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Quel modèle de société ?

25 Déc

Quatre modèles de société

La mise en question du modèle de société dans notre pays est de plus en plus patente. Différents rapports sur l’intégration en sont des analyseurs. Deux modèles sont d’ores et déjà en conflit, l’universalisme républicain et le différentialisme.

Le modèle rationnel. L’universalisme Républicain est devenu une prétention exorbitante au point de vouloir s’imposer au monde entier. Justifié par une interprétation opportuniste des Lumières et de la Raison il fait de la rationalisation de la cité un idéal. Seulement une organisation rationnelle tutélaire y exerce le pouvoir : l’Etat. En fait c’est une oligarchie élitiste qui gouverne à partir de ses bonnes Raisons, et de son monopole de la détermination et du jugement de l’intérêt général. Cet universalisme de la raison supérieure réduit ce qui fait la singularité de chaque être humain et chaque communauté culturelle à ses normes, uniformes. C’est donc là un anti-humanisme qui fait de l’accessoire, la raison, l’essentiel et de l’essentiel de l’humanité en l’homme une tare à éliminer… C’est pour cela que l’émancipation de toute origine et racine culturelle, familiale et religieuse, leur éradication est posée publiquement comme finalité de l’école et le conditionnement normatif aux productions de la raison comme la méthode de formatage et de sélection des élites. Cet universalisme abusif crie au loup dès qu’il faut prendre en considération quelque différence non dûment rationalisée. Ce projet est toujours à l’oeuvre au nom de l’égalité, une « valeur » dénuée de rigueur conceptuelle en l’occurrence. Dans ce modèle il y a la société civile, une société inférieure, sous tutelle y compris ses prétentions démocratiques. C’est le terreau sur lequel prélever des ressources, exercer un contrôle normatif, ruser avec les passions, justifier ses fonctions propres, et jouer avec des libertés fantasmées conçues comme accès aux droits distribués par l’Etat et sous son contrôle. Les étrangers sont invités à se fondre dans cette société civile et toute communauté est suspecte ce qui fait que le lien social est sous la dépendance de l’Etat et la foule de ses structures intermédiaires et associations en mission de service public c’est-à-dire de l’Etat. On notera que l’assistanat est indispensable pour tenir en dépendance la société civile, qu’elle soit bénéficiaire ou ponctionnée, ou les deux.

Le modèle passionnel. Le différentialisme. La révolte contre le système précédent se fait au nom des différences et de la conflictualité attachée à leurs revendications ou leur défense. Les hommes sont identifiés à leurs passions et leurs rapports de force justifiés par des différences apparentes forcément inégalitaires. Chaque groupe s’identifie à la défense de ses intérêts et leur légitimité historique. Celle-ci vient de l’oppression des autres groupes, alliés quelques fois dans quelque conflit mais adversaires par réduction aux différences patentes et leurs conflits existentiels. A certains d’origines étrangères on donnera un pouvoir d’agir qui serait plutôt « pouvoir de réagir contre »… les autres. D’autres verront dans le multiculturalisme une menace pour leur identité propre pendant que d’autres le revendiquent. D’autres encore, réunis en groupes d’intérêts corporatistes chercheront à gagner contre tous les autres. Des communautés d’identité défensive alimenteront le fameux communautarisme par leur intégrisme ethnique, religieux, philosophique ou même économique. Le régime des passions est aussi celui du populisme. On notera que le peuple est appelé à se révolter contre l’oppression désignée, celle des autres qui n’en font pas partie. De ce fait les « milieux populaires », le peuple de gauche ou de droite, sont convoqués à cette résistance ou cette révolte en solidarité avec d’autres communautés discriminées avant de combattre contre leurs prétentions. Des mouvements comme le féminisme, le LGBT, les ex colonisés, les antirascistes ostracistes, les racistes exclusifs, alimentent un populisme généralisé ou chacun se juge l’opprimé de l’autre et légitime ainsi sa défense et ses attaques. Ce modèle de société qui a eu ses heures de gloire avec la lutte des classes et les conflits mondiaux du siècle dernier reste toujours agissant, celui de tous contre tous, de l’autre comme menace. C’est l’un des modèles jugé réactionnaire par le modèle universaliste étatique dit républicain.

Mais ces deux modèles ouvrent sur une autre alternative décisive, la voie de la facilité ou la voie de l’exigence humaine.

Le modèle naturel. Les lois de la nature des choses régissent les affaires humaines croit-on. Alors n’ayant de cesse de dénoncer les atteintes de l’homme à la nature par tous les actes de civilisation et de progrès matériel consommatoire, le retour au naturel est le leitmotiv d’une néo modernité. Vie naturelle, empreinte minimale, respect des besoins naturels et des comportements instinctifs, valorisation de l’enfance et des âges premiers, bons sentiments, relations spontanées, sont autant de critères de bonne conscience où la biologie fait figure de sacré. La vie est un jeu que les autres sont invités à partager. Mais la nature des choses s’exprime aussi dans les lois scientifiques, sociologiques, technologiques même. Dès lors de nouveaux modes de vie respectueux des évolutions biologiques, bio technologiques, d’une économie naturelle dans ses lois et ses productions durables intègrent aussi des relations dégagées de morales et d’exigences qui n’ont pas lieu d’être selon la nature des sentiments et des besoins ressentis. Ce modèle qui s’exprime dans des milieux de proximité ou dans des mouvements mondialisés, dans le local et le global, rejoint le rapport quasi religieux à la terre et à la planète reliées par des systèmes qui tissent les liens d’un transhumanisme, ou d’un post humanisme pour d’autres. La conscience comme évidence collective, se débarrasse des exigences et des disciplines de maîtrise de la nature et de la nature humaine et s’érige en éthique de la nature. Dès lors, au nom de la nature des choses ou des pulsions, toutes les monstruosités sont possibles. Rappelons-nous la place de l’éthique naturaliste dans le nazisme ou de l’éthique sociale égalitaire du stalinisme. Ce ne sont pas des accidents mais les conséquences d’un déni d’humanité.

Le modèle communautaire. La communauté de bienveillance veille au bien de chacun et au bien commun. Comment penser bien commun sans une communauté, une conscience collective, un Sens donné au bien commun qui soit le bien de tous parce que celui de chacun. Le bien humain est dans son devenir, ce que vivre veut dire qui n’est pas survivre. Veiller au bien ce n’est pas autre chose que veiller à ce devenir. Bienveillance nourricière, éducative, économique, politique telle est la responsabilité de chacun et le service qu’il reçoit de la communauté et des autres. Ainsi chacun est à la fois source de bienfaits pour la communauté selon ses potentiels et singularités et à la fois bénéficiaire de bienfaits de par la communauté et les autres. Mais chaque petite communauté est aussi membre de plus grandes et fait l’objet de bienveillance de même que l’on peut attendre sa bienveillance à l’égard de la communauté plus grande et ainsi jusqu’aux plus grandes, territoriales ou non. C’est ce qui permet la diversité culturelle, religieuse et l’altérité des personnes dans un rapport réciproque de bienveillance mutuelle au sein de communautés de devenir. Penser le rapport de bienveillance qui est un respect mais orienté vers un devenir commun et aussi singulier, amène à penser toutes ses formes et ses pratiques, ses degrés et ses déviances. La communauté de bien est donc la base de toute société et de toutes les affaires humaines lorsque le bien humain est le critère de valeurs et donc d’éthique c’est-à-dire un humanisme véritable. Le modèle communautaire n’est pas un angélisme puisque toujours à l’oeuvre au travers de toutes les affaires et les situations humaines. Il est cependant le seul capable de les réguler en rapport avec un Sens du bien commun associé au développement et l’accomplissement humain. Politique et démocratie, économie et activités, éducation et développement sont tous à penser et réaliser sous le régime de la bienveillance, non sans exigences de réciprocité. C’est bien sûr comme cela que doit être accueilli tout autre, nouveau né ou étranger, personne ou communauté.

 

Un projet de société l’exemple caraïbéen

23 Juin

Un projet de société pour la Caraïbe, le modèle Caraïbéen.

Caraïbe ou Caraïbes ? Tel est le signe emblématique de la question. UN projet, UNE société là où le pluriel se conjugue au singulier; là où une singularité commune donne sa cohérence à la multiplicité; là où la communauté rassemble toutes les singularités.
Pourquoi un projet de société ? Pour construire un devenir commun, celui de chacun dans le mouvement de tous. Un projet réclame un sujet, une identité commune, une volonté partagée, une compétence collective pour construire, orienter et poursuivre une histoire commune. Une société c’est l’organisation de la vie en commun mais pour les hommes vivre c’est devenir.

La multiplicité des terres, des origines, des cultures, des religions, des monnaies, des histoires, des langues, des modes de vie, tel est le quotidien de la Caraïbe. Ce n’est pas sans rapport avec la créolisation qu’un Edouard Glissant situait comme une singularité d’intérêt universel dans le monde qui vient. «La pensée unique frappe partout où elle soupçonne la diversité» disait-il. Mais il n’y a pas qu’une seule pensée unique, en voici des caricatures explicites qui aussi se conjuguent.

La «normalitude»
Sans doute celle qu’Edouard Glissant stigmatisait. L’universel patenté par l’exception culturelle et justifié par une (la) raison supérieure. La norme s’impose comme règle, structure, forme, dogme, avec sa vertu de conformité. Le vice c’est l’a-normalité, c’est-à-dire la différence. Le Même doit s’imposer à tout Autre. Tous les domaines de la vie commune sont structurés selon le dogme de la rationalité universelle : juridique, administrative, scientifique, éducative et son identification à la vertu. Le conformisme l’emporte sur toute créativité. Égalitarisme normatif ou étatisme ne sont pas loin.

La «bloc attitude»
Il s’agit de faire corps contre l’adversité. Tous soudés par une passion, une pulsion ou des mécanismes compulsifs de rejet, de refus, de dénonciation. L’action collective c’est «tous ensemble contre», la lutte comme principe moteur, le sentiment fusionnel comme liant de solidarité où les différences se fondent en se confondant. L’exclusion comme méthode de combat contre l’exclusion. Quelle société cela produit? Totalitarisme.

Le «chacun pour moi»
La généralisation des privilèges et des droits, sans limite commune sinon par la querelle des égos. La souveraineté revendiquée, exigée, par chaque groupe, chaque particularité, chaque individualité ne compose pas une mosaïque mais un champ d’arrangements opportunistes aux configurations variables, utilitaires. Des coalitions d’intérêts, toujours provisoires. Individualisme profiteur et revendicatif.

La communauté caribéenne en projet, l’alternative du paradigme communautaire.

Les communautés humaines sont des communautés de personnes et des communautés de communautés. Les personnes sont parties prenantes de plusieurs communautés, héritées ou choisies, petites et grandes, organisations, associations, sociétés, communes, groupes, régions, nations… Les communautés sont le seul lieu de la condition humaine où se joue le devenir de chacun et de tous.

Les principes

La communauté caribéenne est d’une culture d’archipel, une communauté de singularités dont l’autonomie dépend de celles qui la composent. Un premier enjeu de tout projet de société c’est l’autonomisation ou empowerment communautaire qui ne va pas sans celui des personnes. Identifier et différencier les communautés par leur originalité, leurs potentiels, c’est un premier travail de reconnaissance indispensable.

Cultiver les potentiels identifiés, tels sont les enjeux du projet de développement communautaire. C’est comme cela qu’une société se construit par l’édification de toutes ses parties prenantes. Encore faut-il reconnaître les richesses humaines, de compétences, de caractère, de sociabilité, de spiritualité, pour pouvoir les cultiver. Un modèle de gouvernance multi communautaire est certainement une des oeuvres majeure à accomplir ici.

Repenser l’économie comme économie communautaire, des communautés les plus petites jusqu’à la communauté caraïbe en passant par toutes les communautés qui la composent et tous les ensembles qui la structurent. S’il est centré sur la communauté le champ de l’économie n’a pas de frontières pour autant. C’est un nouveau modèle économique qui doit être inventé avec le rattachement de la valeur des biens et services aux valeurs communautaires et ces derniers au Sens du bien commun pour les évaluer.

La méthode

Les principes et les articulations posées, la méthode de l’Humanisme Méthodologique commence par l’identification des communautés parties prenantes et l’analyse des cohérences culturelles. L’identification du Sens du bien commun et des valeurs et potentiels associés en est le résultat.

La démarche se poursuit par l’ébauche d’un projet cadre, d’une ambition qui exprime le Sens du bien commun selon lequel chacun pourra se retrouver et auquel contribuer.

Ensuite vient le temps de la participation active des acteurs pour construire dans leur domaine les projets qui s’inscrivent dans le cadre précédent établi par leurs représentants.

Ce processus est celui d’une mise en mouvement et d’une participation, progressives et structurées. Il est aussi celui d’une maturation et de l’apprentissage de compétences collectives avec un nouveau type de gouvernance démocratique.

Reste à l’entreprendre, mais pour cela il faut des entrepreneurs.

Pour en savoir plus sur le paradigme communautaire :

Cet article sera publié par la revue Interf@ces de juillet 2012

 

Assistance ou assistanat

18 Fév

Méditations d’humanisme méthodologique

L’assistance consiste à apporter une aide à une personne ou une communauté de personnes. La moindre des choses est «d’assister» à la situation personnelle, ses conditions de vie mais aussi la capacité à assurer son existence. Dans une même situation l’un a besoin d’assistance l’autre non. Le premier acte de l’assistance c’est la «considération» de la personne en situation.

Ensuite on peut se demander pourquoi un besoin d’assistance. Le besoin suppose un manque, une défaillance par rapport à la poursuite d’une existence proprement humaine.
Cette défaillance de la personne à assister est bien dans le rapport entre ses capacités actuelles et les conditions de son existence, eu égard à cet enjeu d’une vie proprement humaine.

On pourra distinguer d’abord la misère qui est une absence de maîtrise des conditions de son existence. Elle réclame une prise en charge. Mais cette prise en charge doit viser une restauration de cette maîtrise ou du moins de ce qui en est possible. L’enjeu d’une vie proprement humaine n’est pas de survivre mais d’accomplir son humanité selon sa vocation propre. C’est pour cela que cette assistance doit être aussi pour une part éducative, ré-éducative. Cela dépend donc du rapport de la personne à ses conditions d’existence et pas seulement de ces conditions là ou de la personne seule. Il s’agit bien à la fois de la personne, de ses conditions d’existence et de la restauration de ses capacités de maîtrise humaine.

Est à considérer ensuite la pauvreté qui est une faiblesse dans les conditions d’existence et de développement humain. Les communautés humaines assistent leurs membres pour se développer et devenir capables d’assumer leur subsistance selon leurs capacités propres dans la participation à une existence communautaire. Il s’agit là d’un accompagnement qui dépend de la situation des personnes et des conditions d’existence communautaire. L’accompagnement est forcément personnel, interpersonnel, puisqu’il suppose la considération des personnes et de leur situation. Il est forcément communautaire puisque ces conditions relèvent de la condition humaine qui est toujours communautaire. Dans une communauté donnée cette assistance est différenciée, personnalisé et si elle ne l’était pas elle serait dépersonnalisée, dépersonnalisante.

Il arrive évidemment que la communauté, communauté de proximité, famille, par exemple soit en situation de pauvreté et doive être assistée elle-même pour pouvoir assister ses membres. Cette assistance d’accompagnement doit aussi être différenciée, à la fois selon sa culture propre et selon les conditions de son existence qui relèvent d‘une communauté plus vaste. C’est au sein de communautés de communautés que l’assistance communautaire doit être exercée.

Il arrive que des communautés de communautés de grande taille soient elles-mêmes en situation de pauvreté. C’est le cas de régions ou de pays par exemple. L’assistance-accompagnement pour ces pays doit se faire au sein de communautés de pays pour qu’ils en viennent à participer à leur développement commun selon leur culture propre, les conditions et les enjeux communs.

L’assistance aux personnes implique que leurs communautés soient en mesure de leur apporter l’aide nécessaire. Pour cela elle doivent être aussi assistées en tant que de besoin par les communautés auxquelles elles participent et ce à toutes les échelles utiles. La considération des personnes et la considération de leurs communautés vont de pair.

Vient ensuite la question de l’enrichissement humain, simultanément développement personnel et développement communautaire. C’est l’enjeu d’une grande part des activités humaines. Peut-on parler d’assistance à ce niveau? Oui. Il s’agit alors du service de la communauté aux personnes et du service des personnes à la communauté. L’économie communautaire est d’ailleurs une économie de service de production et d’échanges de biens et services dans le Sens du bien commun. L’assistance est ici un service, service de participation au bien commun service d’enrichissement mutuel, personnel et communautaire. Là aussi toutes les échelles communautaires sont à considérer. (cf économie communautaire et développement approprié )

Enfin vient l’assistance à l’autonomie des personnes et des communautés. Le rapprochement des termes est paradoxal puisque l’autonomie vise à assumer par soi-même les conditions et contingences de son existence. L’assistance est alors seulement une présence, la présence d’une autonomie à celles qui se cherchent, une simple considération éclairée et éclairante. C’est la vocation de l’autonomie des hommes et des communautés que d’assister de leur présence-repère la recherche de celle des autres. C’est là que se justifient les rôles d’autorité.

L’assistanat

C’est une caricature de l’assistance qui trahit à peu près tous les principes précédents au profit de justifications par quelque bout, antihumanistes. Qu’il se justifie par une déclaration de solidarité et même un pseudo humanisme ne fait que manifester une hypocrisie, une certaine duplicité.

Michel Serres raconte qu’un jour, arrivant en retard à une réunion d’expert, il fut frappé par cette évidence : les participants n’étaient pas là pour résoudre le problème mais pour s’en nourrir. Il venait de publier un livre intitulé « Le Parasite ».

L’assistanat est un système d’assistance individuelle qui méconnait la singularité des personnes. L’argument d‘égalité en est une justification opportuniste alors que rien n’est égal chez les hommes et leurs situations sinon l’égale dignité de leur humanité. L’argument d’égalité vient gommer l’humanité des hommes les réduisant à quelque aspect de leur existence : matérielle, sentimentale, idéelle. L’assistance ignore alors l’humanité des personnes et, par suite, celle de leurs communautés d’existence. Du coup l’assistanat, par sa méthode et sa fonction réductrice, appauvrit l’humanité des personnes, les tiens dans une logique de régression, les considère et les maintient comme mineurs, se tient dans une posture tutélaire.

L’assistanat se nourrit d’immaturité et l’entretien. On s’étonne alors que plus on y investit plus les besoins augmentent alors que le critère d’une assistance authentique serait l’inverse. Le déficit des moyens est donc intrinsèque à l’assistanat et non pas accidentel. Il y a duperie sur les valeurs et, bien sûr, refus ou détournement de toute évaluation.

Le modèle français de l’Etat providence est devenu un modèle d’assistanat.
– Assistanat de l’Etat à des individus anonymes
– Substitution de l’Etat jacobin à la communauté nationale avec le déni des communautés ramenées à leur seule dimension d’archaïsme.
– Réduction individualiste de la personne, atomisée pour sa dimension matérialiste, simple entité juridique ou organique pour sa version rationaliste, objet biologique pour sa dimension naturaliste.
– Hégémonie du «service public», anonyme, sur les affaires communes et substitution de la suprématie de l’intérêt général sur le Sens bien commun.
– Déni des cultures et des différences au profit de la seule diversités des apparences
– Captation d’une part de plus en plus grande de la richesse nationale (la plus importante du monde)
– Organisation de systèmes et de structures de défenses des intérêts de l’Etat au détriment des intérêts de la nation. Le service de l’Etat se substituant au service de la communauté nationale.
– Critique des initiatives communautaires d’assitance, dénoncées comme communautaristes.
– Coalition d’intérêts particuliers établis comme intérêt général.
– Sacralisation de cet intérêt général particulier et criminalisation implicite des intérêts particuliers.

Et maintenant.

La mutation de civilisation du monde actuel se traduit par une reconnaissance des communautés culturelles, ici et ailleurs. Cette reconnaissance va avec la reconnaissance des liens interpersonnels et intercommunautaires dans un monde de nature humaine. Un nouvel humanisme, plus méthodologique qu’idéologique est en train de naître. Le modèle français est mis en péril de toutes parts et se conduit comme une forteresse assiégée. La dénonciation des intérêts particuliers alors qu’ils sont induits en partie par la philosophie impersonnelle de l’Etat jacobin est la conséquence d’une absence de considération de l’humanité de l’homme. Elle est remplacée par des normes, des procédures, des formalismes juridiques ou même statistiques, comme si l’assistance relevait du droit et non de la fraternité humaine. L’assistanat est une forme parasitaire de l’assistance.

Si vous entendez parler d’assistanat dans un concert de hurlements vous saurez à quoi vous en tenir.

 

Que se passe-t-il? Pourquoi tant de haine?

12 Fév

Claude Guéant dit « Toutes les civilisations ne se valent pas »
François Bayrou dit « 2012 un choix de civilisation »

Comment pourrait-on choisir une civilisation si elles se valent toutes?

Tout cela reste dans la confusion morale et mentale si on ne cherche pas à approfondir une question qui est si cruciale au moment où la fin de l’hégémonie occidentale nous confronte à la multiplicité des cultures dans le monde et dans chacun de nos pays? Elle se trouve évidemment au coeur de la question européenne et partout dans le monde.

Pour les uns la différence est liée à la suprématie de la civilisation occidentale et ses origines identifiée à « La Civilisation » et le réflexe de défense est de type nationaliste. Pour les autres la différence tiens à l’universalisme intellectuel, moral et opérationnel de notre civilisation et singulièrement de la France et son Modèle Républicain qui rabaisse tout ce qui n’y sacrifie pas ou le conteste.

Paradoxalement pour ces derniers la question de la diversité des civilisations est insupportable puisqu’il n’y en a qu’une de véritable, la notre.

Mais alors comment expliquer cette dénonciation violente des propos de Claude Guéant par la gauche. C’est parce qu’elle est prise dans un noeud de contradictions radical et qu’il ne faut pas en soulever le couvercle. François Hollande nous dit « La France n’est pas le problème mais la solution ». C’est bien du modèle français identifié au Modèle Républicain qu’il s’agit. En réalité il ne s’agit que d’une certaine conception de la république française dont les valeurs ne sont pas liberté, égalité, fraternité mais leur interprétation opportuniste selon les trois principes: individualisme, rationalisme, matérialisme qui en sont les véritables fondements.

La liberté c’est ici l’individualisme du libéralisme moral, de la revendication d’un libre arbitraire, d’un relativisme pour qui tout se vaut et où la diversité d’apparence va avec une indifférenciation de fond. La revendication des mêmes droits pour tous quelques soient les différences, réduites aux apparences va avec la libre affirmation des égos et des comportements dans la mesure où il n’y a pas d’altérité véritable. Le jeu des apparences et donc des masques et des semblants est là essentiel.

L’égalité c’est ici l’identification à une même norme et cette norme c’est celle, universelle, de la raison du rationalisme. Que l’on parle de normes idéales ou de normes naturelles ou structurelles c’est le magistère moral, organique et systémique d’un Etat jacobin qui est censé établir de façon juridique et scientifique les termes de l’équation égalitaire. Il y faut, bien sûr, des raisons supérieures aux autres, les raisons d’Etat sans doute. L’altérité est ici forcément une source d’altération de l’égalité.

La fraternité c’est ici la solidarité matérialiste. Le matérialisme ne connait que des liaisons et des forces d’origine matérielles. On peut donc solidariser deux morceaux de bois avec de la colle mais aussi par toute autre force de liaison endogène ou exogène. Il est vrai que les attractions répulsions des affects ressemblent à ces phénomènes de liaisons, d’inclusion et d’exclusion, de clivage ou de solidarisation. Question d’atomes crochus sans doute. Il y a toute une dialectique « sociale », binaire et manichéenne qui s’y source. L’altérité est une menace contre la cohésion et la solidarité.

Ces trois logiques différentes trouvent à se conjuguer dans un processus de déni de l’altérité, d’anti-humanisme radical au nom des droits de l’homme dument réinterprétés. On voit bien les risques du dévoilement, risque d’explosion d’une convergence apparente, risque totalitaire de tentative de colmatage des fractures, risque de violence dénégatrice de l’altérité. Libéralisme moral, étatisme, lutte des classes trois « tendances » à marier? Tel est le challenge de grands équilibristes en campagne. Le ciment pourrait être le déni d’altérité et les dénonciations associées. Mais il y a aussi cette synthèse, ce syncrétisme de l’accusation de l’homme, de l’antihumanisme radical et son déni d’humanité, cette réduction de l’homme à l’ordre des choses, à la Nature des choses. Il y a toujours une sorte de shyzophrénie qui le permet où l’humanité de l’homme postule sa propre négation.

Mais l’individualisme est-il de droite ou de gauche? L’étatisme est-il de droite ou de gauche? Le matérialisme est-il de droite ou de gauche? l’écologisme est-il de droite ou de gauche?

Et le choix de civilisation, question centrale? il suppose qu’il y ait pluralité. S’il n’y avait que dualité on se retrouverai dans un manichéisme classique. S’il n’y avait qu’étalonnage à une référence universelle supérieure on se trouverait dans une suprématie à vocation hégémonique. S’il n’y avait que multiplicité arbitraire alors tout se vaut et le choix n’est que l’exercice d’un libre arbitraire de plus, question de goût ou de dégout.

Alors quels critères de choix? Observons qu’il s’agit de civilisations humaines et que s’il y a des critères ils doivent être en rapport avec des valeurs humaines.

Alors pourquoi ne pas réinterpréter les valeurs de la république française comme des valeurs humaines, liées à l’humanité de l’homme, des valeurs humanistes donc.

La liberté, de nature proprement humaine, l’autonomie, ce n’est pas l’indépendance mais la maîtrise responsables de ses dépendances. La liberté responsable est ce vers quoi tend toute civilisation humaine. Plus de liberté cela veut dire plus de conscience, plus de maturité, plus de responsabilité dans les communautés de vie partagée. Elle se conçoit sur la base d’une transcendance de la personne qui se révèle progressivement et reconnait la contingence de son existence entièrement prise dans ses communauté d’existence et sur laquelle s’exerce sa responsabilité grâce à cette liberté là.

L’égalité c’est l’égale dignité de l’humanité que porte en lui chaque homme, quelles que soient ses conditions d’existence. L’égalité c’est la reconnaissance de l’altérité de chaque être, unique et partageant la même humanité. L’humanité porte en elle le pire et le meilleur, l’égalité aussi. Il faut donc que cette humanité soit engagée dans cette liberté responsable à cultiver pour que sa dignité s’exprime et soit reconnue en même temps que celle des autres membres de la communauté. Le fait que cette liberté responsable trouve à s’exprimer dans la communauté donne à celle-ci sa vocation de révéler et cultiver l’humanité des hommes qui la compose.

La fraternité c’est le partage d’humanité dans le Sens du bien commun au sein d’une communauté de devenir en commun. C’est aussi le partage d’humanité entre des communautés différentes selon le Sens du bien commun d’une communauté de communautés. Ainsi la fraternité est-elle constitutive du lien social dès lors qu’il est engagé dans le Sens du bien commun. Sans communauté pas de fraternité. Sans fraternité pas de communauté en voie de développement et d’accomplissement humain.

Alors la civilisation c’est le mouvement de développement et d’accomplissement d’une communauté selon la culture de son Sens du bien commun et la part d’humanité qui lui est propre.

A ce titre, là où il y a civilisation il y a aussi le pire, potentiellement au sein de chaque communauté. Chaque communauté est unique et à ce titre d’égale dignité humaine mais totalement différente dans sa culture. Chaque communauté est engagée dans une histoire où son niveau de civilisation est évolutif et peut même régresser.

Il y a là des éléments de réponse à la question « est-ce que les civilisations se valent? » et à la question « quel choix de civilisation ». Ces deux questions ont changé totalement de visage.

A la seconde la réponse est : la civilisation de l’humanité au sein de chaque communauté culturelle, selon sa vocation et à sa façon donc. La communauté mondiale est dans une mutation de civilisation, l’avènement de l’ère de l’humanité corrélative à l’ère de l’Esprit ou du Sens. Hominescence pour Michel Serres, âge de l’Esprit pour de grands visionnaires, âge du Sens et des communautés de Sens pour l’Humanisme Méthodologique, révolution humaniste pour Marie Anne Kraft.

A la première, la réponse naïve n’est plus possible. Il a fallu redéfinir ce qu’on entendait par là. Les civilisations sont toutes différentes et d’égale dignité mais les cultures ne sont pas toujours engagées dans leur meilleur Sens, dans leur processus de civilisation ou n’en sont pas au même niveau d’accomplissement de leur vocation et de leurs valeurs.

Alors il reste à relire les discours et les propositions politiques pour regarder de quoi ils parlent et qu’est ce qu’ils engagent, pour le pire ou le meilleur de la communauté française.

 

Identité nationale : le concept

11 Jan

Il y a l’identité d’une communauté et la nation comme cas particulier, différente des régions ou des communautés internationales comme l’Europe. On se place à priori dans le cadre des communautés territoriales mais il y a d’autres cas tels que le territoire n’est pas le déterminant et même fait problème. Citons les Kurdes par exemple.

Les communautés humaines sont des communautés de personnes et pas des collections d’objets ou d’entités juridiques ou administratives. L’Etat n’est pas la Nation, une collection d’individus réunis par des liaisons formelles ou matérielles n’est pas une communauté humaine (La solidarité des choses n’est pas la fraternité des hommes, et qui d’autre?). Les communautés humaines posent la question du rapport entre des personnes humaines et leurs communautés. Unité de la personne et diversité de ses implications communautaires, unité de la communauté et multiplicité de ses membres. Une nouvelle théorie des communautés humaines pose qu’elles sont des phénomènes de nature humaine. Selon la conception de l’homme on conçoit la communauté et selon la conception de la communauté c’est de la vision de l’homme qu’il s’agit implicitement. C’est bien l’enjeu fondamental de la crise identitaire française et du débat sur l’identité nationale (être français).

La problématique identitaire d’une communauté, nationale par exemple, pose le problème fondamental de l’unité et de la multiplicité. On verra que son oubli transforme le débat en bavardage ou en détournement du sujet.

Passons en revue une série de problèmes à résoudre.

L’unité et la multiplicité des positions culturelles d’une même communauté. Comme les personnes, elles ont des tendances contradictoires et pourtant en quête d’une meilleure position, qu’on appellera le Sens du bien commun. A contrario on identifiera une communauté à l’une de ses positions telle qu’elle est à un moment donné ou telle qu’on veut la voir, monolithique.

La singularité et la variété des expressions. Une autre multiplicité est celle des conditions historiques ou bien circonstancielles qui se traduisent par des comportements, des discours, des choix d’identification différents. Savoir conjuguer la singularité, l’originalité avec le changement des circonstances et donc une pluralité identitaire, est un acte de maturité. Réduire l’identité à une forme figée est une aliénation. Un exemple l’universalité  figée sans l’originalité avec d’ailleurs un trafic sur les origines (table rase) et indépendante des circonstances.

La cohérence et la variété des référents identitaires. Si l’unité est renforcée par le choix d’un Sens, celui du bien commun, alors comment cela se traduit-il pour identifier la communauté ou s’y identifier? Il y a trois dimensions complémentaires et indispensables. La dimension rétrospective de partage de références du passé et leurs mises en valeurs avec une interprétation des origines. D’où venons nous? La dimension introspective avec les qualités de caractère que l’on se reconnait ou qu’on nous reconnait. Qui sommes nous? la dimension prospective avec les projections dans l’avenir et selon les différents horizons internes et externes. Qui voulons nous devenir? L’articulation des trois est indispensable. L’oubli d’une seul et c’est l’identité qui devient un problème. Racines sans avenir, utopies narcissiques sans racines, auto-centration close, absence d’humanité collective. Bien des moyens de figer ou de stériliser une communauté par une identité défaillante. A lire identité prospective

Permanence et variabilité. l’identité est un moyen d’assurer la conscience d’un soi durable ou celle des autres. La permanence  réclame des fondements atemporels une transcendance que la théorie du Sens de l’Humanisme méthodologique va éclairer. Permanence communautaire (des siècles ou des millénaires parfois), diversité des positions selon les époques mais variation des conditions et circonstances qui donnent à l’identité des visages changeants. Figer ceux-ci c’est tuer la vie ou l’humanité singulière de la communauté. Enfermer l’identité dans une définition définitive y contribue.

Rassemblement et diversité. Une communauté rassemble des personnes humaines. Ce ne sont pas des clones mais des personnes appelées à plus d’autonomie  selon leurs trajectoires propres. La communauté engagée dans le Sens du bien commun les rassemble dans un mouvement de développement, de civilisation, qui n’est autres que l’exercice et la recherche de cette autonomie, « d’empowerment ». On peut d’ailleurs faire un parallèle entre l’évolution des personnes et de la communauté et leur empowerment réciproque. A quoi sert l’éducation  nationale par exemple lorsqu’elle a une vocation éducative (et pas normative ou conformative). L’identité de la communauté renvoie à l’identité de ses membres tous caractérisés par leur originalité, leur singularité, fusse-t-elle d’origines, de cultures, de religions, de genres, de caractéristiques physiques, comportementales, mentales ou affectives. C’est d’une diversité « d’altérités » que se construit une communauté majeure, progressivement, et pas une collection de « mêmes », uniformes. La ressemblance que procure l’implication dans une même communauté de devenir n’exclue pas, bien au contraire, la singularité, unique, de chacun. Mais pour cela il faut avoir une conception de l’homme qui manque cruellement aux matérialistes et aux rationalistes.

Enfin l’identité communautaire va avec la multiplicité des communautés. L’identité de l’une suppose l’existence des autres, non pas comme des « individualités » isolées, des électrons libres mais comme des altérités communautaires, formant à leur tour d’autres communautés. Qui ne voit, à part les aveugles volontaires, qu’une communauté nationale est faite de communautés multiples. Cela ne porte pas atteinte à son unité mais la constitue. De même, cette communauté nationale ne peut pas, sauf défaillance régressive, ne pas se reconnaitre dans une ou des communautés plus larges. A quoi sert l’Europe, la communauté européenne? Seulement, une communauté nationale abrite aussi des communautés qui traversent ses frontières, identitaires mêmes. Par exemple la communauté des chercheurs se retrouve bien à sa manière en France et ailleurs aussi. Internet fait exploser ce potentiel de constitution de communautés dont certaines durables, ce qui n’empêche pas les autres communautés de perdurer. On voit bien que le réductionnisme étatique, nationaliste, sur les plans juridiques, économiques, culturels ou autres sont remis en question. De même une communauté nationale est impliquée dans de multiples communautés multi ou transnationales dont on voit la nécessité, la complexité et la richesse à l’heure de la mondialisation.

Comment la Chine et les pays émergents font-ils pour se développer aussi vite sinon en s’inscrivant dans ces communautés transnationales. Pendant ce temps d’autres construisent des murs et veulent figer dans le marbre, ou le fronton des édifices publics, l’identité de leur pays.

Mais alors cet enchevêtrement de communautés de personnes et aussi, souvent, de communautés de communautés, amène à considérer que les personnes constituent ou participent à plusieurs communautés, de façon stable ou volatile, pour une raison ou une autre, une part de vie et une autre. l’identification fixée définitivement d’une personne et d’une communauté est une conception archaïque. L’évolution des personnes et des communautés vers plus d’autonomie amène à considérer que la participation à une communauté est affaire de vocation de celle-ci et d’accomplissement des celles-là.

Avec la mutation de civilisation qui ébranle les certitudes et les fixations pathologiques, les personnes s’engagent ou se trouvent engagées dans plusieurs communautés. Elle y réalisent leur existence et leurs enjeux en rapport avec le Sens du bien commun propre à chacune.

Alors le concept d’identité nationale? La complexité, maintenant abordée pour se débarasser des simplismes et des détournements du sujet communautaire, permet de reprendre la question sous trois angles.

Les communautés humaines comme les nations sont faites d’humanité et rien d’autre et leurs enjeux identitaires sont des enjeux individuels et collectifs qui débordent la seule communauté nationale.

Les nations sont des communautés particulières où se jouent sans doute des questions de vie ou de mort et ce qui se passe entre les deux, chacune à sa manière.

L’identité nationale est une question qui renvoie le pays à sa singularité, sa vocation, ses origines, son histoire, son ambition, ses qualités et ses valeurs (communautaires), son rôle dans un monde en mutation. C’est l’occasion d’un recentrage, d’un repositionement et pourquoi pas d’un redéploiement d’une renaissance pour de nouvelles ambitions à partager.

Qu’on est loin des critiques qui ont pour effet sinon pour but d’évacuer tout cela. Mais qui ne veut pas grandir dans ce pays? Ceux qui sont trop grands déjà et qui se croient détenteurs de l’universel?

Toute cette complexité va devoir s’approfondir pour certains avec une série d’articles destinés à poser plus rigoureusement les problématiques et apporter les réponses de l’humanisme méthodologique que l’on confrontera à d’autres le cas échéant. Elle va devoir se traduire dans la singularité d’un cas, l’identité française. Pour cela un prochain article s’appuiera sur une « étude de cohérence culturelle » réalisée dès 1981 et publiée il y a peu.