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Archives de la catégorie ‘Problématiques’

Les entreprises et le bien commun 1

17 Mai

Les entreprises et le bien commun

La pression monte et la question du rapport entre les intérêts de l’entreprise ou ses parties prenantes et ceux des sociétés où elles exercent leurs activités est posée. Le plus souvent on trouve soit une assimilation du bien de l’entreprise et sa réussite avec le bien commun, identifié par exemple au développement économique; soit au contraire une antinomie entre l’intérêt particulier des entreprises et l’intérêt général de la collectivité. Dans ce dernier cas, identifiant dirigeants et actionnaires aux intérêts de l’entreprises d’une part et personnel et monde environnant à l’intérêt général d’autre part, le conflit et le rapport de force forment l’équation qui fait science et vérité dans un grand nombre de milieux. Le 19 ème et le 20 ème siècle ont vu cet affrontement idéologique consommer beaucoup d’énergie. On se doute que les choses ne sont pas si simples de par la multiplicité des parties prenantes et par la difficulté de qualifier et quantifier le bien commun.

Bien particulier et bien commun

Comment définir le bien particulier d’une entreprise alors qu’elle est à la croisée de multiples parties prenantes : actionnaires, dirigeants, personnel, clients , partenaires, fournisseurs, intermédiaires, pays ou région d’implantation, pays ou régions de commercialisation, pays ou régions où résident les parties prenantes. Le fait est qu’il y a concurrence possible entre ces différentes parties, les délocalisations et la mondialisation multiplient les sites concernés et donc les parties prenantes. L’intervention d’acteurs tiers comme les spéculateurs, les états, les média, l’opinion publique, les modes sur le plan éthique, compliquent les choses. On pourrait se référer à la personne morale et ses comptes mais cela ne dit pas tout à fait son intérêt (survivre, se développer, grandir etc.) surtout avec la complexité croissante des structures juridiques et les multiples associations d’intérêts. La question est alors de savoir quel « bien commun particulier » il s’agit de viser. Y a-t-il un bien commun plus général et des biens communs plus particuliers ? Comment mesurer, comparer des « biens communs » qui ne seraient pas qualitativement identiques, ne serait-ce que dans le temps du court, moyen et long terme. Il n’est que de se rendre compte que des cultures et des systèmes de valeurs différents compliquent le problème.

Buts et critères d’évaluation dans l’entreprise

Se pose alors pour les responsables, de déterminer les buts et critères d’évaluation qui vont leur permettre de piloter la marche en avant de l’entreprise et d’évaluer choix et réalisations, moyens et projets, compétences et productions… Le réflexe est de penser à cette mesure universelle que serait la mesure comptable comme si il y avait une possibilité d’évaluation indépendante de toute échelle de valeurs. Peut-on se contenter de buts et de critères purement comptables? Les financiers se voyant plus éclairés diront non mais d’autres qui voient les choses selon d’autres lunettes répondront autrement. Par exemple l’évaluation de la valeur actionnariale n’est pas tout à fait cohérente avec celle d’autres intérêts, y compris parmi les actionnaires. Si on avait un moyen de définir un bien commun qui puisse se retraduire en biens particuliers sans être trahi cela aiderait sans doute à sortir d’une certaine impasse dès lors que chaque partie prenante se trouve légitime à déterminer ses propres critères tout en voulant respecter un bien commun.

Les communautés de bien

Du coup au lieu de considérer une nuée d’individus totalement indépendants dans leur « libre arbitraire » qui dicteraient leur intérêt à l’ensemble, il y aurait une autre vision à envisager. Au lieu des rapports de force et d’alliance opportunistes on pourrait envisager une convergence des enjeux, un bien commun qui se nouerait à la croisée du bien commun de plusieurs « communautés de bien ». Les actionnaires, le personnel, les cadres dirigeants, les populations qui sont économiquement impliquées, les communautés territoriales concernées, les marchés vus comme des communautés culturelles de clientèles, dessinent un nouveau paysage de communautés de bien. Chacune peut légitiment délibérer pour définir son bien commun tout en considérant le bien particulier différencié de ceux qui en font partie. De même les communautés de communautés peuvent délibérer sur leur bien commun et donc leurs buts et systèmes d’évaluation tout en considérant le bien commun propre aux communautés qui les composent. Les entreprises sont faites ainsi de multiples communautés ou communautés de communautés, des simples équipes aux structures les plus larges, des parties prenantes multiples en rapport avec les communautés de marché et même d’autres entreprises ou d’autres communautés participant à des communautés territoriales, nationales ou même internationales.

Ainsi le paysage des intérêts particuliers se transforme en constellations de communautés de bien, petites et grandes communautés, ensembles communautaires complexes. Bien sûr reste à comprendre ce qu’est le bien commun et en quoi il n’est pas identifiable au seul intérêt particulier. C’est la révolution copernicienne apportée par l’Humanisme Méthodologique. Il s’agit en effet de comprendre ce qu’est le Sens du bien commun par lequel l’unité de Sens permet et transcende la diversité de bien commun et donne leur cohérence à ces ensembles communautaires que sont les entreprises et leurs groupements.

A suivre

 

Les entreprises et le bien commun 2

18 Mai

Le Sens du bien commun et les valeurs

Qu’est-ce que le bien commun pour une communauté de bien, une communauté partie prenante de l’entreprise ou bien l’entreprise elle-même comme communauté entreprenante. D’abord voyons quelles conceptions implicites de ce qu’est une entreprise règne sur les esprits, consciemment ou non. Il y a les entreprises de puissance ou de captation de richesses. Elles sont vues par les uns comme forcément prédatrices et pour les autres comme moyen légitime d’enrichissement. Il y a les entreprises techniciennes qui déploient des trésors de rationalité et d’efficacité au service d’un objectif, quel qu’il soit et où chacun est sensé exercer la fonction qui lui est dévolue, sans état d’âme. Ce sont celles que l’on enseigne dans les écoles spécialisées. Il y a les entreprises systémiques qui fonctionnent selon des normes ou des lois de l’économie, lois du marché par exemple ou lois de régulation, par nécessité naturelle et par obligation. On en profite où on en est victime selon la fatalité des conjonctures. Il y a enfin les entreprises communautaires, communautés entreprenantes, communautés de parties prenantes, exerçant aux service de communautés clientes, dans le contexte de communautés territoriales comme une région ou un pays par exemple. Là vient se situer la question du bien commun qui implique qu’il y ait communauté de bien. Les trois autres conceptions de l’entreprise ont évidemment du mal à s’accorder à cette notion de bien commun.

Pour une entreprise ou communauté entreprenante on peut imaginer ce que pourrait être le bien commun : réussite et pérennité de l’entreprise, enrichissement des parties prenantes, apports de « biens » et « services » au service du bien des communautés clientes (marchés), contribution au développement des communautés territoriales où s’exercent les activités de l’entreprise, participation au progrès humain professionnel mais aussi personnel etc. Cela dit la multiplicité des acteurs et communautés impliquées depuis les équipes spécialisées, jusqu’aux populations les plus larges amène bien vite à observer que le bien commun prend des consistance très différentes. Comment alors réunir des communautés différentes avec des enjeux propres forcément différents. C’est là que la question du Sens prend toute son importance. D’abord pour chaque communauté partie prenante un Sens du bien commun peut être identifié comme donnant sa logique, sa cohérence et aussi ses valeurs à l’activité et même sa raison d’être à l’entreprise. Aller dans le même Sens c’est ce qui donne sa cohérence sa motivation et son efficacité à la communauté entreprenante. Dès lors on peut fixer ce qu’est le bien commun à un moment donné comme le projet, les buts fixés mais qui change selon les circonstances et surtout selon les parties prenantes. Le bien commun n’est pas le même pour chacun mais le Sens du bien commun doit l’être lorsqu’on se réfère à la même communauté de bien. Ainsi projets buts objectifs ne sont pas les mêmes pour chaque équipe, chaque partie prenante, chaque client ou territoire d’activité mais, lorsque l’entreprise est identifiée comme communauté de référence alors le Sens du bien commun pour celle-si est celui sur lequel s’alignent motivations, stratégies, engagements, conSensus donc. C’est aussi ce qui met les acteurs dans une logique de « concourance » plutôt que de concurrence.

Comment alors caractériser le Sens du bien commun pour une « communauté entreprenante », une entreprise donc mais aussi d’autres configurations de l’engagement collectif. C’est là qu’intervient la notion de valeurs. Les valeurs sont les indicateurs du Sens du bien commun. Elles peuvent et même doivent être différentes dans leurs expressions, leurs traductions, selon les groupes et parties prenantes mais elles expriment le même Sens. Vaut ce qui va dans ce Sens et c’est donc le premier principe de toute évaluation. On peut donc évaluer des enjeux, des actions, des projets, des ressources, des résultats avec une échelle de valeurs commune basée sur le même Sens du bien commun. Cela n’empêche pas que les valeurs soit différenciées selon les parties prenantes et surtout cela n’empêche pas que chaque communauté de bien ou communauté de valeurs ait aussi et par ailleurs d’autres modes d’évaluation qui lui soient propres lorsqu’elle n’est pas engagée avec l’entreprise. Par exemple une filiale peut être commune à plusieurs entreprises. Elle peut avoir sa propre échelle de valeurs avec le Sens du bien commun qui lui est propre et par lequel elle vise son bien mais aussi elle va devoir concourir et de façon différenciée à chacune des entreprises actionnaires selon leurs valeurs spécifiques. C’est évidemment aux dirigeants de discerner à chaque fois le Sens de leur action.

Il faut donc associer le Sens du bien commun à une communauté donnée avec les valeurs qui lui sont propres. C’est ce qu’on appellera la communauté de référence. Ainsi avant toute évaluation et même tout engagement de l’action, tout projet, il faut déterminer quelle est la communauté de référence, ensuite son Sens du bien commun et les valeurs propres qui le caractérisent. Ce sont les bases d’une toute nouvelle appréhension de l’entreprise, ses finalités, sa logique, ses valeurs et enfin les méthodes et pratiques qui permettent d’en maîtriser les enjeux.

 

Les entreprises et le bien commun 3

19 Mai

Evaluations, valeurs et valeur

La clé du management et de toute maîtrise professionnelle individuelle et collective passe par l’évaluation. Evaluation des situations, des projets par anticipation, des réalisations en cours et à leur issue, évaluations ponctuelles, périodiques, continues. Evaluations des compétences individuelles et collectives, des opportunités, des ressources. Evaluation des risques internes ou externes, évaluation des marchés, des parties prenantes, évaluation des évènements, évaluation de l’environnement dans toutes ses dimensions. On voit bien ici que l’évaluation est une activité principale pour tout responsable et dirigeant, y compris pour ceux qui, majeurs, veulent assumer leur activité et leur vie professionnelle.
Alors vient le problème de ce qu’est l’évaluation. Trois réponses classiques du qualitatif au quantitatif : l’intuition fruit de l’expérience, l’utilisation comparative d’un modèle de référence ad hoc, la mesure comptable de la valeur. Aucune de ces méthodes ne fait appel explicitement au Sens du bien commun et aux valeurs communes. De là des incompréhensions classiques, des incohérences, une déshumanisation des rapports, des conflits d’intérêts quasi mécaniques, et maintenant souvent l’appel incantatoire à des valeurs plus universelles les unes que les autres et donc anonymes. La communication avec la cité, le public et les parties prenantes est sans cesse faussée.

La crise financière a mit en évidence une dissociation entre la valeur et les valeurs, entre la rationalité purement comptable et les valeurs collectives. C’est un problème de fond qui peut se résoudre avec une conception et une pratique de l’évaluation fondée sur le Sens du bien commun. On en verra ici quelques articulations essentielles.

D’abord pas d’évaluation sans communauté de référence. Pour quelle communauté, dans quelle communauté veut-on évaluer. Se poser la question est capital, ne serait-ce que pour voir la diversité des réponses possibles et la confusion générale si on ne le fait pas explicitement, chacun évaluant alors de sa fenêtre. L’entreprise? Les actionnaires? L’environnement territorial? Le marché? Le personnel? En fait toutes les réponses sont légitimes. Celle choisie n’exclue pas les autres mais les relativise à la communauté de référence. C’est l’engagement dans le Sens du bien commun qui justifie cela. En effet les valeurs qui en sont les indicateurs sont des valeurs humaines. Le bien commun est un « bien de l’homme » et non pas l’objet d’un intérêt arbitraire. C’est donc « le meilleur » de la communauté de référence qui sera mis en commun. Nous sommes là au seuil d’une exploration philosophique et éthique qui sort de notre propos mais pas de celui de l’Humanisme Méthodologique qui sert ici de guide.

Ensuite vient l’élucidation du Sens du bien commun qui donnera son axe de cohérence à toute évaluation à partager. Elle relève d’une expertise qui rejoint et va au-delà de ce qu’une intuition aiguisée soutenue par une connaissance profonde des problématiques humaines permet d’atteindre. il s’agit d’un exercice d’intelligence symbolique pour accéder à des dimensions en général inconscientes des groupes et communautés humaines. Cette élucidation dépasse mais justifie des rationalisations auxquelles on est habitué concernant la raison d’être et les finalités de l’entreprise en en étendant le champ aux fins proprement humaines. Le Sens du bien commun et son expression constitue un puissant vecteur d’identification, de valorisation, de motivation, de mobilisation, d’intelligence collective, d’implication…

Ce travail de discernement permet d’identifier des indicateurs de ce Sens du bien commun que sont les valeurs propres. Ces valeurs ne s’expriment pas uniquement sous forme d’images idéales, de formules mais aussi de situations exemplaires, de sensibilités, d’ambitions, de modèles types, etc. En fait c’est tout un système de valeurs qui peut être dégagé autour de cet axe de cohérence et ce Sens. On pourra utiliser un référentiel de valeurs générales à partager et le décliner selon les multiples groupes et situations de réalisations. Ce type de référentiel constitue un référentiel d’évaluation partageable. En effet il permet notamment d’établir les échelles de valeurs selon le Sens du bien commun et attachées aux domaines d’application utiles.

On en vient à la question de la valeur, de celle que l’on mesure notamment par des moyens quantitatifs, notant que sans qualification la quantification n’a aucun sens. En fait la valeur dans l’entreprise ou toute communauté de bien est la mesure de la contribution à un bien commun. Elle se mesure donc sur une échelle de valeurs établie en fonction du Sens du bien commun et non pas selon des critères inconnus (philosophies de la comptabilité) ou totalement impersonnels, abstraits, c’est-à-dire sans valeur propre qui concerne véritablement les hommes impliqués dans la communauté entreprenante.

Sur ces principes est rétabli le lien entre la valeur et les valeurs en les référant au Sens du bien commun c’est-à-dire à la communauté entreprenante, la communauté de référence, communauté humaine aux finalités humaines et aux pratiques humaines. Cela change profondément tout le paysage de l’évaluation comme moyen de contrôle et de pilotage des affaires et des entreprises humaines.

 

Les entreprises et le bien commun 4

19 Mai

Responsabilité sociale et socio-performance des entreprises

La question de la responsabilité sociale devrait entrainer deux autres questions. Par rapport à quels critères de valeurs cette responsabilité s’évalue et se réalise? Par rapport à quelle « société » cette responsabilité s’envisage? Les deux questions sont évidemment liées. Par exemple quelle est la responsabilité sociale des entreprises française vis à vis de la société chinoise ou vice versa? Si il s’agit d’entreprises qui travaillent avec la Chine où, mieux, si n’y travaillent pas. On voit bien qu’il n’y a là aucune évidence et que probablement cette responsabilité doit être située par rapport à une « société » ou une communauté de référence. Si tel est le cas alors le Sens du bien commun, les différentes expressions du bien commun, les valeurs, échelles de valeurs et mesures de valeur sont alors impliquées dans la nature et l’exercice de cette responsabilité. C’est bien par rapport à la communauté de référence, son développement, son économie communautaires que s’envisage la responsabilité. Sans cet enjeu pas de responsabilité sauf s’il s’agissait seulement de dénoncer quelque faute congénitale ou quelque nuisance fatale sur fond de culpabilité à sanctionner.

Il se trouve que le Sens du bien commun de toute communauté humaine l’amène à établir des relations avec d’autres communautés qui sont humainement recevables pour le moins et, mieux, qui peuvent être des relations de service. Ainsi la communauté entreprenante, si elle est prise comme référence, peut concourir au bien commun de communautés plus larges lorsqu’elle est engagée dans son propre Sens du bien commun. Par exemple les valeurs propres de l’entreprise entraînent à servir des communautés clientes en se souciant de leurs propres valeurs. Ce n’est pas la même chose que de prendre la communauté de clients comme communauté de référence, ce qui est aussi possible pour une entreprise, vouée alors à cette communauté là. Question de choix de communauté de référence.

Si on se situe maintenant dans une communauté de référence choisie comme par exemple une région, un pays ou toute autre alors la responsabilité s’envisage non pas en termes de nuisances mais de bénéfices pour la communauté selon son système de valeurs, son Sens du bien commun. Dans quels termes ce bénéfice est apporté? En termes d’économie communautaire, une conception nouvelle de l’économie, en termes de développement communautaire, en terme de devenir et d’empowerment communautaire. Il faut le rapporter, avec le Sens du bien commun, au paradigme communautaire qui monte de fait avec la mutation de civilisation. A l’ère de la mondialisation ce sont les communautés de vie et d’enjeux qui constituent le lieu des affaires humaines et des entreprises notamment. L’idée d’entreprises apatrides appartiens, à l’époque moderne, à un autre paradigme, le paradigme systémique où le concept de responsabilité sociale comme celui de bien commun n’existent pas. Le paradigme communautaire qui les place au premier rang est aussi celui qui ouvre à la liberté de choix mais aussi la responsabilité associée. Avec les ensembles communautaires la question se traite aussi à toutes les échelles : communautés et économies de proximité, communautés culturelles de marché, communautés monde. A chaque entreprise de savoir où elle habite et quels enjeux communautaires elle partage. Sans cela la responsabilité sociale est un leurre.

Vient ensuite la question de l’évaluation de cette responsabilité, de l’évaluation de la contribution aux enjeux communautaires selon le Sens du bien commun, les valeurs propres et les échelles de valeurs associées. C’est en termes de pertinence et de cohérence que cette évaluation est faite d’abord selon les critères précédents mais aussi en termes de performance si on se soucie aussi de sa mesure, celle de la valeur ajoutée, apportée, selon les critères précédents bien sûr. Il s’agit là de la socio-performance. La socio-performance est la mesure de la contribution de l’entreprise selon l’échelle de valeurs définie par le Sens du bien commun de la communauté de référence.

Le concept de socio-performance donne sa consistance à la responsabilité sociale c’est-à-dire communautaire. Il est tout à fait généralisable à toute communauté de référence. Socio-performance de l’entreprise dans la communauté territoriale où elle s’est engagée, socio-performance de l’entreprise par rapport à la communauté de ses actionnaires, à celle de son personnel, à celle de tel marché de clientèle. Mais il y a aussi la socio-performance vis-à-vis de la communauté d’entreprise, celle de ses équipes, de ses fournisseurs, de ses partenaires, de ses collaborateurs, de ses dirigeants, de ses différentes unités d’activité etc. En fait le concept de socio-performance est tout à fait le pendant de la question du bien commun, expression du Sens du bien commun d’une communauté de référence. Il est la question principale de tous les dirigeants et responsables d’entreprises et de tout projet, de toute activité dès lors qu’elle trouve son sens et sa valeur au sein d’une communauté humaine identifiée. Y-a-t-il quelque chose de plus essentiel, de plus concret, là où les abstractions quantitatives ont permis toutes les errances favorisant les aveuglements savants et calculés. On ne peut parler de responsabilité autrement. Si l’on ne s’y retrouve pas avec l’appareil verbal habituel en la matière alors il faut se demander quelle est sa socio-performance et ses critères de valeur et d’évaluation. C’est dire que la question de la socio-performance relative toujours à une communauté identifiée se pose à propos de toute chose, de toute activité, de toute entreprise dans toutes les affaires humaines.

 

Les entreprises et le bien commun 5

20 Mai

Dynamiques humaines et management communautaire

Le Sens du bien commun est associé à une communauté de Sens, communauté de bien, communauté entreprenante s’agissant alors d’une entreprise. Il en caractérise les valeurs et tout processus d’évaluation. C’est aussi l’orientation, l’axe de cohérence de son développement. Reste à savoir quelles en sont les incidences pour l’action. D’abord l’action devient action communautaire, le fait de la communauté en action, le fait de l’action sur la communauté par ceux qui la dirigent et l’encadrent. Sur ce plan on peut parler d’abord de management communautaire pour spécifier quel nouveau type de management est nécessaire. En effet selon la conception de l’entreprise le type de management change. Une entreprise technique réclame l’application de techniques de management, une entreprise systémique réclame un management régulateur, une entreprise de puissance réclame des stratégies de pouvoir et d’emprise. Les entreprises communautaires réclament une gouvernance communautaire. il s’agit d’impulser et de piloter une dynamique humaine structurée et évaluée selon les critères de valeurs qui lui sont propres. Il s’agit toujours, une fois discerné le Sens du bien commun, de le faire partager par la communauté entreprenante chacun dans son secteur. Il s’agit aussi de le faire partager à ceux qui en sont clients et partenaires par exemple. Différentes méthodes sont alors pertinentes.

La méthode des référentiels de valeurs partagés (MRVP). Elle consiste à construire un référentiel de valeurs à partir du Sens du bien commun dont les repères et les expressions sont établis par un groupe de dirigeants ou de représentants du corps social concerné. Ce travail d’élaboration partagée a le mérite de renforcer un conSensus, un entendement mutuel, une motivation commune, une mise en perspective commune de l’entreprise. La méthode consiste ensuite à le démultiplier dans tous les secteurs, dans tous les métiers, en faisant traduire par les intéressés le référentiel générique dans les termes appropriés à chacun. De ce fait c’est une bonne méthode d’appropriation du même Sens du bien commun mais dans les langages et selon les contextes propres à chacun. Du coup les bénéfices d’entendement mutuel, de motivation commune et de mise en perspective de l’activité se retrouvent à tous les niveaux et en plus dans une cohérence d’ensemble inhabituelle. On peut y rajouter l’établissement d’échelles et de critères de valeurs spécifiques conduisant à des capacités d’évaluation différenciées selon les secteurs ou les métiers mais cohérentes pour l’ensemble. C’est là la résolution d’un problème rarement maîtrisé correctement. Le développement de cette capacité d’évaluation amène le développement d’une compétence collective et d’une intelligence partagée instaurant une auto formation de grande efficacité.

Pour partager le Sens du bien commun il y a aussi différents vecteurs parmi lesquels on peut citer par exemple : l’identité prospective de l’entreprise, la communication narrative, le marketing des valeurs… L’identité prospective est une façon de s’identifier en se projetant dans le futur dans une vision de développement désirable exprimant les valeurs dans lesquelles on se reconnait. C’est le Sens du bien commun qui en est le vecteur. La construction d’un référentiel de valeurs identitaires en est le moyen propice. il rassemble en effet les valeurs rétrospectives, repères de mémoire ou de ressources antérieures (d’où venons nous?); les valeurs introspectives par lesquelles se reconnaissent les qualités, talents, traits de caractères dans lesquels se reconnaître (qui sommes-nous?); les valeurs prospectives que l’on cherche à privilégier (qui voulons nous devenir?). Ce travail d’identité est gratifiant et mobilisateur, renforçant le cohésion mais aussi l’image projetée pour tous les publics et parties prenantes.

La communication narrative intègre le fait que le Sens, Sens du bien commun et valeurs associées, est véhiculé par l’image et le discours, les affects, les événements mais encore mieux par ce qui les intègre : une histoire dans laquelle se situer, se projeter. La communication narrative ou storytelling est un puissant vecteur de transmission du Sens du bien commun avec ses bénéfices de partage, de mobilisation, de cohésion et donc d’attractivité. On pensera aussi à un marketing des valeurs, vecteur de Sens à partager entre les communautés entreprenantes et leurs clientèles actuelles ou potentielles. Le marketing des valeurs est basé sur l’axe du Sens du bien commun. Outre qu’il confère aux produits et aux actes une valeurs partagée il permet aussi de donner leur cohérence à tous les termes sur lesquels reposent les stratégies et les actions qui en découlent. On pensera aussi à la gestion, au contrôle de gestion où les termes d’évaluation, de valeurs et d évaluer sont évidemment décisifs. On devine que le Sens du bien commun bouleversera ce domaine et résoudra les impasses auquel il se heurte habituellement. On comprend que les évaluations, la gouvernance, le management communautaire et de toutes nouvelles compétences dérivent de tout cela faisant des entreprises non plus des machines nécessaires aux fins incertaines mais le vecteur majeur des activités humaines dès lors qu’elles sont situées dans un contexte communautaire, celui où s’accomplissent les potentiels de l’humanité.

 

Les nouveaux fondements de l’éducation

27 Août

Depuis des années la question de l’éducation se traduit dans ce pays par une guerre de religion. Il faut dire que révolution, laïcité, république, sont interprétés le plus souvent non pas comme solutions à des problèmes communs mais comme combats dogmatiques contre d’autres dogmes. L’école a été considérée comme le temple des idéologies régnantes dont le sectarisme n’a pas manqué. Si l’Education Nationale épouse les maux de la nation elle révèle des perspectives, des finalités qui sont celles des différentes parties prenantes au pouvoir éducatif. On notera que le politique, les parents, les collectivités locales en ont été exclus excluant les communautés de vie et d‘activité et la maîtrise de leur devenir, c’est-à-dire une démocratie majeure.

La confusion qui règne mélange aussi finalités, structures, fonctionnements, pédagogies, doctrines, habitudes, sciences, passé, présent et avenir, singularités et universalités. Aucun débat structuré n’est possible dans cette confusion générale.

On va donner ici quelques repères à partir desquels construire des conceptions et pratiques différentes et dont le discernement permet d’en éviter les maux et d’en cultiver les bienfaits. Ces repères dialectiques opposent chacun deux tendances, deux logiques, deux conceptions de l’éducation.

1 L’éveil des potentiels par l’expérienciel
La mise en situation permet de faire des expériences et le fait d’en éprouver les conséquences révèle des potentiels et favorise un développement personnel singulier. Sans permissivité pas de d’expérience personnelle significative. On devine que ce n’est pas suffisant.

2 La normalisation des comportements
La contention des comportements par des cadres matériels, mémoriels, intellectuels et moraux vise à acquérir la capacité de les reproduire. Ces cadres doivent être préétablis par une puissance normative indiscutable du moins de son point de vue et régis par des critères de conformité bien établis.

Dans ce premier antagonisme le rôle des affects est opposé, guide pour le premier obstacle pour le second.

3 Le témoignage de maîtrise humaine
Le maître est celui qui a cultivé une maîtrise dont il témoigne par les repères significatifs d’orientation, de détermination et de décision qu’il manifeste, le Sens qu’il donne ainsi. L’élève se trouve confronté à devoir trouver et assumer sa propre position d’initiative et pour cela s’engager dans un chemin de maîtrise, une discipline.

4 L’adaptation à la pression des emprises
L’absence de repères ou leur arbitraire conduisent à devoir réagir aux nécessités, aux besoins vitaux, aux menaces dont on est soumis à l’emprise. L’acquisition des réflexes conditionnés permet de réagir automatiquement aux impulsions perçues.

Dans ce second antagonisme c’est l’autonomie proprement humaine qui est en jeu avec l’ambiguité entre la maîtrise des choses comme emprise exercée et la maîtrise de soi qui passe souvent par une déprise des choses.

Alors qu’en est-il des oppositions habituelles ?

Les pédagogues de l’éveil hérissent les normalisateurs dont l’idéal rationaliste et universaliste consiste justement à évacuer le spontanéisme permissif qui déstructure les cadres de pensée et d‘organisation de notre société. Comme le disent quelques-uns, l’idéal de l’homme est en avant, égalitaire, selon les mérites de conformité alors que la théorie des potentiels personnels est inégalitaire et pulsionnelle source d’un libéralisme forcément désorganisateur et dé-régulateur.

Cependant, il faut le conjuguer avec l’autre dialectique. Pour celle-ci le monde est d’essence matérielle (matérialisme) soumis à des forces et à l’emprise des uns contre les autres. La lutte pour la survie est une nécessité d’adaptation dont il faut acquérir les savoir faire. L’accomplissement humain personnel est alors une illusion comme d‘autres opiums des masses, destinés à exercer une emprise sur les plus faibles. L’émancipation s’oppose à la maîtrise de soi et les maîtres d’écoles seraient simplement des libérateurs.

Rationalisme universaliste et matérialisme défensif se conjuguent pour une éducation normative conditionnée, qui se pose comme un salut. C’est une instruction disciplinaire qui est prônée comme on le dit de ces caricatures d’enfermements militaires. C’est l’une des conceptions idéologique traditionnelle prédominante en butte tant à la maturité grandissante des hommes qu’à leurs aspirations libertaires.

On identifiera aussi deux conceptions classiques.

La formation civilisatrice comme acquisition des disciplines classiques grâce à des maîtres qui forment ainsi des élites. La maîtrise des conformités et des normalités n’est ce pas la définition de nos grandes écoles ?

A l’inverse la formation sur le tas comme acquisition de réflexes destinés à dominer l’adversité sans se laisser dominer. Ne pas se laisser faire et tirer son épingle du jeu. C’est la caricature que les anti-pédagogues dénoncent, formation par la permissivité de délinquants potentiels.

Enfin il serait temps de considérer l’éducation dans ses deux dimensions complémentaires en opposition radicale avec le matérialisme et le rationalisme, idéologiques et politiques, dominant le monde scolaire avec leurs conjugaisons, leurs malentendus et leur manichéisme.

La refondation de l’éducation.

Elle doit reposer sur deux piliers.

L’expression des potentiels dans l’expérience. Avec la permissivité c’était une des bases des «nouvelles pédagogies» du 20ème siècle soigneusement écartées par l’Education Nationale. Elle s’appuie sur les situations créées par un environnement favorable et sécurisé donc en présence d’animateurs. La prospective nous fait découvrir un champ immense d’expérience et de permissivité comme il n’y en a jamais eu dans l’histoire de l’humanité avec Internet. Cela n’empêche pas d’autres espaces adaptés aux publics et notamment leur âge de maturité et aussi des fonctions d’animation pertinentes. Cependant, dans l’espace d’expérience d’Internet les environnements sécurisés et les animateurs sont encore rares. Il faut aussi souligner qu’il s’agit d’expérience individuelle dans un espace communautaire et d’expériences communautaires dans des ensembles communautaires élargis. C’est d’ailleurs le type de structure qui se déploie sur le monde d’Internet et dans toutes les affaires humaines à l’avenir. On notera que si le relationnel est le terrain favorable de l’expérience il implique bien sûr l’affectivité mais aussi les comportements factuels et physiques et aussi les expériences imaginaires et mentales.

Le second pilier est celui de la discipline de maîtrise qu’un maître repère propose à ses élèves dans une relation pédagogique initiatrice de la maîtrise de soi. Nombre de traditions dont l’université à ses origines, nous en ont laissé en mémoire des héritages où la dimension symbolique de la pédagogie est essentielle. Quel Sens, propre, personnel, peut-on donner à telle ou telle expérience ? C’est un travail de discernement qui engage une liberté d’ordre spirituel (ce qui ne veut pas dire ici intellectuelle). Le libéralisme spirituel de Ferdinand Buisson repris par Vincent Peillon nous décrit cette nécessaire référence à une maîtrise symbolique qualifiant ainsi la fonction des maîtres et aussi la référence symbolique ultime à Jésus Christ. On conçoit que ce sont les principes reposant sur une conception de l’homme et sa transcendance (c’est-à-dire au-delà du matérialisme en opposition).

C’est dans la conjugaison des deux qu’il s‘agit d’engager une refondation. Pas d’éducation sans expériences ni sans témoignages de maîtrise associé, sans permissivité et sans autorité repère. Le terrain est immense et les animateurs possibles mais où sont les maîtres et leur école ?

On notera ici comment les tendances négatives qui se combattent ont aussi un autre effet interdire les tendances positives ou du moins leur conjugaison. L’universalisme rationaliste déteste la versatilité des situations ouvertes par Internet. Rien n’interdit pour autant des espaces d’animation et des animateurs compétents. Le matérialisme «émancipateur» a une sainte horreur de l’autorité qu’il ne sait interpréter que comme pouvoir d’emprise et ne voit dans la maîtrise que la visée d’un esclavage. Cela est patent dans la mise en question et la diabolisation des pouvoirs qu’il faut d’urgence supplanter et ce d‘ailleurs sans vergogne. Ainsi la grande confusion qui règne avec ses guerres de religion a pour but principal d’empêcher la refondation que les temps venus attendent. Qui a déjà essayé d’appliquer le «libéralisme spirituel» au champ d’expérience immensément diversifié d’Internet. Qui joue à déjouer cet enjeu ?

 

Lettre à un maire qui vient d’être (ré)élu

27 Mar

L’implication des habitants et des acteurs de la cité dans les affaires communes.

La défiance et même la colère des habitants et des acteurs vis-à-vis de l’action publique sont arrivés à un point de basculement. Il oblige à une mutation démocratique qui dépasse les bonnes intentions et les incantations.

Le modèle traditionnel dans notre pays a été marqué par deux approches complémentaires qui sont profondément remises en question.

Pour la première, l’action publique encadre et règlemente la vie et l’activité collective basée sur les expertises de l’Etat et des collectivités locales. Le résultat en est une ignorance fréquente de la chose publique par les populations et une mise en dépendance, même du politique.

Pour la seconde, l’action publique est conçue comme (re)distributrice de ressources et de moyens pour compenser des manques ou des besoins sociaux. L’ambiguité des motivations, la montée des exigences et des défiances avec les soupçons de clientélisme disqualifient la façon dont cette fonction est exercée et notamment son rapport coût/efficacité.

La mutation de notre époque et de notre monde, marquée par une succession de crises de transitions, se caractérise aussi par le développement progressif d’un processus d’autonomisation responsable, dite aussi « empowerment », des personnes et des communautés. Elle se caractérise aussi par la possibilité de multiplications des relations de proximité, même à distance, c’est-à-dire le tissage de liens autour d’enjeux communs, à toutes les échelles.

La réhabilitation des communautés d’existence et d’enjeux rétablit les conditions d’engagement et de développement communautaires des habitants et des acteurs qui s’y retrouvent.

La participation des habitants et des acteurs aux affaires communes trouve alors :
– un levier pour l’action et le développement individuel et collectif : des communautés majeures d’enjeux ou de territoires (quartiers, villes…) à toutes les échelles.
– un principe éthique : le Sens du bien commun, propre à chaque communauté et à chaque ensemble communautaire (quartiers, villes, communautés de communes, d’agglomération, régions, nations, etc.) qui exprime des valeurs, des richesses humaines et une motivation partagée.
– une trajectoire et une démarche de développement communautaire appropriée, en fonction des niveaux de maturité et de conscience avec de nouvelles méthode de participation démocratique.
– son propre modèle culturel de développement et de gouvernance communautaire où sont associées toutes les parties prenantes et les communautés impliquées.

Dès lors l’action publique se justifie par sa contribution au développement communautaire et donc aussi celui de tous ceux qui les constituent : personnes, groupes, acteurs, organisations… et non par une tutelle ou une ressource distributrice inépuisable, deux modèles « parentaux » pour mineurs.

Cependant de nouvelles compétences sont nécessaires, appuyées sur la connaissance des phénomènes et dynamiques communautaires, la mobilisation et l’accompagnement de processus d’autonomisation responsable. Ainsi les méthodes d’appropriation active des affaires communes, la conduite des processus de conscience et de maturation, la direction et la conduite de projets communautaires deviennent des conditions majeures.

Elle réclament :
– la constitution de pôles de compétence pour capitaliser et démultiplier ces compétences nouvelles.
– l’engagement d’une mutation culturelle et professionnelle des acteurs de l’action publique, conditionnés par les modèles classiques
le développent d’un nouveau type de gouvernance, la démocratie communautaire, dans tous les domaines de l’action commune.


La démocratie communautaire comporte l’articulation de trois niveaux d’exercice :
– la démocratie élective qui incarne le Sens du bien commun propre à chaque communauté. Pour la ville c’est le maire qui en est l’élu et exerce cette fonction de repère de direction et d’orientation avec l’appui des relais de sa politique générale.
– la démocratie représentative qui ne doit par rassembler seulement les élus du plus grand nombre mais aussi les représentants des groupes et communautés qui participent à l’édification du bien commun. Des conseils communautaires basés sur cette représentativité sont chargés de déterminer règles, cadres, projets, stratégies, etc. selon les niveaux de maturation collective acquis.
– la démocratie participative qui porte sur l’activité et les actions communautaires, selon les cadres et projets développés dans le Sens du bien commun et selon le principe : ce sont les acteurs qui agissent. Les acteurs sont les habitants, les forces vives, les groupes et communautés constituées, les entreprises et organisations, les institutions et tous ceux qui composent la communauté ou y participent.

La compétence collective et l’intelligence collective se développent à partir de cette participation aux enjeux communs et s’y exerce dans tous les domaines de la vie et du développement communautaire. Ce modèle de participation n’a rien à voir avec les simples consultations sommaires habituelles, ni les débats pseudo équilibrés, ni les négociations qui ramènent tout aux rapports de forces ni les naïvetés dont l’échec récurent ne trouble pas la répétition incantatoire. Il tiens compte de la richesse des potentiels humains individuels et collectifs mais aussi de leur nécessaire maturation au travers de situations et d’apprentissages progressifs préparés, soutenus et accompagnés.

Alors, avec la mise en place de nouveaux conseils municipaux, les maires de ce nouveau cru doivent songer non pas à reproduire les modèles qui les enferment mais à se préparer à cette mutation que la société civile attend de façon plus ou moins confuse et qui se manifeste déjà de plus en plus clairement.

A titre d’éclairage un texte de 2009 « le temps des démocraties majeures »

le 27 Mars 2014
par Roger Nifle
chercheur prospectiviste et promoteur d’un Humanisme Méthodologique.
mailto:rnifle@coherences.com

 

Post-démocratie?

25 Jan

Selon Colin Crouch un sociologue anglais, la démocratie ne serait pas applicable au-delà des espaces nationaux. Du coup c’est à une régression de la démocratie que l’on assisterait, une dé-démocratisation. Le pouvoir d’entreprises multinationales se substituerait aux pouvoirs démocratiques. Il y a là « un plafond de verre » de la conscience des intellectuels. Dans l’évolution des niveaux de conscience humaine et des niveaux de civilisation ( théorie de l’évolution humaine de l’humanisme méthodologique) on peut envisager quatre conceptions de la démocratie.

Le niveau archaïque dominé et régi par les affects. La démocratie serait l’imposition de la volonté du peuple à l’encontre de pouvoirs oppresseurs. Un pathos pour répondre à un pathos dans l’affrontement des volontés de puissance. On sait que la démocratie ainsi définie l’est par quelque « avant garde » quelque peu ventriloque qui fait parler le peuple jusqu’à s’approprier sa voix et sa volonté. On a appelé cela démocraties populaires.

Le niveau primaire l’univers des faits et des interactions. La démocratie est l’organisation collective, la cogestion opérationnelle, la co-opération qui fait l’objet de bien des expériences participatives. Limitée au champ des enjeux et des occupations collectives elle se traduit par une co-ordination qui réclame une cohérence vite confiée aux experts à tel point que les simulacres ne sont pas rares. Une véritable démocratie supposerait une capacité de compréhension mutuelle qui dépasse le niveau factuel.

Le niveau secondaire, celui des représentations idéelles. La démocratie est la caractéristique d’un système politique basé sur une représentation de l’Etat et de la citoyenneté. C’est une notion de type juridique qui se traduit par un système formel que les élections représentent le plus souvent avec les délibérations sensées permettre à chaque citoyen de forger son opinion en conscience. Le problème est ici que, à l’âge des représentations (mentales), celles-ci semblent constituer le champ indépassable de la conscience. L’identification des Etats nations et de leur territoire matérialisent ce qu’une carte de géographie représente. Un découpage de l’espace devenu espace politique, dessine les champs de la loi démocratique qui s’y fonde totalement, exclusivement. Déjà dans un pays comme la France qui a poussé très loin le formalisme des idées, il est difficile d’intégrer l’existence de régions comme espace démocratique. On voit bien comment le niveau national s’impose sans cesse. Il lui est difficile aussi d’intégrer un niveau supérieur comme l’Europe sans tomber dans l’idéalisme généralisé de l’espace universel régit par les idéaux français. Du coup ce qui « dépasse l’entendement » et ses frontières matérialisées est vécu comme un trouble régressif. C’est effectivement le cas dans les espaces moins verrouillés que les Etats nations, et pour cause.

Le niveau tertiaire, celui des communautés de Sens. C’est le niveau de conscience qu’aborde la mutation de civilisation à l’âge de maturescence ( hominescence dit Michel Serres ), l’âge du Sens. Les affaires humaines, seuls enjeux démocratiques évidemment, n’existent que dans l’espace des communautés humaines. Or ces espaces ne répondent pas à la topologie cartographique et ses frontières d’exclusion inclusion. A l’heure d’Internet c’est de plus en plus évident mais cela a toujours été comme ça. La démocratie ne peut se définir par un système formel (même si elle en emprunte la médiation de façon contingente). Elle se fonde dans les enjeux et les modalités existentielles donc culturelles d’une communauté humaine (de nature humaine). C’est la question de la gouvernance communautaire qui est posée. La réponse démocratique suppose une prise de position axiologique c’est-à-dire en référence au bien. L’humanisme méthodologique montre comment le Sens du bien commun vient parmi d’autres Sens poser l’axe du bien dans les enjeux et les modalités communautaires. La gouvernance communautaire tout comme l’économie communautaire et toutes les affaires communautaires ressortissent d’une démocratie propre qui dépend et de la spécificité culturelle et des niveaux d’évolution et de conscience individuels et collectifs. La démocratie communautaire a été repensée tant comme conception que comme pratique ( le temps des démocraties majeures ). On y distingue démocratie élective autour du repérage du Sens du bien commun, démocratie représentative autour de la construction des représentations collectives, la démocratie participative autour de la gestion des affaires communes.

Alors où est la post-démocratie? Elle est dans le dépassement impossible d’un niveau de conscience, le plafond de verre qui empêche de voir l’avenir de la démocratie en train d’émerger. La conscience communautaire, la complexité aussi des ensembles communautaires, le Sens du bien commun, la gouvernance communautaire et l’économie communautaire font partie des déploiements d’un paradigme communautaire émergent. L’au-delà du plafond de verre.

Il est vrai que les défauts de conscience laissent le champ à toutes les immaturités possibles et aux régressions constatées. Tant qu’on pense la démocratie mondiale comme celle d’un super Etat nation il ne peut en être autrement. Penser une communauté mondiale qui comme toute communauté est une communauté d’altérités (diversité, différences) et non pas une communauté de « mêmes » juridiquement  constitués, est la base d’une possible démocratie mondiale qui ne se substitue pas aux autres communautés. C’est ce que le « multilatéralisme » des Etats n’arrive pas à instaurer.

C’est donc ce plafond  de verre des consciences intellectuelles qui est le principal obstacle à la maturation de la démocratie plus que les seigneurs de la guerre économique qui occupent un terrain laissé vierge.

 

Prospective de l’Entreprise Numérique

24 Août

Un article publié sur le site du CIGREF,réseau de grandes entreprises.
Il donne des repères pour la mutation engagée. La mutation des esprits est plus importante que celle des technologies qui n’en sont qu’un support. Comprendre les phénomènes de changement à l’oeuvre, évoluer du traitement de l’information au traitement des situations, le modèle de l’entreprise communautaire et ses enjeux qu’il s’agit de bâtir et enfin le virtuel comme vecteur d’une transformation du monde des affaires humaines et des entreprises, tels sont les quatre parties de ce document publié progressivement.

Nous sommes dans une période de grands progrès, de grands bouleversements, de grands troubles. L’éruption incessante des crises est comme celle des boutons qui marquent le fait qu’une réaction est en train de se produire, ce qui est bon signe, du moins si on en comprend le Sens pour agir. L’Entreprise Numérique nous est promise comme une révolution technologique, structurelle, culturelle, majeure en tout cas. Mais qu’en est-il vraiment de ce qui est en train d’advenir et qui se trame, à grande échelle, mondiale ? En d’autres temps on consultait l’oracle (toute ressemblance…) mais les viscères de nos oiseaux technologiques ne parlent pas de l’avenir. Peut-être alors quelque pythie qui, elle, ne dit pas mais signifie ? En effet tout est affaire d’interprétation, d’imagination et mieux, de discernement et de créativité, un problème de Sens et de projection dans le Sens indiqué..;
la suite sur le site du CiGREF

 

Quel modèle de société ?

25 Déc

Quatre modèles de société

La mise en question du modèle de société dans notre pays est de plus en plus patente. Différents rapports sur l’intégration en sont des analyseurs. Deux modèles sont d’ores et déjà en conflit, l’universalisme républicain et le différentialisme.

Le modèle rationnel. L’universalisme Républicain est devenu une prétention exorbitante au point de vouloir s’imposer au monde entier. Justifié par une interprétation opportuniste des Lumières et de la Raison il fait de la rationalisation de la cité un idéal. Seulement une organisation rationnelle tutélaire y exerce le pouvoir : l’Etat. En fait c’est une oligarchie élitiste qui gouverne à partir de ses bonnes Raisons, et de son monopole de la détermination et du jugement de l’intérêt général. Cet universalisme de la raison supérieure réduit ce qui fait la singularité de chaque être humain et chaque communauté culturelle à ses normes, uniformes. C’est donc là un anti-humanisme qui fait de l’accessoire, la raison, l’essentiel et de l’essentiel de l’humanité en l’homme une tare à éliminer… C’est pour cela que l’émancipation de toute origine et racine culturelle, familiale et religieuse, leur éradication est posée publiquement comme finalité de l’école et le conditionnement normatif aux productions de la raison comme la méthode de formatage et de sélection des élites. Cet universalisme abusif crie au loup dès qu’il faut prendre en considération quelque différence non dûment rationalisée. Ce projet est toujours à l’oeuvre au nom de l’égalité, une « valeur » dénuée de rigueur conceptuelle en l’occurrence. Dans ce modèle il y a la société civile, une société inférieure, sous tutelle y compris ses prétentions démocratiques. C’est le terreau sur lequel prélever des ressources, exercer un contrôle normatif, ruser avec les passions, justifier ses fonctions propres, et jouer avec des libertés fantasmées conçues comme accès aux droits distribués par l’Etat et sous son contrôle. Les étrangers sont invités à se fondre dans cette société civile et toute communauté est suspecte ce qui fait que le lien social est sous la dépendance de l’Etat et la foule de ses structures intermédiaires et associations en mission de service public c’est-à-dire de l’Etat. On notera que l’assistanat est indispensable pour tenir en dépendance la société civile, qu’elle soit bénéficiaire ou ponctionnée, ou les deux.

Le modèle passionnel. Le différentialisme. La révolte contre le système précédent se fait au nom des différences et de la conflictualité attachée à leurs revendications ou leur défense. Les hommes sont identifiés à leurs passions et leurs rapports de force justifiés par des différences apparentes forcément inégalitaires. Chaque groupe s’identifie à la défense de ses intérêts et leur légitimité historique. Celle-ci vient de l’oppression des autres groupes, alliés quelques fois dans quelque conflit mais adversaires par réduction aux différences patentes et leurs conflits existentiels. A certains d’origines étrangères on donnera un pouvoir d’agir qui serait plutôt « pouvoir de réagir contre »… les autres. D’autres verront dans le multiculturalisme une menace pour leur identité propre pendant que d’autres le revendiquent. D’autres encore, réunis en groupes d’intérêts corporatistes chercheront à gagner contre tous les autres. Des communautés d’identité défensive alimenteront le fameux communautarisme par leur intégrisme ethnique, religieux, philosophique ou même économique. Le régime des passions est aussi celui du populisme. On notera que le peuple est appelé à se révolter contre l’oppression désignée, celle des autres qui n’en font pas partie. De ce fait les « milieux populaires », le peuple de gauche ou de droite, sont convoqués à cette résistance ou cette révolte en solidarité avec d’autres communautés discriminées avant de combattre contre leurs prétentions. Des mouvements comme le féminisme, le LGBT, les ex colonisés, les antirascistes ostracistes, les racistes exclusifs, alimentent un populisme généralisé ou chacun se juge l’opprimé de l’autre et légitime ainsi sa défense et ses attaques. Ce modèle de société qui a eu ses heures de gloire avec la lutte des classes et les conflits mondiaux du siècle dernier reste toujours agissant, celui de tous contre tous, de l’autre comme menace. C’est l’un des modèles jugé réactionnaire par le modèle universaliste étatique dit républicain.

Mais ces deux modèles ouvrent sur une autre alternative décisive, la voie de la facilité ou la voie de l’exigence humaine.

Le modèle naturel. Les lois de la nature des choses régissent les affaires humaines croit-on. Alors n’ayant de cesse de dénoncer les atteintes de l’homme à la nature par tous les actes de civilisation et de progrès matériel consommatoire, le retour au naturel est le leitmotiv d’une néo modernité. Vie naturelle, empreinte minimale, respect des besoins naturels et des comportements instinctifs, valorisation de l’enfance et des âges premiers, bons sentiments, relations spontanées, sont autant de critères de bonne conscience où la biologie fait figure de sacré. La vie est un jeu que les autres sont invités à partager. Mais la nature des choses s’exprime aussi dans les lois scientifiques, sociologiques, technologiques même. Dès lors de nouveaux modes de vie respectueux des évolutions biologiques, bio technologiques, d’une économie naturelle dans ses lois et ses productions durables intègrent aussi des relations dégagées de morales et d’exigences qui n’ont pas lieu d’être selon la nature des sentiments et des besoins ressentis. Ce modèle qui s’exprime dans des milieux de proximité ou dans des mouvements mondialisés, dans le local et le global, rejoint le rapport quasi religieux à la terre et à la planète reliées par des systèmes qui tissent les liens d’un transhumanisme, ou d’un post humanisme pour d’autres. La conscience comme évidence collective, se débarrasse des exigences et des disciplines de maîtrise de la nature et de la nature humaine et s’érige en éthique de la nature. Dès lors, au nom de la nature des choses ou des pulsions, toutes les monstruosités sont possibles. Rappelons-nous la place de l’éthique naturaliste dans le nazisme ou de l’éthique sociale égalitaire du stalinisme. Ce ne sont pas des accidents mais les conséquences d’un déni d’humanité.

Le modèle communautaire. La communauté de bienveillance veille au bien de chacun et au bien commun. Comment penser bien commun sans une communauté, une conscience collective, un Sens donné au bien commun qui soit le bien de tous parce que celui de chacun. Le bien humain est dans son devenir, ce que vivre veut dire qui n’est pas survivre. Veiller au bien ce n’est pas autre chose que veiller à ce devenir. Bienveillance nourricière, éducative, économique, politique telle est la responsabilité de chacun et le service qu’il reçoit de la communauté et des autres. Ainsi chacun est à la fois source de bienfaits pour la communauté selon ses potentiels et singularités et à la fois bénéficiaire de bienfaits de par la communauté et les autres. Mais chaque petite communauté est aussi membre de plus grandes et fait l’objet de bienveillance de même que l’on peut attendre sa bienveillance à l’égard de la communauté plus grande et ainsi jusqu’aux plus grandes, territoriales ou non. C’est ce qui permet la diversité culturelle, religieuse et l’altérité des personnes dans un rapport réciproque de bienveillance mutuelle au sein de communautés de devenir. Penser le rapport de bienveillance qui est un respect mais orienté vers un devenir commun et aussi singulier, amène à penser toutes ses formes et ses pratiques, ses degrés et ses déviances. La communauté de bien est donc la base de toute société et de toutes les affaires humaines lorsque le bien humain est le critère de valeurs et donc d’éthique c’est-à-dire un humanisme véritable. Le modèle communautaire n’est pas un angélisme puisque toujours à l’oeuvre au travers de toutes les affaires et les situations humaines. Il est cependant le seul capable de les réguler en rapport avec un Sens du bien commun associé au développement et l’accomplissement humain. Politique et démocratie, économie et activités, éducation et développement sont tous à penser et réaliser sous le régime de la bienveillance, non sans exigences de réciprocité. C’est bien sûr comme cela que doit être accueilli tout autre, nouveau né ou étranger, personne ou communauté.