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Les entreprises et le bien commun 2

18 Mai

Le Sens du bien commun et les valeurs

Qu’est-ce que le bien commun pour une communauté de bien, une communauté partie prenante de l’entreprise ou bien l’entreprise elle-même comme communauté entreprenante. D’abord voyons quelles conceptions implicites de ce qu’est une entreprise règne sur les esprits, consciemment ou non. Il y a les entreprises de puissance ou de captation de richesses. Elles sont vues par les uns comme forcément prédatrices et pour les autres comme moyen légitime d’enrichissement. Il y a les entreprises techniciennes qui déploient des trésors de rationalité et d’efficacité au service d’un objectif, quel qu’il soit et où chacun est sensé exercer la fonction qui lui est dévolue, sans état d’âme. Ce sont celles que l’on enseigne dans les écoles spécialisées. Il y a les entreprises systémiques qui fonctionnent selon des normes ou des lois de l’économie, lois du marché par exemple ou lois de régulation, par nécessité naturelle et par obligation. On en profite où on en est victime selon la fatalité des conjonctures. Il y a enfin les entreprises communautaires, communautés entreprenantes, communautés de parties prenantes, exerçant aux service de communautés clientes, dans le contexte de communautés territoriales comme une région ou un pays par exemple. Là vient se situer la question du bien commun qui implique qu’il y ait communauté de bien. Les trois autres conceptions de l’entreprise ont évidemment du mal à s’accorder à cette notion de bien commun.

Pour une entreprise ou communauté entreprenante on peut imaginer ce que pourrait être le bien commun : réussite et pérennité de l’entreprise, enrichissement des parties prenantes, apports de « biens » et « services » au service du bien des communautés clientes (marchés), contribution au développement des communautés territoriales où s’exercent les activités de l’entreprise, participation au progrès humain professionnel mais aussi personnel etc. Cela dit la multiplicité des acteurs et communautés impliquées depuis les équipes spécialisées, jusqu’aux populations les plus larges amène bien vite à observer que le bien commun prend des consistance très différentes. Comment alors réunir des communautés différentes avec des enjeux propres forcément différents. C’est là que la question du Sens prend toute son importance. D’abord pour chaque communauté partie prenante un Sens du bien commun peut être identifié comme donnant sa logique, sa cohérence et aussi ses valeurs à l’activité et même sa raison d’être à l’entreprise. Aller dans le même Sens c’est ce qui donne sa cohérence sa motivation et son efficacité à la communauté entreprenante. Dès lors on peut fixer ce qu’est le bien commun à un moment donné comme le projet, les buts fixés mais qui change selon les circonstances et surtout selon les parties prenantes. Le bien commun n’est pas le même pour chacun mais le Sens du bien commun doit l’être lorsqu’on se réfère à la même communauté de bien. Ainsi projets buts objectifs ne sont pas les mêmes pour chaque équipe, chaque partie prenante, chaque client ou territoire d’activité mais, lorsque l’entreprise est identifiée comme communauté de référence alors le Sens du bien commun pour celle-si est celui sur lequel s’alignent motivations, stratégies, engagements, conSensus donc. C’est aussi ce qui met les acteurs dans une logique de « concourance » plutôt que de concurrence.

Comment alors caractériser le Sens du bien commun pour une « communauté entreprenante », une entreprise donc mais aussi d’autres configurations de l’engagement collectif. C’est là qu’intervient la notion de valeurs. Les valeurs sont les indicateurs du Sens du bien commun. Elles peuvent et même doivent être différentes dans leurs expressions, leurs traductions, selon les groupes et parties prenantes mais elles expriment le même Sens. Vaut ce qui va dans ce Sens et c’est donc le premier principe de toute évaluation. On peut donc évaluer des enjeux, des actions, des projets, des ressources, des résultats avec une échelle de valeurs commune basée sur le même Sens du bien commun. Cela n’empêche pas que les valeurs soit différenciées selon les parties prenantes et surtout cela n’empêche pas que chaque communauté de bien ou communauté de valeurs ait aussi et par ailleurs d’autres modes d’évaluation qui lui soient propres lorsqu’elle n’est pas engagée avec l’entreprise. Par exemple une filiale peut être commune à plusieurs entreprises. Elle peut avoir sa propre échelle de valeurs avec le Sens du bien commun qui lui est propre et par lequel elle vise son bien mais aussi elle va devoir concourir et de façon différenciée à chacune des entreprises actionnaires selon leurs valeurs spécifiques. C’est évidemment aux dirigeants de discerner à chaque fois le Sens de leur action.

Il faut donc associer le Sens du bien commun à une communauté donnée avec les valeurs qui lui sont propres. C’est ce qu’on appellera la communauté de référence. Ainsi avant toute évaluation et même tout engagement de l’action, tout projet, il faut déterminer quelle est la communauté de référence, ensuite son Sens du bien commun et les valeurs propres qui le caractérisent. Ce sont les bases d’une toute nouvelle appréhension de l’entreprise, ses finalités, sa logique, ses valeurs et enfin les méthodes et pratiques qui permettent d’en maîtriser les enjeux.

 

Le Sens du bien commun une introduction

15 Mai

Le Sens du bien commun est le critère d’orientation et d’évaluation de toutes les affaires humaines. Les affaires humaines ce sont toutes les préoccupations et les activités humaines dans tous les domaines. On notera que rien de ce qui nous intéresse ou nous concerne n’est autre qu’une affaire humaine. Il est quand même paradoxal que les hommes puissent considérer qu’ils ne sont pratiquement pour rien dans ce qui constitue leur expérience, individuelle et collective. Les connaissances par exemple ne sont qu’une sorte de compte rendu d’expérience, état de ce dont on se rend compte, compte que l’on se rend à partir de l’expérience, expérience toujours humaine. Toutes les activités bien sûr mais aussi les grands domaines de préoccupations collectives comme la politique, l’économie, l’éducation, la justice et toutes les choses de la vie sont de ces affaires humaines. L’Humanisme Méthodologique a montré qu’il s’agissait toujours de phénomènes humains qui ressortissent donc de connaissances humaines, d’actions humaines et aussi d’orientations humaines. Cela remet en question l’idée que tout cela fonctionne indépendamment de l’homme alors que tout ce que celui-ci en fait, en connait ou en juge vient de lui. On notera que lorsque cela concerne un individu cela ne dépend pas que de lui mais de toute une communauté humaine. L’homme est à ce titre co-auteur, co-créateur.

Il se trouve que pour toutes les affaires humaines se pose la question du bien, du bien faire, du bien comprendre, du bien orienter. C’est la différence avec ces conceptions (humaines) où ce serait uniquement des questions de fonctionnement, l’affaire de mécanismes naturels qu’il faudrait seulement éviter de déranger au risque de nuire à la planète et aux générations futures. Un peu comme s’il n’y avait pas d’enjeux humains pour les générations présentes, pas de finalités humaines, Le Sens du bien commun vient démentir cette position en réponse à la considération du phénomène humain que constitue chaque affaire qui nous concerne individuellement et collectivement.

Bien sur chacun comprendra qu’il y a mille réponses à la questions du bien, du bien faire, du bien être, du bien réussir etc. C’est cette variété des réponses qui crée des divergences, des cacophonies, des conflits y compris des conflits d’intérêts.

A notre époque la tendance est à mettre en question l’individualisme exacerbé, le chacun pour soi ou la seule loi arbitraire de l’intérêt particulier. A l’inverse, l’intérêt général, l’intérêt collectif voulant s’y opposer avec l’étatisme ou le collectivisme n’ont rien donné de bon. Peut-être que c’est aussi parce que l’on ne peut pas définir le bien par la seule opposition au mal, comme s’il n’avait pas d’autre enjeu que de contrer le mal. Les utopies n’y ont pas répondu de façon satisfaisante étant les idéaux de quelques uns compensant peut-être leurs manques mais pas une véritable construction, un véritable développement humain. De crise en crise monte l’idée de prendre en considération le bien commun. C’est louable mais insuffisant tant que l’on n’a pas dit et compris sur le fond de quoi il s’agissait. l’Humanisme Méthodologique invite à le faire avec d’abord la question du bien de l’homme, la question du Sens et la question du bien commun et du Sens du bien commun.

C’est tout cela qui est exploré dans l’ouvrage intitulé « le Sens du bien commun » (à paraître en juin 2011). Pour bien comprendre il faut d’abord s’intéresser au Sens du bien. C’est une culture générale qu’il est bon de cultiver au travers de différentes questions de fond. Ensuite c’est au bien commun qu’il faut s’intéresser sachant que cela correspond à chacune des affaires humaines concrètes c’est-à-dire toujours situées dans une communauté donnée une communauté de valeurs, une communauté de Sens, une communauté de bien.

Ce sont ces deux types d’explorations que l’on trouvera dans cette rubrique des fondamentaux, réservant à l’actualité les considérations portant sur des situations du moment.

 

Post-démocratie?

25 Jan

Selon Colin Crouch un sociologue anglais, la démocratie ne serait pas applicable au-delà des espaces nationaux. Du coup c’est à une régression de la démocratie que l’on assisterait, une dé-démocratisation. Le pouvoir d’entreprises multinationales se substituerait aux pouvoirs démocratiques. Il y a là « un plafond de verre » de la conscience des intellectuels. Dans l’évolution des niveaux de conscience humaine et des niveaux de civilisation ( théorie de l’évolution humaine de l’humanisme méthodologique) on peut envisager quatre conceptions de la démocratie.

Le niveau archaïque dominé et régi par les affects. La démocratie serait l’imposition de la volonté du peuple à l’encontre de pouvoirs oppresseurs. Un pathos pour répondre à un pathos dans l’affrontement des volontés de puissance. On sait que la démocratie ainsi définie l’est par quelque « avant garde » quelque peu ventriloque qui fait parler le peuple jusqu’à s’approprier sa voix et sa volonté. On a appelé cela démocraties populaires.

Le niveau primaire l’univers des faits et des interactions. La démocratie est l’organisation collective, la cogestion opérationnelle, la co-opération qui fait l’objet de bien des expériences participatives. Limitée au champ des enjeux et des occupations collectives elle se traduit par une co-ordination qui réclame une cohérence vite confiée aux experts à tel point que les simulacres ne sont pas rares. Une véritable démocratie supposerait une capacité de compréhension mutuelle qui dépasse le niveau factuel.

Le niveau secondaire, celui des représentations idéelles. La démocratie est la caractéristique d’un système politique basé sur une représentation de l’Etat et de la citoyenneté. C’est une notion de type juridique qui se traduit par un système formel que les élections représentent le plus souvent avec les délibérations sensées permettre à chaque citoyen de forger son opinion en conscience. Le problème est ici que, à l’âge des représentations (mentales), celles-ci semblent constituer le champ indépassable de la conscience. L’identification des Etats nations et de leur territoire matérialisent ce qu’une carte de géographie représente. Un découpage de l’espace devenu espace politique, dessine les champs de la loi démocratique qui s’y fonde totalement, exclusivement. Déjà dans un pays comme la France qui a poussé très loin le formalisme des idées, il est difficile d’intégrer l’existence de régions comme espace démocratique. On voit bien comment le niveau national s’impose sans cesse. Il lui est difficile aussi d’intégrer un niveau supérieur comme l’Europe sans tomber dans l’idéalisme généralisé de l’espace universel régit par les idéaux français. Du coup ce qui « dépasse l’entendement » et ses frontières matérialisées est vécu comme un trouble régressif. C’est effectivement le cas dans les espaces moins verrouillés que les Etats nations, et pour cause.

Le niveau tertiaire, celui des communautés de Sens. C’est le niveau de conscience qu’aborde la mutation de civilisation à l’âge de maturescence ( hominescence dit Michel Serres ), l’âge du Sens. Les affaires humaines, seuls enjeux démocratiques évidemment, n’existent que dans l’espace des communautés humaines. Or ces espaces ne répondent pas à la topologie cartographique et ses frontières d’exclusion inclusion. A l’heure d’Internet c’est de plus en plus évident mais cela a toujours été comme ça. La démocratie ne peut se définir par un système formel (même si elle en emprunte la médiation de façon contingente). Elle se fonde dans les enjeux et les modalités existentielles donc culturelles d’une communauté humaine (de nature humaine). C’est la question de la gouvernance communautaire qui est posée. La réponse démocratique suppose une prise de position axiologique c’est-à-dire en référence au bien. L’humanisme méthodologique montre comment le Sens du bien commun vient parmi d’autres Sens poser l’axe du bien dans les enjeux et les modalités communautaires. La gouvernance communautaire tout comme l’économie communautaire et toutes les affaires communautaires ressortissent d’une démocratie propre qui dépend et de la spécificité culturelle et des niveaux d’évolution et de conscience individuels et collectifs. La démocratie communautaire a été repensée tant comme conception que comme pratique ( le temps des démocraties majeures ). On y distingue démocratie élective autour du repérage du Sens du bien commun, démocratie représentative autour de la construction des représentations collectives, la démocratie participative autour de la gestion des affaires communes.

Alors où est la post-démocratie? Elle est dans le dépassement impossible d’un niveau de conscience, le plafond de verre qui empêche de voir l’avenir de la démocratie en train d’émerger. La conscience communautaire, la complexité aussi des ensembles communautaires, le Sens du bien commun, la gouvernance communautaire et l’économie communautaire font partie des déploiements d’un paradigme communautaire émergent. L’au-delà du plafond de verre.

Il est vrai que les défauts de conscience laissent le champ à toutes les immaturités possibles et aux régressions constatées. Tant qu’on pense la démocratie mondiale comme celle d’un super Etat nation il ne peut en être autrement. Penser une communauté mondiale qui comme toute communauté est une communauté d’altérités (diversité, différences) et non pas une communauté de « mêmes » juridiquement  constitués, est la base d’une possible démocratie mondiale qui ne se substitue pas aux autres communautés. C’est ce que le « multilatéralisme » des Etats n’arrive pas à instaurer.

C’est donc ce plafond  de verre des consciences intellectuelles qui est le principal obstacle à la maturation de la démocratie plus que les seigneurs de la guerre économique qui occupent un terrain laissé vierge.

 

Le Sens de la spéculation

20 Jan

Le Sens de la spéculation est celui d’un individualisme qui vise à capter les signes de valeur pour nourrir sa propre valeur. Le spéculateur n’a de cesse d’alimenter le puits sans fond d’une identité qui réclame de profiter toujours plus de ce qui l’environne, du monde et des autres. On sait que ce jeu entraine une addiction. Plus le spéculateur se rempli, gagne ou perd, plus il est à côté du sujet, plus il est vide et avide. En économie la spéculation vise à capter des signes de valeur, la monnaie ou tout ce qui fait signe, signes extérieurs de richesse; extérieurs justement, pas intérieurs. Le travail, comme toute activité humaine, peut être spéculateur; il ne compte alors que par ce qu’il permet de gagner, de prendre sur autrui, sur le bien commun. Le jeu de hasard est spéculation, miser, tenter le sort comme par un appât, le séduire en espérant obtenir un gain qui sera pris sur le monde extérieur. On sait que si le succès vient du fait de gagner, il ne satisfait pas le vide d’être qu’il faut remplir sans cesse jusqu’à plus soif? Mais la soif est inextinguible. Le sens de la spéculation est celui de la séduction, étymologiquement : détourner de son Sens. Il s’agit de donner à voir pour avoir l’autre, de capter son attention, son désir, se remplir de ce désir pour n’être rien au bout du compte comme Don Juan après toutes ses conquêtes. Combien de conquêtes, de captations, de captures? Histoires captivantes de nos enfances que le cinéma, la télévision, les médias ne cessent de nous livrer en nous séduisant. Le règne du paraître, du donné à voir, des jeux de signes et d’images, nous y somment plongés.

Le Sens de la spéculation, celui de la séduction, captation des signes est celui d’une position d’être, celle aussi de l’individualisme qui essaie de construire une individualité sans fondements autre que la capacité de capter, de prendre sur les autres, de briller, d’obtenir. Dès lors nos banquiers spéculateurs ne font qu’accomplir à leur échelle mondialisée le dessein de chacun qui se trouve engagé dans cette posture là. Ils ne font que révéler un courant de société où « personne n’a vu venir » les conséquences de ce qui était au fond si naturel : agir pour gagner plus. La crise est le signe d’une rupture par rapport à cela une mise en question  de cette logique, de la prévalence de ce Sens, une mise en question de l’individualisme radical. Avant  d’aller y voir de plus près il faut comprendre quelle est la position d’être inverse (la théorie des positions de vie est un apport majeur de l’humanisme méthodologique).

A l’opposé la position d’être est la participation à une réalité, réalisée en commun. On sort du face à face de l’individualité avec le monde et avec les autres, pour un côte à côte, un engagement partagé. Ici chacun y « met du sien » pour une réalisation commune dans laquelle il se retrouve et se construit lui-même. L’individualité est alors l’expression de cette participation au monde au lieu d’une captation. Relations de concourance, générosité de l’implication, sont générateurs de richesses communes. Il est vrai qu’à l’opposé d’un monde individualiste c’est ici un monde communautaire qui se déploie et non un monde collectiviste composé lui de collections d’individualités à normaliser. Le Sens du bien commun est celui de l’engagement commun et les valeurs communes en sont les indicateurs, ceux d’une échelle de valeurs des engagements, des participations et des fruits générés.

Cela ne nous est pas étranger mais les « calculs » spéculatifs, ceux des univers où ils ont été développés, notamment sur le plan intellectuel, ont privilégié un tout autre Sens, inverse, dont nous voyons les aboutissements possibles et la crise d’alerte salutaire.

Sur le plan économique on examinera trois aspects. L’opposition de deux Sens de la notion d’investissement, spéculatif ou industrieux. Ensuite l’implication de chacun au travers du travail et de son Sens dans l’une ou l’autre des logiques. Enfin l’opposition entre une économie forcément anonyme et par exemple systémique et une économie appropriée, pensée comme communautaire avec l’inversion entre elles deux du Sens des valeurs. Pour terminer il faudra dire un mot rapide sur la méthode qui pourrait favoriser le changement amorcé, ses conditions et les obstacles à lever.

L’investissement spéculatif. Investir, spéculativement parlant, c’est miser, placer sa mise sur le tapis, l’espace de jeu en espérant un gain rapide. Une affaire de coups et de martingales. La logique impose de ne considérer que les signes de gain et pas les signes de réalisation, de construction du bien commun. Pire il faut le fuir et ce n’est pas un hasard si un licenciement important ou la cession d’actifs productifs sont là de bons signes. L’important c’est la non implication dans le processus industrieux, industriel aussi. L’opposition spéculation / réalisations est radicale. Les signes de signes que sont les « produits dérivés » ont cet avantage de pousser plus loin la désaffection d’avec ce que d’autres appellent l’économie. Pour celle-ci, l’économie industrieuse, l’investissement est la mobilisation de ressources pour réaliser un bien commun. Un argument entendu c’est qu’il y a aurait une richesse créée par la spéculation. C’est faux il s’agit d’un amoncellement de signes de captation. C’est la consistance de la bulle spéculative. La tricherie vient du fait que c’est apparemment la même monnaie qui ferait l’équivalence, qui donne le change. La « mise » est soustraite à l’investissement industrieux et le gain est mobilisé pour la spéculation uniquement. Pourquoi confondre les deux types de signes. Pourquoi confondre des signes du Sens du bien commun, ceux d’une communauté de valeurs et des signes de valeur supposée universelle qui en font totalement abstraction. Il est vrai que les fondements épistémologiques de certain courant scientifique, économique notamment, privilégient un arbitraire du signe, valant par lui-même dans ses apparences mêmes, intellectuellement abstraites. A contrario la réalité est un construit et il n’y a de signes que comme expression du Sens dans un système de valeurs communes, dont communautaire.

Travail et spéculation.

Sur le plan économique il ne faut pas s’en tenir aux spéculateurs professionnels dont les échelles de valeurs sont auto légitimées et sans commune mesure avec celles de l’économie communautaire. Bien des entreprises s’abstrayant du bien commun et en ayant perdu le Sens, en viennent à croire que les gains spéculatifs sont meilleurs que les gains industrieux qui eux consomment des investissements. C’est dans la même comptabilité que les signes arbitraires de valeur et les signes de valeurs communautaires sont confondus. On a aussi une caractéristique du spéculatif c’est la sophistication intellectuelle qui masque les rationalités productrices derrière des modèles qui relèvent de la magie. Ca marche. Aucun expert ne peut-dire pourquoi se fiant seulement aux apparences. En France on parle des entreprises du CAC 40, l’instrument spéculatif est prix pour signe d’identité c’est dire. Les entreprises de « service public à la française » n’y échappent pas. C’est d’ailleurs une autre exemple de spéculation, l’intérêt des agents de la fonction publique comme substitut au bien commun. Plus généralement cette attitude qui consiste à travailler le moins possible, y mettre du sien le moins possible et rechercher les configurations qui vont permettre d’obtenir un gain maximum correspondent à des attitudes fréquentes que les syndicats favorisent ainsi que d’autres idéologies individualistes. Il faut noter que les corporatismes ont la même attitude consistant à tirer un maximum des ressources de la communauté pour le minimum d’implication. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » s’y oppose dès lors que l’on entend par travailler y mettre du sien dans le service du bien commun pour partager les richesses produites en commun. Il est évident que le travail vu comme investissement spéculatif avec le minimum d’implication personnelle donne à cette formule un tout autre Sens.

Alors la spéculation économique? un miroir aux alouettes et les alouettes sont très nombreuses, les vedettes du CAC 40 et tous ceux qui communient dans la logique individualiste. A quand la redécouverte de l’économie communautaire?

L’économie communautaire. Lire

Le champ de la régulation des enjeux, des investissement, des valeurs est celui de la communauté, autour de son Sens du bien commun. On voit bien l’incohérence qu’il y a à vouloir traiter des problèmes spéculatifs apatrides tout en cherchant le Sens du bien commun et les moyens d’action et d’évaluation appropriés. Bien sûr, l’économie communautaire doit prendre en compte la complexité des ensembles communautaires, imposant de traiter les problèmes au bon niveau celui de la régulation communautaire. Le niveau familial en est un, celui des collectivités locales ou régionales un autre, celui du niveau national et des ensembles internationaux un autre encore. Il y a en a bien d’autres. Si on considère que l’économie est la production et l’échange de biens et services qui s’évaluent selon le Sens du bien commun, là où il n’y a pas de gouvernance communautaire il n’y a pas de possibilité d’évaluation commune. C’est le cas de communautés immatures comme de la communauté monde qui tente néanmoins de se constituer (G20) à l’occasion de cette crise. la crise de l’euro en est aussi un symptôme

La spéculation a besoin d’anonymat, de désimplication. Si elle est prise dans le colloque communautaire alors elle ne peut plus échapper à la question du bien commun et prétendre oeuvrer pour le bien de l’économie. Pour cela il faut que cette économie n’ait pas de voix communautaire. Cela tombe bien avec la pensée systémique. La croyance dans « le marché »  comme entité abstraite et au « système économique » comme entité « naturelle » met à l’abri de la responsabilité vis-à-vis du bien commun. La spéculation économique s’accommode particulièrement de l’élimination du champ communautaire de la pensée politique et économique, d’un espace où elle aurait des comptes à rendre. On voit bien l’intérêt d’un espace mondialisé pour échapper aux communautés nationales, surtout si elles mêmes évacuent les niveaux communautaires plus locaux. Alors faut-il en revenir au « protectionnisme ». C’est une vision régressive des communautés dont les caricatures permettent de défendre la science économique systémique facilement spéculative. Comme les communautés sont-elles mêmes prises dans des ensembles communautaires plus larges, il ne peut y avoir d’économie fermée mais il ne peut y avoir non plus d’économie extra-communautaire transparente aux biens communs. Donc pas de discussion économique en dehors d’une communauté de référence. Pas d’acteur économique qui ne se pose dans une communauté de référence, même multinationale. Dès lors chaque entreprise, chaque organisation économique a des comptes à rendre dans les espaces communautaires où elle agit selon les valeurs de chacun, différentes. Alors le politique retrouve son rôle de conduite du développement communautaire. Alors les valeurs communautaires donnent la mesure de toute activité économique qui n’a plus d’autre valeur d’échappement.

Comment renverser une tendance lourde qui malgré ses méfaits, bénéficie d’une « complicité » collective, de l’auto aveuglement associé et de la duplicité intellectuelle de bien des experts et des acteurs. Comme toujours le combat ne fait que conforter le problème. C’est le développement de l’économie communautaire qui est la bonne voie. Il y a de plus en plus d’intérêt pour la question du bien commun sans qu’on prenne garde que cela implique une communauté de bien. C’est là qu’il y a le plus gros travail conceptuel à réaliser pour refonder une vision des communautés humaines qui échappe aux spéculations intellectuelles où elle s’est enfermée quelques fois. Il y a ensuite à réviser la lecture des questions et des phénomènes économiques dans cette perspective. On verra comme cela comment la crise appelle ces analyses mais que l’offre conceptuelle est défaillante. Il suffirait bien souvent de se recentrer sur la ou les communautés concernées au lieu de discuter dans l’abstrait des systèmes de pensée actuels. Ensuite on en viendra à apprendre à se confronter avec l’élucidation du Sens du bien commun propre à chaque communauté selon sa culture, à ses valeurs et son échelle de valeurs et les critères qui lui sont propres. Enfin les modes de régulations communautaires viendront comme pratiques de gouvernance chacune selon la culture qui est la sienne.

Ainsi le paradigme communautaire, alternative au paradigme spéculatif individualiste, entraîne-t-il à réviser l’ensemble des affaires communes et leur gouvernance démocratique. Il ne s’agit pas de faire table rase de l’existant mais de le voir autrement pour agir autrement. Rien de plus difficile.

 

Crise économique, quelques questions

18 Jan

La crise qui s’est déclarée fin 2008 est une manifestation de la mutation de civilisation qui est engagée. Comme avec la tectonique des plaques, des craquements se produisent qui déstabilisent les idées reçues. Le premier réflexe c’est de tenter de « rétablir les équilibres » ou de tout refaire comme avant. D’autres ont l’intuition qu’il faut faire autrement mais pour cela il faut penser autrement. Seulement il faut à la fois comprendre quelles sont les problématiques en jeu et disposer des moyens de les résoudre autrement.

J’ai proposé des analyses visant à mettre le doigt sur l’essentiel, les forces en jeu. En particulier j’ai mis en évidence trois ruptures qui se sont produites et qui mettent en mouvement des plaques de changement. Crise financière : trois repères

La fin de l’individualisme radical et l’emergence du Sens du bien commun comme critère de valeur et d’évaluation.

La fin de l’économie systémique qui suppose que ses lois sont celles d’un système global dont nous sommes les jouets et l’avènement de l’économie communautaire,  réappropriable par les acteurs à leur échelle.

La fin du découplage de la valeur et des valeurs, mesure de  toute chose en économie, avec les valeurs, qui se réfèrent au Sens du bien commun.

Ces problématiques ne sont pas facilement identifiables compte tenu du fait qu’elles bouleversent nos réflexes de pensée et d’action. Je les aborderai ici au travers de plusieurs problèmes.

La spéculation : On sent intuitivement que la spéculation des banques n’est pas cohérente avec l’intérêt de l’économie, de notre économie. Pourquoi? Qu’est ce qui les oppose? Quelles sont les incidences d’un discernement et d’un changement d’orientation dont même au plus haut niveau on perçoit la nécessité. Justement c’est la question de l’individualisme radical qui est en question, pas celui des banquiers seulement, mais celui des syndicats aussi, des corporatismes et de partis dont l’opposition à la spéculation ne dérange pas l’individualisme foncier.

La convergence des intérêts : « Ce qui est bon pour Général Motors est bon pour l’Amérique  » site l’auteur d’un article de slate.fr qui le paraphrase avec ce titre : « Ce qui est bon pour Renault n’est pas bon pour la France« . Mais l’intérêt de qui? Dans quel espace économique est-ce négociable? L’espace national où on tente de le traiter serait valide comme critère d’intérêts et invalide comme critère industriel. Il faut rétablir l’économie dans ses espaces communautaires, seuls lieux où, en référence au Sens du bien commun, on peut discuter des intérêts communs.

Les critères de valeur(s) dans l’économie : Ce qui vaut pour une communauté est appréciable par une échelle de valeurs commune (selon le Sens du bien commun). Ce qui vaut pour l’économie, du moins est-ce la doctrine dominante, se mesure à la valeur, comptablement, selon un étalon monétaire indépendant de toutes valeurs grâce aux rationalisations qui s’y sont exercés. On peut montrer que la notion de valeur ne vaut rien sans une référence implicite à des valeurs communes et que les valeurs peuvent parfaitement constituer des échelles de valeurs recherchées dans toute mesure d’intérêts et de productions. On s’intéresse à des critères communautaires nationaux autres que le PIB. mais c’est encore le Sens du bien commun qui permet d’établir les critères propres à chaque communauté.

J’ai forgé toutes sortes de conceptions et de méthodes pour une nouvelle perspective que cherchent vainement les experts et les politiques.

Par exemple le paradigme communautaire plaçant les communautés de vie et d’engagement comme seuls espaces de régulation accessibles,  seuls espaces ou des valeurs communes peuvent permette de mesurer les besoins et les contributions sur une même échelle, seuls espaces ou le développement économique participe au développement des membres et des acteurs.

La socio performance fournit des critères d’évaluation pour toute activité pour une communauté donnée.

La notion de valeurs qu’il faut référer au Sens du bien commun pour que cela vaille quelque chose humainement parlant.

Au travers de quelques articles  j’en donnerai un aperçu, en référence à des textes plus approfondis.

 

Autorité et démocratie à la française

18 Jan

Une analyse de cohérences culturelles comme celle de la France déploie une problématique humaine singulière en plusieurs Sens que la carte de cohérences dessine. Chaque Sens correspond à une vision du monde et un mode d’existence qui permet de lire une logique historique, un caractère, un axe de projection dans l’avenir et toutes leurs conséquences dans les affaires communautaires. C’est donc à cette carte de cohérences schématique que l’on peut avoir recours pour redécouvrir les façons de comprendre une question telle que celles-là.

Culture française

Autorité et démocratie sont dans cette culture référés à l’ordre des choses.

Le Sens de la bonne foi donne à l’autorité un Sens d’authenticité (même étymologie), de fiabilité, de repère, gage de fidélité à la vérité aussi, l’autorité fait foi, c’est sa responsabilité. A l’inverse l’autorité est plutôt un titre, un artifice, une référence de convention, une formule pour imposer un ordre de substitution, un faux semblant de vérité. Par exemple l’autorité de l’Etat qui, quelques fois, substitue à la réalité vécue une norme administrative qui ne tiens pas compte du réel des choses et des gens. C’est le cas de tous ceux qui imposent un référentiel artificiel. Ce référentiel peut être administratif ou idéologique et même scientifique ou philosophique. Il y a beaucoup de corporations ou d’instances dont l’autorité est de cette nature et dont l’ordre devrait s’imposer à tous comme « l’autorité de la France » quelques fois. A contrario, même si elle constitue un repère c’est celui de la vérité, toujours en quête. Dans les quêtes du pouvoir l’autorité impose ses vérités opportunistes. On appelle ça cynisme aussi.

La démocratie, sur cet axe horizontal à gauche (de la carte), est l’expression d’une réalité collective, la manifestation d’un ordre commun, un témoignage du réel à partager. A l’inverse la démocratie est un prétexte, une mise en scène, pour établir un référentiel d’autorité artificiel. Il ne s’agit pas d’expression collective mais d’adoption collective d’un ordre préétabli. Les normes précèdent leur adoption et semblent ensuite émaner de la démocratie. Le système français est ici bien rodé et certaines conceptions de la république y trouvent leur source, pseudo démocratique donc.

Sur l’axe vertical en haut, l’autorité est porteuse de détermination, détentrice d’une volonté bonne et déterminée. Il s’agit donc d’un volontarisme qui entraine les bonnes volontés, un leadership si on le comprend comme cela. Celui qui porte cette détermination est dirigeant par l’exercice non d’un pouvoir mais d’un charisme et d’une capacité de tracer la voie. La démocratie est évidemment là participation à l’édification des enjeux communs, concernement de la communauté par ses affaires selon l’ordre déterminé.

A l’inverse l’autorité est source de ressentiment. Elle est identifiée au fait du prince et donc toujours à combattre pour y substituer celle du même type de ceux qui l’auraient vaincue. Le pathos révolutionnaire se nourrit là. On voit bien le rôle de la démocratie qui consisterai à substituer le bon vouloir du peuple à celui du prince. Le bon vouloir qui n’est pas la bonne volonté inverse est incarné par les représentants du peuple qui par définition démontrent que leur bon vouloir doit se substituer à l’autorité présente. Le pathos révolutionnaire est en marche et sans fin puisque la nouvelle autorité doit bien vite être déboulonnée ou décapitée plus symboliquement. La généralisation du libre bon vouloir généralise l’imposture et l’usurpation d’autorité et alimente la machine mortifère.

Il est intéressant de voir quels régimes d’autorité et de démocratie cela dessine dans les diagonales.

Dans le Sens du gauchissement le révolutionnaire ne s’embarrasse pas de vérité et impose ses simulacres jusqu’à être disqualifié à son tour. Cela devient une profession un statut. L’autorité doit s’imposer et utiliser le collectif comme moyen ou comme prétexte, c’est la démocratie dictatoriale, celle que chacun voit dans l’intention de tous les autres. Imaginons un parti fondé là-dessus (ou plusieurs) et l’atomisation qui le guette en permanence. Traditionnellement c’est la position des extrémismes, droite et gauche, en opposition radicale avec l’ordre juste.

A l’inverse donc, c’est le Sens du bien commun de la culture française et sa poursuite qui défini l’orde juste, la logique des bâtisseurs. L’autorité est celle qui incarne une démocratie, participative, par la justesse de ses analyses de la réalité, de la vérité, et la détermination de sa volonté. On ne peut pas ne pas voir comment cette position a été présente dans la dernière campagne présidentielle et comment elle suscite une réaction « révolutionnaire » qui conjugue ressentiment et mauvaise foi. Le lecteur appréciera l’analyse faite à ce sujet en 2006 : L’ordre juste ou la vertu française

En haut à droite, le Sens de l’arrogance est celui de l’élitisme aristocratique à la française, bien connu par les étrangers qui nous regardent. L’autorité est formelle  le produit d’artifices de sélection « démocratiques » comme le montrent nos Grandes écoles. C’est aussi d’actualité. Détermination certes, participation démocratique oui mais selon les règles édictées au mépris de la réalité et de la vérité. Jusque dans ses fondements philosophique, la Raison d’autorité, toujours contingente, est dite critère de vérité universelle qui s’impose à tous y compris évidemment à la démocratie. Un pays administré selon des règles formelles, juridico-administratives, techno-scientifiques, idéologiques et auto justificatrices. Voilà un visage bien connu de la France, aujourd’hui ébranlé.

Reste en bas à gauche avec le Sens de la militance une France émue et émouvante, touchée par des réalités négatives, et engagée dans la défense contre les pouvoirs mauvais (par définition). C’est à se demander si c’est l’animosité envers l’autorité et la frustration d’un libre bon vouloir  servent de détecteur des réalités difficiles ou l’inverse (démocratique veut dire chacun son bon vouloir). Cette autorité se fait volontiers « humanitaire », protestataire, alternative mais peu engagée dans la bonne volonté déterminée de construction du bien commun. Cela assure son audience et son succès émotionnel mais aussi son échec opérationnel durable lorsque agir c’est défaire.

Les vertus françaises des bâtisseurs d’ordre juste reconnaissent des personnages d’autorité qui ont joué leur rôle de repères et de dirigeants et aussi le concernement actif des populations. Il est vrai aussi que toutes les falsifications et les dénigrements n’ont pas manqué, ne manquent pas pour s’en prétendre garants.

Ce qui est vrai concernant la France l’est aussi pour tout ce qui s’y réfère, les organisations ou institutions françaises notamment. Cependant et c’est là la complexité des ensembles communautaires, en France, bien d’autres cultures ont cours. Chacun est traversé par cette diversité de cultures selon les milieux fréquentés. Aussi y a-t-il d’autres conceptions et pratiques de la démocratie et de l’autorité et il faudrait beaucoup d’arrogance pour penser qu’il n’existe que l’équation française en matière de « gouvernance ».