Une analyse de cohérences culturelles comme celle de la France déploie une problématique humaine singulière en plusieurs Sens que la carte de cohérences dessine. Chaque Sens correspond à une vision du monde et un mode d’existence qui permet de lire une logique historique, un caractère, un axe de projection dans l’avenir et toutes leurs conséquences dans les affaires communautaires. C’est donc à cette carte de cohérences schématique que l’on peut avoir recours pour redécouvrir les façons de comprendre une question telle que celles-là.
Autorité et démocratie sont dans cette culture référés à l’ordre des choses.
Le Sens de la bonne foi donne à l’autorité un Sens d’authenticité (même étymologie), de fiabilité, de repère, gage de fidélité à la vérité aussi, l’autorité fait foi, c’est sa responsabilité. A l’inverse l’autorité est plutôt un titre, un artifice, une référence de convention, une formule pour imposer un ordre de substitution, un faux semblant de vérité. Par exemple l’autorité de l’Etat qui, quelques fois, substitue à la réalité vécue une norme administrative qui ne tiens pas compte du réel des choses et des gens. C’est le cas de tous ceux qui imposent un référentiel artificiel. Ce référentiel peut être administratif ou idéologique et même scientifique ou philosophique. Il y a beaucoup de corporations ou d’instances dont l’autorité est de cette nature et dont l’ordre devrait s’imposer à tous comme « l’autorité de la France » quelques fois. A contrario, même si elle constitue un repère c’est celui de la vérité, toujours en quête. Dans les quêtes du pouvoir l’autorité impose ses vérités opportunistes. On appelle ça cynisme aussi.
La démocratie, sur cet axe horizontal à gauche (de la carte), est l’expression d’une réalité collective, la manifestation d’un ordre commun, un témoignage du réel à partager. A l’inverse la démocratie est un prétexte, une mise en scène, pour établir un référentiel d’autorité artificiel. Il ne s’agit pas d’expression collective mais d’adoption collective d’un ordre préétabli. Les normes précèdent leur adoption et semblent ensuite émaner de la démocratie. Le système français est ici bien rodé et certaines conceptions de la république y trouvent leur source, pseudo démocratique donc.
Sur l’axe vertical en haut, l’autorité est porteuse de détermination, détentrice d’une volonté bonne et déterminée. Il s’agit donc d’un volontarisme qui entraine les bonnes volontés, un leadership si on le comprend comme cela. Celui qui porte cette détermination est dirigeant par l’exercice non d’un pouvoir mais d’un charisme et d’une capacité de tracer la voie. La démocratie est évidemment là participation à l’édification des enjeux communs, concernement de la communauté par ses affaires selon l’ordre déterminé.
A l’inverse l’autorité est source de ressentiment. Elle est identifiée au fait du prince et donc toujours à combattre pour y substituer celle du même type de ceux qui l’auraient vaincue. Le pathos révolutionnaire se nourrit là. On voit bien le rôle de la démocratie qui consisterai à substituer le bon vouloir du peuple à celui du prince. Le bon vouloir qui n’est pas la bonne volonté inverse est incarné par les représentants du peuple qui par définition démontrent que leur bon vouloir doit se substituer à l’autorité présente. Le pathos révolutionnaire est en marche et sans fin puisque la nouvelle autorité doit bien vite être déboulonnée ou décapitée plus symboliquement. La généralisation du libre bon vouloir généralise l’imposture et l’usurpation d’autorité et alimente la machine mortifère.
Il est intéressant de voir quels régimes d’autorité et de démocratie cela dessine dans les diagonales.
Dans le Sens du gauchissement le révolutionnaire ne s’embarrasse pas de vérité et impose ses simulacres jusqu’à être disqualifié à son tour. Cela devient une profession un statut. L’autorité doit s’imposer et utiliser le collectif comme moyen ou comme prétexte, c’est la démocratie dictatoriale, celle que chacun voit dans l’intention de tous les autres. Imaginons un parti fondé là-dessus (ou plusieurs) et l’atomisation qui le guette en permanence. Traditionnellement c’est la position des extrémismes, droite et gauche, en opposition radicale avec l’ordre juste.
A l’inverse donc, c’est le Sens du bien commun de la culture française et sa poursuite qui défini l’orde juste, la logique des bâtisseurs. L’autorité est celle qui incarne une démocratie, participative, par la justesse de ses analyses de la réalité, de la vérité, et la détermination de sa volonté. On ne peut pas ne pas voir comment cette position a été présente dans la dernière campagne présidentielle et comment elle suscite une réaction « révolutionnaire » qui conjugue ressentiment et mauvaise foi. Le lecteur appréciera l’analyse faite à ce sujet en 2006 : L’ordre juste ou la vertu française
En haut à droite, le Sens de l’arrogance est celui de l’élitisme aristocratique à la française, bien connu par les étrangers qui nous regardent. L’autorité est formelle le produit d’artifices de sélection « démocratiques » comme le montrent nos Grandes écoles. C’est aussi d’actualité. Détermination certes, participation démocratique oui mais selon les règles édictées au mépris de la réalité et de la vérité. Jusque dans ses fondements philosophique, la Raison d’autorité, toujours contingente, est dite critère de vérité universelle qui s’impose à tous y compris évidemment à la démocratie. Un pays administré selon des règles formelles, juridico-administratives, techno-scientifiques, idéologiques et auto justificatrices. Voilà un visage bien connu de la France, aujourd’hui ébranlé.
Reste en bas à gauche avec le Sens de la militance une France émue et émouvante, touchée par des réalités négatives, et engagée dans la défense contre les pouvoirs mauvais (par définition). C’est à se demander si c’est l’animosité envers l’autorité et la frustration d’un libre bon vouloir servent de détecteur des réalités difficiles ou l’inverse (démocratique veut dire chacun son bon vouloir). Cette autorité se fait volontiers « humanitaire », protestataire, alternative mais peu engagée dans la bonne volonté déterminée de construction du bien commun. Cela assure son audience et son succès émotionnel mais aussi son échec opérationnel durable lorsque agir c’est défaire.
Les vertus françaises des bâtisseurs d’ordre juste reconnaissent des personnages d’autorité qui ont joué leur rôle de repères et de dirigeants et aussi le concernement actif des populations. Il est vrai aussi que toutes les falsifications et les dénigrements n’ont pas manqué, ne manquent pas pour s’en prétendre garants.
Ce qui est vrai concernant la France l’est aussi pour tout ce qui s’y réfère, les organisations ou institutions françaises notamment. Cependant et c’est là la complexité des ensembles communautaires, en France, bien d’autres cultures ont cours. Chacun est traversé par cette diversité de cultures selon les milieux fréquentés. Aussi y a-t-il d’autres conceptions et pratiques de la démocratie et de l’autorité et il faudrait beaucoup d’arrogance pour penser qu’il n’existe que l’équation française en matière de « gouvernance ».