme à l’ordre des choses, à la Nature des choses. Il y a toujours une sorte de shyzophrénie qui le permet où l’humanité de l’homme postule sa propre négation.

Mais l’individualisme est-il de droite ou de gauche? L’étatisme est-il de droite ou de gauche? Le matérialisme est-il de droite ou de gauche? l’écologisme est-il de droite ou de gauche?

Et le choix de civilisation, question centrale? il suppose qu’il y ait pluralité. S’il n’y avait que dualité on se retrouverai dans un manichéisme classique. S’il n’y avait qu’étalonnage à une référence universelle supérieure on se trouverait dans une suprématie à vocation hégémonique. S’il n’y avait que multiplicité arbitraire alors tout se vaut et le choix n’est que l’exercice d’un libre arbitraire de plus, question de goût ou de dégout.

Alors quels critères de choix? Observons qu’il s’agit de civilisations humaines et que s’il y a des critères ils doivent être en rapport avec des valeurs humaines.

Alors pourquoi ne pas réinterpréter les valeurs de la république française comme des valeurs humaines, liées à l’humanité de l’homme, des valeurs humanistes donc.

La liberté, de nature proprement humaine, l’autonomie, ce n’est pas l’indépendance mais la maîtrise responsables de ses dépendances. La liberté responsable est ce vers quoi tend toute civilisation humaine. Plus de liberté cela veut dire plus de conscience, plus de maturité, plus de responsabilité dans les communautés de vie partagée. Elle se conçoit sur la base d’une transcendance de la personne qui se révèle progressivement et reconnait la contingence de son existence entièrement prise dans ses communauté d’existence et sur laquelle s’exerce sa responsabilité grâce à cette liberté là.

L’égalité c’est l’égale dignité de l’humanité que porte en lui chaque homme, quelles que soient ses conditions d’existence. L’égalité c’est la reconnaissance de l’altérité de chaque être, unique et partageant la même humanité. L’humanité porte en elle le pire et le meilleur, l’égalité aussi. Il faut donc que cette humanité soit engagée dans cette liberté responsable à cultiver pour que sa dignité s’exprime et soit reconnue en même temps que celle des autres membres de la communauté. Le fait que cette liberté responsable trouve à s’exprimer dans la communauté donne à celle-ci sa vocation de révéler et cultiver l’humanité des hommes qui la compose.

La fraternité c’est le partage d’humanité dans le Sens du bien commun au sein d’une communauté de devenir en commun. C’est aussi le partage d’humanité entre des communautés différentes selon le Sens du bien commun d’une communauté de communautés. Ainsi la fraternité est-elle constitutive du lien social dès lors qu’il est engagé dans le Sens du bien commun. Sans communauté pas de fraternité. Sans fraternité pas de communauté en voie de développement et d’accomplissement humain.

Alors la civilisation c’est le mouvement de développement et d’accomplissement d’une communauté selon la culture de son Sens du bien commun et la part d’humanité qui lui est propre.

A ce titre, là où il y a civilisation il y a aussi le pire, potentiellement au sein de chaque communauté. Chaque communauté est unique et à ce titre d’égale dignité humaine mais totalement différente dans sa culture. Chaque communauté est engagée dans une histoire où son niveau de civilisation est évolutif et peut même régresser.

Il y a là des éléments de réponse à la question « est-ce que les civilisations se valent? » et à la question « quel choix de civilisation ». Ces deux questions ont changé totalement de visage.

A la seconde la réponse est : la civilisation de l’humanité au sein de chaque communauté culturelle, selon sa vocation et à sa façon donc. La communauté mondiale est dans une mutation de civilisation, l’avènement de l’ère de l’humanité corrélative à l’ère de l’Esprit ou du Sens. Hominescence pour Michel Serres, âge de l’Esprit pour de grands visionnaires, âge du Sens et des communautés de Sens pour l’Humanisme Méthodologique, révolution humaniste pour Marie Anne Kraft.

A la première, la réponse naïve n’est plus possible. Il a fallu redéfinir ce qu’on entendait par là. Les civilisations sont toutes différentes et d’égale dignité mais les cultures ne sont pas toujours engagées dans leur meilleur Sens, dans leur processus de civilisation ou n’en sont pas au même niveau d’accomplissement de leur vocation et de leurs valeurs.

Alors il reste à relire les discours et les propositions politiques pour regarder de quoi ils parlent et qu’est ce qu’ils engagent, pour le pire ou le meilleur de la communauté française.

 

Quel modèle de société ?

25 Déc

Quatre modèles de société

La mise en question du modèle de société dans notre pays est de plus en plus patente. Différents rapports sur l’intégration en sont des analyseurs. Deux modèles sont d’ores et déjà en conflit, l’universalisme républicain et le différentialisme.

Le modèle rationnel. L’universalisme Républicain est devenu une prétention exorbitante au point de vouloir s’imposer au monde entier. Justifié par une interprétation opportuniste des Lumières et de la Raison il fait de la rationalisation de la cité un idéal. Seulement une organisation rationnelle tutélaire y exerce le pouvoir : l’Etat. En fait c’est une oligarchie élitiste qui gouverne à partir de ses bonnes Raisons, et de son monopole de la détermination et du jugement de l’intérêt général. Cet universalisme de la raison supérieure réduit ce qui fait la singularité de chaque être humain et chaque communauté culturelle à ses normes, uniformes. C’est donc là un anti-humanisme qui fait de l’accessoire, la raison, l’essentiel et de l’essentiel de l’humanité en l’homme une tare à éliminer… C’est pour cela que l’émancipation de toute origine et racine culturelle, familiale et religieuse, leur éradication est posée publiquement comme finalité de l’école et le conditionnement normatif aux productions de la raison comme la méthode de formatage et de sélection des élites. Cet universalisme abusif crie au loup dès qu’il faut prendre en considération quelque différence non dûment rationalisée. Ce projet est toujours à l’oeuvre au nom de l’égalité, une « valeur » dénuée de rigueur conceptuelle en l’occurrence. Dans ce modèle il y a la société civile, une société inférieure, sous tutelle y compris ses prétentions démocratiques. C’est le terreau sur lequel prélever des ressources, exercer un contrôle normatif, ruser avec les passions, justifier ses fonctions propres, et jouer avec des libertés fantasmées conçues comme accès aux droits distribués par l’Etat et sous son contrôle. Les étrangers sont invités à se fondre dans cette société civile et toute communauté est suspecte ce qui fait que le lien social est sous la dépendance de l’Etat et la foule de ses structures intermédiaires et associations en mission de service public c’est-à-dire de l’Etat. On notera que l’assistanat est indispensable pour tenir en dépendance la société civile, qu’elle soit bénéficiaire ou ponctionnée, ou les deux.

Le modèle passionnel. Le différentialisme. La révolte contre le système précédent se fait au nom des différences et de la conflictualité attachée à leurs revendications ou leur défense. Les hommes sont identifiés à leurs passions et leurs rapports de force justifiés par des différences apparentes forcément inégalitaires. Chaque groupe s’identifie à la défense de ses intérêts et leur légitimité historique. Celle-ci vient de l’oppression des autres groupes, alliés quelques fois dans quelque conflit mais adversaires par réduction aux différences patentes et leurs conflits existentiels. A certains d’origines étrangères on donnera un pouvoir d’agir qui serait plutôt « pouvoir de réagir contre »… les autres. D’autres verront dans le multiculturalisme une menace pour leur identité propre pendant que d’autres le revendiquent. D’autres encore, réunis en groupes d’intérêts corporatistes chercheront à gagner contre tous les autres. Des communautés d’identité défensive alimenteront le fameux communautarisme par leur intégrisme ethnique, religieux, philosophique ou même économique. Le régime des passions est aussi celui du populisme. On notera que le peuple est appelé à se révolter contre l’oppression désignée, celle des autres qui n’en font pas partie. De ce fait les « milieux populaires », le peuple de gauche ou de droite, sont convoqués à cette résistance ou cette révolte en solidarité avec d’autres communautés discriminées avant de combattre contre leurs prétentions. Des mouvements comme le féminisme, le LGBT, les ex colonisés, les antirascistes ostracistes, les racistes exclusifs, alimentent un populisme généralisé ou chacun se juge l’opprimé de l’autre et légitime ainsi sa défense et ses attaques. Ce modèle de société qui a eu ses heures de gloire avec la lutte des classes et les conflits mondiaux du siècle dernier reste toujours agissant, celui de tous contre tous, de l’autre comme menace. C’est l’un des modèles jugé réactionnaire par le modèle universaliste étatique dit républicain.

Mais ces deux modèles ouvrent sur une autre alternative décisive, la voie de la facilité ou la voie de l’exigence humaine.

Le modèle naturel. Les lois de la nature des choses régissent les affaires humaines croit-on. Alors n’ayant de cesse de dénoncer les atteintes de l’homme à la nature par tous les actes de civilisation et de progrès matériel consommatoire, le retour au naturel est le leitmotiv d’une néo modernité. Vie naturelle, empreinte minimale, respect des besoins naturels et des comportements instinctifs, valorisation de l’enfance et des âges premiers, bons sentiments, relations spontanées, sont autant de critères de bonne conscience où la biologie fait figure de sacré. La vie est un jeu que les autres sont invités à partager. Mais la nature des choses s’exprime aussi dans les lois scientifiques, sociologiques, technologiques même. Dès lors de nouveaux modes de vie respectueux des évolutions biologiques, bio technologiques, d’une économie naturelle dans ses lois et ses productions durables intègrent aussi des relations dégagées de morales et d’exigences qui n’ont pas lieu d’être selon la nature des sentiments et des besoins ressentis. Ce modèle qui s’exprime dans des milieux de proximité ou dans des mouvements mondialisés, dans le local et le global, rejoint le rapport quasi religieux à la terre et à la planète reliées par des systèmes qui tissent les liens d’un transhumanisme, ou d’un post humanisme pour d’autres. La conscience comme évidence collective, se débarrasse des exigences et des disciplines de maîtrise de la nature et de la nature humaine et s’érige en éthique de la nature. Dès lors, au nom de la nature des choses ou des pulsions, toutes les monstruosités sont possibles. Rappelons-nous la place de l’éthique naturaliste dans le nazisme ou de l’éthique sociale égalitaire du stalinisme. Ce ne sont pas des accidents mais les conséquences d’un déni d’humanité.

Le modèle communautaire. La communauté de bienveillance veille au bien de chacun et au bien commun. Comment penser bien commun sans une communauté, une conscience collective, un Sens donné au bien commun qui soit le bien de tous parce que celui de chacun. Le bien humain est dans son devenir, ce que vivre veut dire qui n’est pas survivre. Veiller au bien ce n’est pas autre chose que veiller à ce devenir. Bienveillance nourricière, éducative, économique, politique telle est la responsabilité de chacun et le service qu’il reçoit de la communauté et des autres. Ainsi chacun est à la fois source de bienfaits pour la communauté selon ses potentiels et singularités et à la fois bénéficiaire de bienfaits de par la communauté et les autres. Mais chaque petite communauté est aussi membre de plus grandes et fait l’objet de bienveillance de même que l’on peut attendre sa bienveillance à l’égard de la communauté plus grande et ainsi jusqu’aux plus grandes, territoriales ou non. C’est ce qui permet la diversité culturelle, religieuse et l’altérité des personnes dans un rapport réciproque de bienveillance mutuelle au sein de communautés de devenir. Penser le rapport de bienveillance qui est un respect mais orienté vers un devenir commun et aussi singulier, amène à penser toutes ses formes et ses pratiques, ses degrés et ses déviances. La communauté de bien est donc la base de toute société et de toutes les affaires humaines lorsque le bien humain est le critère de valeurs et donc d’éthique c’est-à-dire un humanisme véritable. Le modèle communautaire n’est pas un angélisme puisque toujours à l’oeuvre au travers de toutes les affaires et les situations humaines. Il est cependant le seul capable de les réguler en rapport avec un Sens du bien commun associé au développement et l’accomplissement humain. Politique et démocratie, économie et activités, éducation et développement sont tous à penser et réaliser sous le régime de la bienveillance, non sans exigences de réciprocité. C’est bien sûr comme cela que doit être accueilli tout autre, nouveau né ou étranger, personne ou communauté.

 

Racisme, le temps des pompiers pyromanes

31 Juil

« Raciste » est devenu l’invective ultime. Les officines de communication, férues de storytelling élémentaire le signifient sans le dire à longueur de commentaires et de communiqués twiterrés au petit matin. Tel quotidien, épris de liberté, dénonce un groupe de députés au «front bas». Le front «national» en est évidemment considéré comme le repaire emblématique qu’il suffit de désigner pour stigmatiser les complicités larvées. La référence au temps de l’occupation est de rigueur et Hitler est l’étalon de mesure de toute malignité politique. On ne fait pas dans la demi-mesure ces temps-ci.

Ostracisme, xénophobie, communautarisme, multicuturalisme, différentialisme, anti-jeunisme, homophobie, anti-féminisme, intégrisme, repli identitaire, haine de l’autre sont devenus les figures du racisme qui les subsume. Il est vrai qu’au début du XX ème siècle encore, comme le montre Gustave Le Bon et sa psychologie des foules (1895), le terme de race est utilisé comme un identificateur culturel, familial, familier. Si le Littré qui le confirme témoigne aussi d’une acception zoologique, ce n’est qu’avec une réduction matérialiste, naturaliste que la race et le racisme sont maintenant référés à une conception biologique de l’humain. On en vient même à parler de racisme anti-musulman comme on l’a fait d’un racisme anti-juif. Comme si cela se ramenait à une question biologique, génétique. Pourtant les termes précédents posent des problèmes d’altérité humaine qui n’ont guère de sens en biologie.

L’accusation de racisme est donc une interprétation déviante d’une problématique réelle où la peur de l’autre induit un repli sur soi qui peut aller jusqu’à la haine de l’autre. Le déni de l’autre pour dénoncer la haine de l’autre telle est l’équation commune de l’anti-racisme ordinaire !

Cependant, le problème est réel et son antinomie c’est la fraternité. Il est vrai que la notion de fraternité qui écorche la langue des réducteurs d’humanité, est remplacée par celle de solidarité. Un peu de colle rend deux morceaux de bois solidaires, pas fraternels. Une troupe animale ou un système végétal peuvent se dire solidaires, pas fraternels. Le «vivre à la colle» d’antan n’impliquait pas forcément une grande «fraternité» et le pacte civil de solidarité vient y mettre bon ordre de droit. Or la fraternité est ce qui constitue le lien communautaire d’humanité, d’humanité seulement. La collection n’est pas communauté, et la collectivité pas toujours. La haine de l’autre, tournée vers des communautés honnies et même taxées de racistes, vient s’y opposer et c’est bien là qu’est le mal, le déni de fraternité, le déni de communauté véritablement humaine.

Il est des situations humaines où le sentiment de faiblesse associé à quelque peur exogène, conduit à se rassembler sous la protection d’une communauté englobante, matricielle même, pour se sentir plus sûr, plus en sécurité. Des régressions archaïques, fusionnelles, confusionnelles, privilégiant le bain émotionnel en dérivent, tant du côté du repli protecteur que de la violence défensive. A l’extrême on peut même se sacrifier pour survivre (autrement) à vouloir terroriser ceux qui nous terrorisent. Nous sommes à proprement parler dans la para-noïa. Cette fausse connaissance renvoie à un savoir certain de la malignité des autres, figure en miroir de l’épreuve du mal en soi, de la peur et la terreur, de la culpabilité même à réifier en meurtre quelques fois. L’autre est altération de soi, menace sur son intégrité qui porte à la défense intégriste, offensive, vitale. Tels sont les mécanismes de ces symptômes que l’antiracisme veut condamner. Sans appel.

Mais d’où vient cette peur traduite en peur de l’autre, devenu menace insupportable? Nous sommes submergés par les catastrophismes, dénoncés de ne pas y communier, nous sommes provoqués à nous méfier de tous ces «racismes» déclarés ou larvés que de bonnes âmes nous désignent. Nous sommes invités à nous soumettre à un universalisme qui laisse chacun seul devant le système du monde sauf à nous placer sous la tutelle d’un Etat, bien marri aujourd’hui d’un individualiste ambiant qu’il n’a cessé de tricoter pour son propre compte.

Le cercle vicieux est installé. La peur des uns, leur sentiment de faiblesse se conforte dans le repli, la régression, qui renforce les peurs, la sensibilité émotionelle. Les grands manipulateurs de l’émotion publique (source de l’opinion publique) en rajoutent à chaque occasion ou ne cessent de créer des occasions. L’inquiètement public est l’action des sphères qui nous veulent du bien disent-elles et particulièrement en dénonçant les menaces qui nous guettent. Le ciel pourrait nous tomber sur la tête. Il ne faut donc pas croire au ciel et nous méfier des magiciens qui voudraient nous pousser à quelque béatitude post-prandiale nous mettent-ils en garde. Avoir peur est un devoir, dénoncer les sources de la menace la vertu des grands démocrates. Dénoncer l’autre, le raciste donc, voilà le grand oeuvre de solidarité publique.

Il est des temps de plus grande fragilisation de l’humanité, ceux du changement et paradoxalement ceux des mutations qui nous font progresser. C’est souvent au travers de crises que ces épreuves décisives nous font grandir grâce au dépassement par une nouvelle maîtrise des affaires humaines. Nous sommes dans ce temps-là d’une mutation de civilisation. Mais ce type de passage comme le savent les professionnels du changement, éducatif ou thérapeutique, est délicat. On y a besoin de l’aide de l’autre, de la communauté de soutien (et pas de repli). C’est aussi le rôle de l’autorité en commençant par l’autorité parentale, différenciée. Le danger est d‘être submergé par l’angoisse, celle de toute remise en question pour progresser humainement parlant. L’épreuve de dépassement est menacée par les inquiètements opportunistes de ceux qui ne veulent pas grandir qui ne veulent pas que les hommes grandissent que leurs communautés grandissent. Les «project killers» sont au premier rang, dénonçant par avance les catastrophes que le fait d‘avancer ne manquera pas de provoquer par la faute de l’homme, des autres s’entend. Plus facile de régner sur un monde angoissé que d’y exercer une autorité repère, exposée donc.

Partout dans le monde les signes d’un renouveau, d’une Renaissance, se manifestent avec peut-être moins de coupages de têtes qu’en d’autres temps. Ceux qui veulent être maîtres du monde, universel, maîtres de la Raison unique, la leur, sont aux abois. Il crient au racisme, au communautarisme alors que les communautés de bien, que le Sens du bien commun ne cessent d’inspirer d’autres logiques. Même internet, l’espace permissif de tous les débordements, mature aussi en espaces communautaires qui, en grandissant. se font communautés de bien. Mais n’est pas Obama qui veut…

 

Sortie du livre Le Sens du bien commun

16 Juin

la premiere de couvertureCa y est le livre est sorti. Il est publié aux éditions Temps Présent, collection semeurs d’avenir. Rejoignez le groupe sur facebook

Le sous titre : « pour une compréhension renouvelée des communautés humaines ». C’est un essai d’Humanisme Méthodologique. Il montre que le bien commun suppose une communauté identifiée et que le Sens du bien commun est celui du développement et de l’accomplissement humain. Cela suppose que l’on en sache quelque chose de ce qu’est le développement et l’accomplissement humain. Ces questions fondamentales on un volet pratique. En effet toutes les affaires humaines sont des affaires communautaires et sont a engager dans le Sens du bien commun de la communauté concernée. Même les enjeux personnels n’existent nulle part ailleurs que dans les communautés auxquelles on participe. L’économie, le politique, l’éducation, la justice par exemple sont des affaires communautaires. L’ignorer c’est imposer un point de vue particulier comme intérêt général. C’est le cas de la plupart des idéologies et des conceptions dominantes.
Alors comment s’y prendre? Il faut lire le livre…

 

Un projet de société l’exemple caraïbéen

23 Juin

Un projet de société pour la Caraïbe, le modèle Caraïbéen.

Caraïbe ou Caraïbes ? Tel est le signe emblématique de la question. UN projet, UNE société là où le pluriel se conjugue au singulier; là où une singularité commune donne sa cohérence à la multiplicité; là où la communauté rassemble toutes les singularités.
Pourquoi un projet de société ? Pour construire un devenir commun, celui de chacun dans le mouvement de tous. Un projet réclame un sujet, une identité commune, une volonté partagée, une compétence collective pour construire, orienter et poursuivre une histoire commune. Une société c’est l’organisation de la vie en commun mais pour les hommes vivre c’est devenir.

La multiplicité des terres, des origines, des cultures, des religions, des monnaies, des histoires, des langues, des modes de vie, tel est le quotidien de la Caraïbe. Ce n’est pas sans rapport avec la créolisation qu’un Edouard Glissant situait comme une singularité d’intérêt universel dans le monde qui vient. «La pensée unique frappe partout où elle soupçonne la diversité» disait-il. Mais il n’y a pas qu’une seule pensée unique, en voici des caricatures explicites qui aussi se conjuguent.

La «normalitude»
Sans doute celle qu’Edouard Glissant stigmatisait. L’universel patenté par l’exception culturelle et justifié par une (la) raison supérieure. La norme s’impose comme règle, structure, forme, dogme, avec sa vertu de conformité. Le vice c’est l’a-normalité, c’est-à-dire la différence. Le Même doit s’imposer à tout Autre. Tous les domaines de la vie commune sont structurés selon le dogme de la rationalité universelle : juridique, administrative, scientifique, éducative et son identification à la vertu. Le conformisme l’emporte sur toute créativité. Égalitarisme normatif ou étatisme ne sont pas loin.

La «bloc attitude»
Il s’agit de faire corps contre l’adversité. Tous soudés par une passion, une pulsion ou des mécanismes compulsifs de rejet, de refus, de dénonciation. L’action collective c’est «tous ensemble contre», la lutte comme principe moteur, le sentiment fusionnel comme liant de solidarité où les différences se fondent en se confondant. L’exclusion comme méthode de combat contre l’exclusion. Quelle société cela produit? Totalitarisme.

Le «chacun pour moi»
La généralisation des privilèges et des droits, sans limite commune sinon par la querelle des égos. La souveraineté revendiquée, exigée, par chaque groupe, chaque particularité, chaque individualité ne compose pas une mosaïque mais un champ d’arrangements opportunistes aux configurations variables, utilitaires. Des coalitions d’intérêts, toujours provisoires. Individualisme profiteur et revendicatif.

La communauté caribéenne en projet, l’alternative du paradigme communautaire.

Les communautés humaines sont des communautés de personnes et des communautés de communautés. Les personnes sont parties prenantes de plusieurs communautés, héritées ou choisies, petites et grandes, organisations, associations, sociétés, communes, groupes, régions, nations… Les communautés sont le seul lieu de la condition humaine où se joue le devenir de chacun et de tous.

Les principes

La communauté caribéenne est d’une culture d’archipel, une communauté de singularités dont l’autonomie dépend de celles qui la composent. Un premier enjeu de tout projet de société c’est l’autonomisation ou empowerment communautaire qui ne va pas sans celui des personnes. Identifier et différencier les communautés par leur originalité, leurs potentiels, c’est un premier travail de reconnaissance indispensable.

Cultiver les potentiels identifiés, tels sont les enjeux du projet de développement communautaire. C’est comme cela qu’une société se construit par l’édification de toutes ses parties prenantes. Encore faut-il reconnaître les richesses humaines, de compétences, de caractère, de sociabilité, de spiritualité, pour pouvoir les cultiver. Un modèle de gouvernance multi communautaire est certainement une des oeuvres majeure à accomplir ici.

Repenser l’économie comme économie communautaire, des communautés les plus petites jusqu’à la communauté caraïbe en passant par toutes les communautés qui la composent et tous les ensembles qui la structurent. S’il est centré sur la communauté le champ de l’économie n’a pas de frontières pour autant. C’est un nouveau modèle économique qui doit être inventé avec le rattachement de la valeur des biens et services aux valeurs communautaires et ces derniers au Sens du bien commun pour les évaluer.

La méthode

Les principes et les articulations posées, la méthode de l’Humanisme Méthodologique commence par l’identification des communautés parties prenantes et l’analyse des cohérences culturelles. L’identification du Sens du bien commun et des valeurs et potentiels associés en est le résultat.

La démarche se poursuit par l’ébauche d’un projet cadre, d’une ambition qui exprime le Sens du bien commun selon lequel chacun pourra se retrouver et auquel contribuer.

Ensuite vient le temps de la participation active des acteurs pour construire dans leur domaine les projets qui s’inscrivent dans le cadre précédent établi par leurs représentants.

Ce processus est celui d’une mise en mouvement et d’une participation, progressives et structurées. Il est aussi celui d’une maturation et de l’apprentissage de compétences collectives avec un nouveau type de gouvernance démocratique.

Reste à l’entreprendre, mais pour cela il faut des entrepreneurs.

Pour en savoir plus sur le paradigme communautaire :

Cet article sera publié par la revue Interf@ces de juillet 2012