RSS
 

Articles associés au tag ‘égalité’

Quel modèle de société ?

25 Déc

Quatre modèles de société

La mise en question du modèle de société dans notre pays est de plus en plus patente. Différents rapports sur l’intégration en sont des analyseurs. Deux modèles sont d’ores et déjà en conflit, l’universalisme républicain et le différentialisme.

Le modèle rationnel. L’universalisme Républicain est devenu une prétention exorbitante au point de vouloir s’imposer au monde entier. Justifié par une interprétation opportuniste des Lumières et de la Raison il fait de la rationalisation de la cité un idéal. Seulement une organisation rationnelle tutélaire y exerce le pouvoir : l’Etat. En fait c’est une oligarchie élitiste qui gouverne à partir de ses bonnes Raisons, et de son monopole de la détermination et du jugement de l’intérêt général. Cet universalisme de la raison supérieure réduit ce qui fait la singularité de chaque être humain et chaque communauté culturelle à ses normes, uniformes. C’est donc là un anti-humanisme qui fait de l’accessoire, la raison, l’essentiel et de l’essentiel de l’humanité en l’homme une tare à éliminer… C’est pour cela que l’émancipation de toute origine et racine culturelle, familiale et religieuse, leur éradication est posée publiquement comme finalité de l’école et le conditionnement normatif aux productions de la raison comme la méthode de formatage et de sélection des élites. Cet universalisme abusif crie au loup dès qu’il faut prendre en considération quelque différence non dûment rationalisée. Ce projet est toujours à l’oeuvre au nom de l’égalité, une « valeur » dénuée de rigueur conceptuelle en l’occurrence. Dans ce modèle il y a la société civile, une société inférieure, sous tutelle y compris ses prétentions démocratiques. C’est le terreau sur lequel prélever des ressources, exercer un contrôle normatif, ruser avec les passions, justifier ses fonctions propres, et jouer avec des libertés fantasmées conçues comme accès aux droits distribués par l’Etat et sous son contrôle. Les étrangers sont invités à se fondre dans cette société civile et toute communauté est suspecte ce qui fait que le lien social est sous la dépendance de l’Etat et la foule de ses structures intermédiaires et associations en mission de service public c’est-à-dire de l’Etat. On notera que l’assistanat est indispensable pour tenir en dépendance la société civile, qu’elle soit bénéficiaire ou ponctionnée, ou les deux.

Le modèle passionnel. Le différentialisme. La révolte contre le système précédent se fait au nom des différences et de la conflictualité attachée à leurs revendications ou leur défense. Les hommes sont identifiés à leurs passions et leurs rapports de force justifiés par des différences apparentes forcément inégalitaires. Chaque groupe s’identifie à la défense de ses intérêts et leur légitimité historique. Celle-ci vient de l’oppression des autres groupes, alliés quelques fois dans quelque conflit mais adversaires par réduction aux différences patentes et leurs conflits existentiels. A certains d’origines étrangères on donnera un pouvoir d’agir qui serait plutôt « pouvoir de réagir contre »… les autres. D’autres verront dans le multiculturalisme une menace pour leur identité propre pendant que d’autres le revendiquent. D’autres encore, réunis en groupes d’intérêts corporatistes chercheront à gagner contre tous les autres. Des communautés d’identité défensive alimenteront le fameux communautarisme par leur intégrisme ethnique, religieux, philosophique ou même économique. Le régime des passions est aussi celui du populisme. On notera que le peuple est appelé à se révolter contre l’oppression désignée, celle des autres qui n’en font pas partie. De ce fait les « milieux populaires », le peuple de gauche ou de droite, sont convoqués à cette résistance ou cette révolte en solidarité avec d’autres communautés discriminées avant de combattre contre leurs prétentions. Des mouvements comme le féminisme, le LGBT, les ex colonisés, les antirascistes ostracistes, les racistes exclusifs, alimentent un populisme généralisé ou chacun se juge l’opprimé de l’autre et légitime ainsi sa défense et ses attaques. Ce modèle de société qui a eu ses heures de gloire avec la lutte des classes et les conflits mondiaux du siècle dernier reste toujours agissant, celui de tous contre tous, de l’autre comme menace. C’est l’un des modèles jugé réactionnaire par le modèle universaliste étatique dit républicain.

Mais ces deux modèles ouvrent sur une autre alternative décisive, la voie de la facilité ou la voie de l’exigence humaine.

Le modèle naturel. Les lois de la nature des choses régissent les affaires humaines croit-on. Alors n’ayant de cesse de dénoncer les atteintes de l’homme à la nature par tous les actes de civilisation et de progrès matériel consommatoire, le retour au naturel est le leitmotiv d’une néo modernité. Vie naturelle, empreinte minimale, respect des besoins naturels et des comportements instinctifs, valorisation de l’enfance et des âges premiers, bons sentiments, relations spontanées, sont autant de critères de bonne conscience où la biologie fait figure de sacré. La vie est un jeu que les autres sont invités à partager. Mais la nature des choses s’exprime aussi dans les lois scientifiques, sociologiques, technologiques même. Dès lors de nouveaux modes de vie respectueux des évolutions biologiques, bio technologiques, d’une économie naturelle dans ses lois et ses productions durables intègrent aussi des relations dégagées de morales et d’exigences qui n’ont pas lieu d’être selon la nature des sentiments et des besoins ressentis. Ce modèle qui s’exprime dans des milieux de proximité ou dans des mouvements mondialisés, dans le local et le global, rejoint le rapport quasi religieux à la terre et à la planète reliées par des systèmes qui tissent les liens d’un transhumanisme, ou d’un post humanisme pour d’autres. La conscience comme évidence collective, se débarrasse des exigences et des disciplines de maîtrise de la nature et de la nature humaine et s’érige en éthique de la nature. Dès lors, au nom de la nature des choses ou des pulsions, toutes les monstruosités sont possibles. Rappelons-nous la place de l’éthique naturaliste dans le nazisme ou de l’éthique sociale égalitaire du stalinisme. Ce ne sont pas des accidents mais les conséquences d’un déni d’humanité.

Le modèle communautaire. La communauté de bienveillance veille au bien de chacun et au bien commun. Comment penser bien commun sans une communauté, une conscience collective, un Sens donné au bien commun qui soit le bien de tous parce que celui de chacun. Le bien humain est dans son devenir, ce que vivre veut dire qui n’est pas survivre. Veiller au bien ce n’est pas autre chose que veiller à ce devenir. Bienveillance nourricière, éducative, économique, politique telle est la responsabilité de chacun et le service qu’il reçoit de la communauté et des autres. Ainsi chacun est à la fois source de bienfaits pour la communauté selon ses potentiels et singularités et à la fois bénéficiaire de bienfaits de par la communauté et les autres. Mais chaque petite communauté est aussi membre de plus grandes et fait l’objet de bienveillance de même que l’on peut attendre sa bienveillance à l’égard de la communauté plus grande et ainsi jusqu’aux plus grandes, territoriales ou non. C’est ce qui permet la diversité culturelle, religieuse et l’altérité des personnes dans un rapport réciproque de bienveillance mutuelle au sein de communautés de devenir. Penser le rapport de bienveillance qui est un respect mais orienté vers un devenir commun et aussi singulier, amène à penser toutes ses formes et ses pratiques, ses degrés et ses déviances. La communauté de bien est donc la base de toute société et de toutes les affaires humaines lorsque le bien humain est le critère de valeurs et donc d’éthique c’est-à-dire un humanisme véritable. Le modèle communautaire n’est pas un angélisme puisque toujours à l’oeuvre au travers de toutes les affaires et les situations humaines. Il est cependant le seul capable de les réguler en rapport avec un Sens du bien commun associé au développement et l’accomplissement humain. Politique et démocratie, économie et activités, éducation et développement sont tous à penser et réaliser sous le régime de la bienveillance, non sans exigences de réciprocité. C’est bien sûr comme cela que doit être accueilli tout autre, nouveau né ou étranger, personne ou communauté.

 

Que se passe-t-il? Pourquoi tant de haine?

12 Fév

Claude Guéant dit « Toutes les civilisations ne se valent pas »
François Bayrou dit « 2012 un choix de civilisation »

Comment pourrait-on choisir une civilisation si elles se valent toutes?

Tout cela reste dans la confusion morale et mentale si on ne cherche pas à approfondir une question qui est si cruciale au moment où la fin de l’hégémonie occidentale nous confronte à la multiplicité des cultures dans le monde et dans chacun de nos pays? Elle se trouve évidemment au coeur de la question européenne et partout dans le monde.

Pour les uns la différence est liée à la suprématie de la civilisation occidentale et ses origines identifiée à « La Civilisation » et le réflexe de défense est de type nationaliste. Pour les autres la différence tiens à l’universalisme intellectuel, moral et opérationnel de notre civilisation et singulièrement de la France et son Modèle Républicain qui rabaisse tout ce qui n’y sacrifie pas ou le conteste.

Paradoxalement pour ces derniers la question de la diversité des civilisations est insupportable puisqu’il n’y en a qu’une de véritable, la notre.

Mais alors comment expliquer cette dénonciation violente des propos de Claude Guéant par la gauche. C’est parce qu’elle est prise dans un noeud de contradictions radical et qu’il ne faut pas en soulever le couvercle. François Hollande nous dit « La France n’est pas le problème mais la solution ». C’est bien du modèle français identifié au Modèle Républicain qu’il s’agit. En réalité il ne s’agit que d’une certaine conception de la république française dont les valeurs ne sont pas liberté, égalité, fraternité mais leur interprétation opportuniste selon les trois principes: individualisme, rationalisme, matérialisme qui en sont les véritables fondements.

La liberté c’est ici l’individualisme du libéralisme moral, de la revendication d’un libre arbitraire, d’un relativisme pour qui tout se vaut et où la diversité d’apparence va avec une indifférenciation de fond. La revendication des mêmes droits pour tous quelques soient les différences, réduites aux apparences va avec la libre affirmation des égos et des comportements dans la mesure où il n’y a pas d’altérité véritable. Le jeu des apparences et donc des masques et des semblants est là essentiel.

L’égalité c’est ici l’identification à une même norme et cette norme c’est celle, universelle, de la raison du rationalisme. Que l’on parle de normes idéales ou de normes naturelles ou structurelles c’est le magistère moral, organique et systémique d’un Etat jacobin qui est censé établir de façon juridique et scientifique les termes de l’équation égalitaire. Il y faut, bien sûr, des raisons supérieures aux autres, les raisons d’Etat sans doute. L’altérité est ici forcément une source d’altération de l’égalité.

La fraternité c’est ici la solidarité matérialiste. Le matérialisme ne connait que des liaisons et des forces d’origine matérielles. On peut donc solidariser deux morceaux de bois avec de la colle mais aussi par toute autre force de liaison endogène ou exogène. Il est vrai que les attractions répulsions des affects ressemblent à ces phénomènes de liaisons, d’inclusion et d’exclusion, de clivage ou de solidarisation. Question d’atomes crochus sans doute. Il y a toute une dialectique « sociale », binaire et manichéenne qui s’y source. L’altérité est une menace contre la cohésion et la solidarité.

Ces trois logiques différentes trouvent à se conjuguer dans un processus de déni de l’altérité, d’anti-humanisme radical au nom des droits de l’homme dument réinterprétés. On voit bien les risques du dévoilement, risque d’explosion d’une convergence apparente, risque totalitaire de tentative de colmatage des fractures, risque de violence dénégatrice de l’altérité. Libéralisme moral, étatisme, lutte des classes trois « tendances » à marier? Tel est le challenge de grands équilibristes en campagne. Le ciment pourrait être le déni d’altérité et les dénonciations associées. Mais il y a aussi cette synthèse, ce syncrétisme de l’accusation de l’homme, de l’antihumanisme radical et son déni d’humanité, cette réduction de l’homme à l’ordre des choses, à la Nature des choses. Il y a toujours une sorte de shyzophrénie qui le permet où l’humanité de l’homme postule sa propre négation.

Mais l’individualisme est-il de droite ou de gauche? L’étatisme est-il de droite ou de gauche? Le matérialisme est-il de droite ou de gauche? l’écologisme est-il de droite ou de gauche?

Et le choix de civilisation, question centrale? il suppose qu’il y ait pluralité. S’il n’y avait que dualité on se retrouverai dans un manichéisme classique. S’il n’y avait qu’étalonnage à une référence universelle supérieure on se trouverait dans une suprématie à vocation hégémonique. S’il n’y avait que multiplicité arbitraire alors tout se vaut et le choix n’est que l’exercice d’un libre arbitraire de plus, question de goût ou de dégout.

Alors quels critères de choix? Observons qu’il s’agit de civilisations humaines et que s’il y a des critères ils doivent être en rapport avec des valeurs humaines.

Alors pourquoi ne pas réinterpréter les valeurs de la république française comme des valeurs humaines, liées à l’humanité de l’homme, des valeurs humanistes donc.

La liberté, de nature proprement humaine, l’autonomie, ce n’est pas l’indépendance mais la maîtrise responsables de ses dépendances. La liberté responsable est ce vers quoi tend toute civilisation humaine. Plus de liberté cela veut dire plus de conscience, plus de maturité, plus de responsabilité dans les communautés de vie partagée. Elle se conçoit sur la base d’une transcendance de la personne qui se révèle progressivement et reconnait la contingence de son existence entièrement prise dans ses communauté d’existence et sur laquelle s’exerce sa responsabilité grâce à cette liberté là.

L’égalité c’est l’égale dignité de l’humanité que porte en lui chaque homme, quelles que soient ses conditions d’existence. L’égalité c’est la reconnaissance de l’altérité de chaque être, unique et partageant la même humanité. L’humanité porte en elle le pire et le meilleur, l’égalité aussi. Il faut donc que cette humanité soit engagée dans cette liberté responsable à cultiver pour que sa dignité s’exprime et soit reconnue en même temps que celle des autres membres de la communauté. Le fait que cette liberté responsable trouve à s’exprimer dans la communauté donne à celle-ci sa vocation de révéler et cultiver l’humanité des hommes qui la compose.

La fraternité c’est le partage d’humanité dans le Sens du bien commun au sein d’une communauté de devenir en commun. C’est aussi le partage d’humanité entre des communautés différentes selon le Sens du bien commun d’une communauté de communautés. Ainsi la fraternité est-elle constitutive du lien social dès lors qu’il est engagé dans le Sens du bien commun. Sans communauté pas de fraternité. Sans fraternité pas de communauté en voie de développement et d’accomplissement humain.

Alors la civilisation c’est le mouvement de développement et d’accomplissement d’une communauté selon la culture de son Sens du bien commun et la part d’humanité qui lui est propre.

A ce titre, là où il y a civilisation il y a aussi le pire, potentiellement au sein de chaque communauté. Chaque communauté est unique et à ce titre d’égale dignité humaine mais totalement différente dans sa culture. Chaque communauté est engagée dans une histoire où son niveau de civilisation est évolutif et peut même régresser.

Il y a là des éléments de réponse à la question « est-ce que les civilisations se valent? » et à la question « quel choix de civilisation ». Ces deux questions ont changé totalement de visage.

A la seconde la réponse est : la civilisation de l’humanité au sein de chaque communauté culturelle, selon sa vocation et à sa façon donc. La communauté mondiale est dans une mutation de civilisation, l’avènement de l’ère de l’humanité corrélative à l’ère de l’Esprit ou du Sens. Hominescence pour Michel Serres, âge de l’Esprit pour de grands visionnaires, âge du Sens et des communautés de Sens pour l’Humanisme Méthodologique, révolution humaniste pour Marie Anne Kraft.

A la première, la réponse naïve n’est plus possible. Il a fallu redéfinir ce qu’on entendait par là. Les civilisations sont toutes différentes et d’égale dignité mais les cultures ne sont pas toujours engagées dans leur meilleur Sens, dans leur processus de civilisation ou n’en sont pas au même niveau d’accomplissement de leur vocation et de leurs valeurs.

Alors il reste à relire les discours et les propositions politiques pour regarder de quoi ils parlent et qu’est ce qu’ils engagent, pour le pire ou le meilleur de la communauté française.